Trent Reznor a arrêté la drogue. Mais Trent Reznor n’a pas pour autant mis fin à ses activités musicales. Attendu au tournant après la publication du fabuleux et ténébreux The Fragile, la résultante de ce sevrage sonnait presque creux en comparaison des exploits passés. Nine Inch Nails s’était redirigé vers de nouveaux horizons électro-popisants bien éloignés de la dimension auto-destructrice d’antan, ratant sa cible au passage. Si avec Year Zero le désormais quadragénaire n’opère aucun retour aux origines, celui-ci parvient néanmoins à accoucher d’un album de nouveau passionnant.
Visiblement inspiré par la politique plus que contestable menée depuis quelques années par les Etats-Unis, Reznor insère de nouveau un fil rouge au sein de sa nouvelle œuvre. A l’aide d’une campagne virale particulièrement bien menée en amont, le musicien livre avec Year Zero ce qu’il qualifiera de « bande originale d’un long-métrage imaginatif basé sur l’établissement d’une société tyrannique ». L’accompagnement sonore de cette création fictive se voudra donc radicalement éloigné d’un With Teeth aux contours aseptisés et aux structures téléphonés. Nine Inch Nails revient en effet vers des tissus instrumentaux moins évidents mais autrement plus appréciables. Chaque composition témoigne de son lot d’expérimentations et de sonorités dissonantes, le génial compositeur prenant un malin plaisir à utiliser bon nombre de composantes étranges qui rapprochent de nouveau Nine Inch Nails des sphères indus qu’il avait un temps malheureusement délaissées. Les percussions électroniques sont une nouvelle fois à l’honneur et instaurent un mid-tempo souvent très répétitif et appuyé correspondant parfaitement à l’aspect froid de l’ensemble. Tantôt dépouillé, quelques secondes plus tard brutalement daignées d’une électricité sidérante, Year Zero joue pleinement et astucieusement sur les contrastes (« Meet Your Masters ») et sonnerait presque comme une vieille machine mal huilée. Un appareil en fin de vie dans une société ou la technologie grandissante rend toute invention obsolète passé deux ans. Il plane sur ces seize plages un parfum de désolation, prodigieusement amené par de longues étendues musicales d’apocalypse sur lesquelles Reznor laisse savamment s’exprimer un magma furieux d’instruments libérés de leurs carcans.
Sans ligne conductrice prédéfinie, Year Zero se vit comme un voyage imprévisible. Une échappée dans un univers de science-fiction oppressant, vision futuriste d’un monde ou l’humanité aurait été totalement éradiquée. Les guitares se font à l’occasion plus discrètes, effacées au profit de couplets satinés d’éléments électroniques plus minimalistes (« Zero-Sum », « Me, I’m Not ») ou de boucles hypnotiques (l’obscur instrumental « The Greater Good »), mais ne manquent d’exploser dans d’imprévisibles larsens sifflants (« My Violent Heart »). Nine Inch Nails navigue entre les flots sans perdre la cohésion de son ensemble, repartant sans cassure d’une tempête aussi houleuse qu’enivrante à une incartade pianistique langoureuse et dépouillée (« Another Version Of The Truth »). A ces instrumentations libres de toute contraintes répond le chant presque frissonnant de Reznor, le frontman insufflant dans ses lignes vocales une hyper-sensibilité qu’il n’avait pas su pleinement intégrer à With Teeth. Les murmures sont presque tétanisant tant a sincérité semble habiter Year Zero, la production d’Atticus Ross s’étant de plus parfaitement calibrée sur les nombreuses émotions véhiculées par le timbre du personnage, là ou l’opus précédent avait gommé toutes ses petites imperfections qui ne font que rendre les lignes vocales plus touchantes. S’il n’égale pas les deux monuments que resteront The Downward Spiral et The Fragile à ce niveau, Trent Reznor parvient à poser sur bandes des interventions vibrantes qui viennent se superposer à merveille aux ossatures instrumentales ténébreuses (« Vessel »).
Il brille sur Year Zero un soleil noir. Et c’est dans ses tons là que la musique de Nine Inch Nails révèle tout son arôme. Une seconde vie pour un disque définitivement indispensable.
.:Tracklist :.
01. HYPERPOWER !
02. The Beginning of the End
03. Survivalism
04. The Good Soldier
05. Vessel
06. Me, I’m Not
07. Capital G
08. My violent Heart
09. The Warning
10. God given
11. Meet your Master
12. The Greater Good
13. The Great Destroyer
14. Another Version of the Truth
15. In this Twilight
16. Zero-Sum