Le virage à 180° est une aventure musicale risquée, surtout pour les groupes confirmés. Si c’est parfois un succès, c’est souvent un échec musical, voire commercial, parfois même une catastrophe (qui a dit Korn ?). C’est pourtant bien là que nous emmène la bande de Mikael Åkerfeldt, celle-là même qui avait si peu fait évoluer son Death-Métal progressif depuis 1990, l’agrémentant juste de quelques mutations liées à l’époque. Alors que s’est-il passé dans la tête des suédois pour opérer un changement si radical? En avaient-ils assez de l’intensité d’un «Forest Of October», de la profondeur d’un «Harvest » ou de la beauté d’un «Lotus Eater» pour faire quelque chose de si… différent? Sûrement, car la teneur qualitative de cet album n’est pas ce à quoi nous étions habitué de ce côté-là de la Scandinavie…
Opeth est clairement l’un des leaders et mythes du Métal européen, ayant imposé au fur et à mesure des années ses compositions progressives, mêlant lenteur classique et rapidité Métal, voix mélodiques et gutturales, pianos et rythmes décomposés… Difficile d’être exhaustif quand on parle du combo suédois, pourtant certains aspects comme la présence de guitares classiques ou acoustiques, ou l’influence du Rock Progressif des 70’s perdurent à travers les années. Blackwater Park en 2001 sera le plus gros succès du groupe, autant dans le fond musical qu’auprès du public, et ils rejoueront d’ailleurs cet album en intégralité lors de la tournée 2010 du groupe; ils partageront également la même année l’affiche avec Dream Theater, l’autre icône du Métal Progressif. Soyons clairs, Opeth est respecté pour la grande qualité de ses sorties discographiques et la précision avec laquelle ils jouent leurs titres très complexes sur scène, pas pour leurs prestations endiablées, le groupe étant plutôt caractérisé par un statisme scénique privilégiant la qualité de reproduction…
… et ce n’est pas avec ce Heritage que le groupe va se faire de nouveaux amis auprès de ceux qui regrettaient un manque d’énergie dans leur musique. Car cet opus correspond bien au titre annoncé, à savoir un hommage au Rock progressif 70’s. Les Opeth se portent en héritiers des Yes et autres King Crimson et se font plaisir sur les 10 titres de cet album singulier dans la discographie des suédois. Une longue intro au piano («Heritage»), un «The Devil’s Orchard» prometteur, et un excellent «I Feel Dark» à l’intro en arpège (sublime !) nous faisait saliver et nous attendre à un album grandiose. Malheuresement, c’est loin d’être le cas, car cet album ne démarre finalement jamais. Il n’est pas question de juger l’absence de Death Métal ou de Métal tout court dans cet album, mais plutôt l’intérêt de l’auditeur dans cette aventure. Le grain du son est effectivement très Vintage, les expérimentations Jazzy (« Slither») sont très réussies, l’apport des orgues («Haxprocess») ou de la flute nous plonge droit dans les 70’s… mais qu’est-ce qu’on s’ennuie! (et on reste poli) La technique frôle la virtuosité, certes, mais Opeth ne nous transcende pas, nous emmène dans ce monde sans nous passionner, rend sa musique encore plus élitiste et pour le coup presque inaccessible pour le commun des mortels.
Mikael Åkerfeldt nous fait le plaisir de chanter mélodiquement tout au long de cet album. Si c’est techniquement très réussi, ses mélodies ne sont que rarement accrocheuses, les trames des morceaux ne se dévoilent que difficilement. Et l’ensemble a du cachet mais est résolument ennuyeux. Les admirateurs de Rock progressif pur vont s’éclater, les autres risquent de trouver l’écoute très longue, voire pénible, et on redoute d’avance leur représentation scénique. Si Korn et ses expérimentations Electro ou Morbid Angel et son Illud Divinum Insanus industriel gardent la palme du virage raté, Opeth, et c’est triste à dire, ne fait pas la course en tête des albums réussis cette année, avec ce Heritage qui plombe l’ambiance.
. : Tracklist :.
1. Heritage
2. The Devil’s Orchard
3. I Feel The Dark
4. Slither
5. Nepenthe
6. Haxprocess
7. Famine
8. The Lines In My Hand
9. Folklore
10. Marrow Of The Earth