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5e édition des Nuits des Arènes à Paris, du 13 au 16 juin 2019.

Du 13 au 16 juin 2019 avait lieu à Paris la 5e édition des Nuits des Arènes, festival ambitieux à la programmation éclectique qui a redonné vie aux arènes de Lutèce et donné le coup d’envoi de l’été.

Initialement prévu sur cinq jours, le festival a non seulement dû renoncer à la programmation du mercredi mais a également été contraint de délocaliser la soirée d’ouverture au Petit Bain. La raison ? Des riverains soucieux de leur tranquillité. C’est un problème récurrent à Paris, qui va en s’accélérant et une menace grandissante pour les soirées et nuits parisiennes. S’il est bien évidemment légitime d’aspirer à la tranquillité, un festival une fois par an, s’engageant à couper la sono à 23 heures en semaine, devrait tout de même trouver sa place dans cet écrin magnifique mais bien vide que sont les arènes de Lutèce.

Si le festival est ambitieux c’est en premier lieu par sa programmation. Ateliers, débats, spectacles, concerts, DJ sets, expositions, marché de créateurs, rencontres… il est impossible de ne pas trouver au moins une bonne raison de faire le déplacement. Je ne vois pas d’équivalent en plein cœur de Paris.

Organisé par une équipe jeune, engagée, composée en grande partie de bénévoles, le festival « vise à relier les arts, les médias, le politique et les citoyen-ne-s. On vient s’y distraire mais pas seulement. « Le Festival propose aux citoyen-n-e-s d’expérimenter et d’exprimer leur parole artistique et politique, de les mettre en résonance, et par là même de s’engager dans la cité ».

Si chaque pièce, chaque concert ouvre à la réflexion, c’est souvent sur un mode humoristique. On rit beaucoup, on danse, on est ému, on écoute, on réfléchit, on échange et on en redemande. Les artistes descendent de scène, se mêlent aux spectateurs, s’approprient l’espace, enfants, ados, adultes, seniors, chacun trouve quelque chose à faire, à voir, à écouter, à dire.

Retour sur quelques temps forts de ces quatre jours de festival.

De la soirée d’ouverture au Petit Bain, le jeudi, j’ai particulièrement retenu la prestation de Samifati, duo nantais proposant un mélange de violon, de musique électronique et une scénographie somptueuse invitant au rêve et au voyage. On se laisse totalement emporter par l’univers de ces globe-trotters, inspirés par leurs nombreux voyage en Chine, Indonésie, Corée du Sud, Vietnam, Thaïlande, Bénin, Burkina-Faso, Egypte, Maroc, Pakistan … Le duo se produit devant un public malheureusement bien trop clairsemé, la salle s’étant en partie vidée après l’électro de Magnetic Ensemble, sans doute à cause du retard pris par les groupes et c’est bien dommage.

Le vendredi, direction les arènes de Lutèce, un lieu que je connais très peu, grand et pourtant difficile à trouver, un écrin de verdure dans la jungle urbaine parisienne. Les vieilles pierres, les arbres, le cercle parfait, les escaliers, les gradins, quel endroit incroyable en plein cœur de Paris.

La programmation du vendredi soir est théâtrale avec « C’est la Phèdre », une version totalement déjantée de la tragédie de Sénèque. Si j’avoue ne pas être une grande fan du théâtre classique j’ai été bluffée par cette version revisitée et plutôt punk interprétée avec énergie par le collectif des bourlingueurs. Les artistes s’approprient l’espace des arènes, n’hésitant pas à descendre de la scène, à se mêler aux spectateurs, il s’agit bien ici d’art VIVANT au sens large du terme. La pièce, portée par de jeunes acteurs incroyables, totalement habités par leur rôle, est jouée à une cadence effrénée, rythmée par un duo de musiciens, guitare électrique/batterie. On rit beaucoup, on s’étonne, on frémit devant cette audacieuse mise en scène où l’absurde côtoie le tragique. Certains moments sont franchement hilarants. Les acteurs, totalement débridés, semblent n’avoir aucune limite. Bravo à la troupe, faire rire aux larmes avec une tragédie c’est très fort !

C’est avec « je demande la route » de Roukiata Ouedraogo que s’achève cette deuxième journée du festival. Du Burkina Faso à Paris, Roukiata conte avec autodérision son parcours, pointant les travers de son pays d’origine comme ceux de la France. Tour à tour drôle, émouvant ou grave lorsque la jeune femme évoque l’excision, ce récit est avant tout celui d’une femme qui va prendre en main son destin et suivre son chemin en faisant sienne les deux cultures si différentes des deux pays. Beaucoup de tendresse et d’humour, une formidable actrice, une mise en scène impeccable, en clair un spectacle que je recommande !

Samedi, 3e jour de festival. C’est sous un soleil de plomb que festivaliers, badauds et enfants du quartier investissent les arènes. Outre une programmation très riche, le festival propose un marché d’artisans / créateurs où l’originalité le dispute à la qualité, un espace de débats portant cette année sur les questions environnementales, des lieux de détente avec transats, parasols, possibilité de jouer à la pétanque … Cerise sur le gâteau, l’accès au site et aux spectacles de la journée est gratuit !

Débat sur les questions environnementales

Au rythme de l’électro d’un duo de DJ installé dans les gradins des arènes, bénévoles et festivaliers épluchent et découpent fruits et légumes invendus pour confectionner d’immenses salades qui seront ensuite redistribuées gratuitement.

Les élèves de l’option théâtre du lycée Saint-Sulpice donnent le coup d’envoi des spectacles avec une pièce qu’ils ont écrite eux-mêmes, « Matériau réfractaire », dans laquelle Simon, brillant coureur de l’équipe du lycée, décide un jour, sans explication, de ne plus se mettre dans les starting blocks, laissant les autres tenter d’expliquer, voire d’exploiter cette situation, provoquant de nombreux bouleversements. Qu’il est bon de voir des jeunes oser non seulement un travail d’écriture mais également une interprétation, en pleine journée, dans ce lieu sans doute intimidant. Bravo aux lycéens et à leur professeur !

Je file m’installer autour d’une piste recouverte de boue blanche, pour Gadoue, un spectacle sans paroles d’une trentaine de minutes de la compagnie Jardin des délices, dans lequel un jongleur, arrivé en costume, va se déshabiller en essayant de ne pas tomber ni se salir, tout en jonglant, pour finalement, une fois les vêtements enlevés, se rouler dans la boue provoquant l’hilarité des enfants et des plus grands. Au fond tout le monde aimerait sans doute se rouler à son tour dans la gadoue pour goûter aux joies de la patouille. Gros gros coup de cœur !

Encore du théâtre avec « Le Bon Grain » par la compagnie Nori, une comédie pour petits et grands sur le thème du réchauffement climatique. L’histoire d’une reine qui passe plus de temps à s’occuper de son potager que de ses sujets et n’hésiterait pas à sacrifier son peuple pour sauver la planète. Avec beaucoup d’humour, la compagnie aborde des sujets ô combien d’actualité et pas seulement le réchauffement climatique. Le Bon Grain traite aussi de l’inconséquence des classes dirigeantes et de la révolte du peuple. Deux thèmes bien d’actualité également !

Après « Fils de », une représentation de l’atelier théâtre du lycée Jean Lurçat, place à la musique avec « Duke et Thelonious » par le Denis Charolles Octet, un hommage à deux figures essentielles du jazz, Duke et Thelonious avant un final en beauté avec « Tall Man », une création collective du Surnatural Orchestra, un collectif de dix-huit musiciens. Entre concert et théâtre, avec talent et dérision, les musiciens vont entraîner le public dans leur folie pour un joli moment de danse et de partage avant d’être rejoints par les membres du Denis Charolles Octet pour un final en beauté.

Quatrième et dernier jour du festival avec du théâtre l’après-midi et, à 17h30, un concert de Joseph Chedid dont le deuxième album « Source » est sorti le 21 juin. Un des moments forts du festival avec un public debout devant la scène auquel il n’a pas fallu longtemps pour danser et chanter et un groupe donnant une sonorité résolument rock même aux morceaux les plus intimistes de l’album. « Bipolaire », « Dévoilez-vous », « Guérir », « Choupinou » vont même tout le monde d’accord, attention talent ! Souriant, décontracté, Joseph va se payer une petite danse avec le public et même faire quelques pompes sur scène. Les sourires sur les visages en disaient long. Un très joli moment de partage et un artiste à suivre de très très près. Le petit frère est devenu grand et trace sa route !

Les meilleures choses ont une fin. Pour clôturer le festival, « Al Atlal, Chant pour ma mère », un spectacle entre théâtre et concert dans lequel Norah Krief livre un récit chanté et parlé de l’exil de ses parents et rend un vibrant hommage à Oum Kal­soum, la Cal­las de l’Orient. Une his­toire d’en­fance, une his­toire d’exil, une his­toire uni­ver­selle. Accompagnée par trois musiciens multi-instrumentistes, Norah Krief se met à nu. Les sonorités des instruments orientaux sonnent magnifiquement dans les arènes. C’est beau à en pleurer. Voilà la magie et l’importance des festivals. On vient principalement pour des artistes que l’on connaît déjà et on découvre un univers qu’on ne soupçonnait pas.

C’est avec beaucoup d’émotion qu’Emilie, l’organisatrice du festival va prendre la parole après le concert et rendre hommage à son équipe de bénévoles sans laquelle rien ne serait possible. Merci à eux pour l’audace de la programmation, pour leur engagement, leur disponibilité. Ils sont tous si jeunes ! A l’année prochaine pour la 6e édition !

Merci à Emilie de la compagnie Nadjastream et à Romane de l’agence Shaker pour l’accréditation.

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