« J'avais envisagé et voulu faire ce genre d'album depuis des années, mais de par sa nature, cela n'aurait pas eu de sens avant aujourd'hui ». Si Trent Reznor le dit, on a vraiment tendance à vouloir le croire. Car concevoir un album comme une bande originale de rêves éveillés, c'est une démarche que seul un esprit musical dissonant, complexe et introspectif peut engager. Ça tombe bien. Reznor est revenu de l'enfer, et il nous a ramené quelques souvenirs. De quoi décorer nos nuits d'ambiances mécaniques et voluptueuses, de quoi donner un cadre musical à notre activité cérébrale nocturne.
Situé au cœur de la période sûrement la plus prolifique de sa carrière, cette œuvre en quatre parties suit un With Teeth qui a vu Nine Inch Nails renaître de ses cendres en 2005 après la sortie difficile de Reznor de ses paradis artificiels, et un Year Zero en 2007, fortement teinté d'électronique où expérimentations trip-hop se mélangeaient avec les traditionnelles guitares indus chères au « one-man band ». Libéré de ses obligations contractuelles avec Interscope, Trent Reznor est entré dans un cycle qui l'a vu nous offrir quatre projets musicaux différents en moins d'un an, notamment une improbable collaboration sur l'album du rappeur Saul Williams et un remix de l'album Year Zero.
Complètement instrumental, divisé en quatre parties et trente-six morceaux nommés par leur numéro de titre, ce Ghosts est un ensemble dans lequel Trent nous emmène et aimerait qu'on se perde. Moments calmes au piano (titre 1) rappelant le sommeil, interrompus par des guitares bruyantes et distordues (4) comme un réveil en sueur suite à un cauchemar, il sait aussi nous emmener ailleurs avec des sonorités de marimba ou orientales noyées dans des guitares Fuzz (17). L'électronique reste toutefois de mise quand il s'agit des sections rythmiques, mélangeant beats caverneux et synthés dissonants (29).
Pour ceux qui considèrent que la meilleure période de Nine Inch Nails est celle de The Downward Spiral, qu'ils se rassurent. Reznor montre avec cet OVNI musical qu'il est au sommet de sa créativité. Déroutant, intense, atmosphérique, jamais ennuyeux, tant est que l'on souhaite entrer dans le monde tortueux de son créateur, Ghosts vous emmène dans les méandres de la conscience humaine, et même s'il l'on est parfois désorienté, on attend impatiemment la nuit prochaine pour y retourner.
.: Tracklist :.
Ghosts I
1 Ghosts I / 9 Ghosts I
Ghosts II
10 Ghosts II / 18 Ghosts II
Ghosts III
19 Ghosts III / 27 Ghosts III
Ghosts IV
28 Ghosts IV / 36 Ghosts IV