Il n’aura guère fallu bien longtemps aux américains de Genghis Tron pour s’approprier la qualité d’artistes génialement barrés. Un EP, Cloak Of Love en 2005, aura tôt fait d’attirer l’attention de Kurt Ballou (guitariste des respectés Converge) qui aidera ce trio déjanté à mettre en boîte un album d’un nouveau genre. Deux ans après cette étrange livraison, c’est cette fois sous la bannière du label Relapse Records que les musiciens marquent leur retour. Une signature qui tend à prouver que Genghis Tron à désormais atteint les hautes sphères, et Board Up The House en est définitivement la meilleure preuve.
L’ascension de la formation ne doit pourtant rien au hasard. La musique du combo fait en effet preuve d’une originalité terriblement efficace, bien loin des légères évolutions de styles que certains se contenteraient de greffer sur des bases solidement établies. Avec Board Up The House, les fous furieux de Genghis Tron placent les pierres de leur propre édifice, évoluant dans un style musical jusque alors méconnu et bizarroïde, diablement foutraque mais pourtant incroyablement enivrant. Logiquement difficile à cataloguer, le groupe se fend d’un électro-grind-ambiant-core qui placera l’auditeur dans un grand huit ininterrompu. Un voyage dans l’hyper-espace, aux confins d’un univers digital aliéné par la technologie. Barricadé dans cet univers virtuel détraqué, l’encéphale subit les assauts répétés d’un électrochoc dirigé par l’intelligence artificielle. A l’image d’un rayon laser hors de contrôle, la guitare se met subitement à balancer du riff acéré dans tous les recoins, donnant naissance à des embardées grind à haute teneur en folie incontrôlable. Sous la pression, toutes les barrières de la raison finissent par exploser, forcées une à une par des programmations de batteries électroniques à la force de frappe fulgurante et frénétique (« Endless Teeth », « City On A Hill »), le groupe se lâchant jusqu’à ne plus exprimer qu’un imposant hoquet saturé. Une partouze électrique et jubilatoire à laquelle le chanteur Mookie Singerman prête des hurlements corrosifs et arrachés, vociférant à s’en arracher les cordes vocales.
Pourtant, la machine connaît aussi ses moments d’accalmies, laissant sa proie reprendre sommairement ses esprits afin de mieux lui asséner de nouvelles et furieuses embardées. A peine aura-t-elle le temps de prendre une bouffée d’air frais sur une plage plus éthérée (« I Won’t Come Back Alive », formidable) que celui-ci se voit replongée dans une abyme tournoyante. Satinées de composantes électroniques planantes, construites à l’aide des claviers et des samples amenés par la paire Mookie Singerman / Michael Sochynsky, ces interventions laissent cependant respirer la musique de Genghis Tron, propulsant l’auditeur en apesanteur le temps de quelques mesures. Le frontman adjoindra à l’occasion à ces terrains instrumentaux un timbre clair et mélodique très réussi, bien que relativement rare. Malgré ces différentes d’intensités ainsi que ces brusque cassures rythmiques, Board Up The House demeure cohérent de bout en bout, et témoigne de l’indiscutable maîtrise atteinte par le jeune trio.
Inattendu et déboussolant, le voyage de Board Up The House laisse ses traces de manière durable. De la fatigue intellectuelle des premières écoutes, l’auditeur passe rapidement à une véritable addiction. Si le terrain de jeu venait à être étendu sur les prochaines production de Genghis Tron, cette accoutumance pourrait bien se révéler irréversible.
.: Tracklist :.
01. Board Up the House
02. Endless Teeth
03. Things Don't Look Good
04. Recursion
05. I Won't Come Back Alive
06. City on a Hill
07. The Whips
08. Blow Back
09. Colony Collapse
10. The Feast
11. Ergot (Relief)