Actuellement en pleine tournée, Lionel Limiñana guitariste et cofondateur du groupe « The Limiñanas », nous a accordé une entrevue quelques heures avant de monter sur la scène de l’Etage à Rennes.
> Avant de parler de votre dernière compile qui vient tout juste de sortir, peut-on évoquer « Shadow People » sorti en début d’année. C’est l’album qui a été un véritable tremplin pour vous ?
Oui mais il y a eu aussi « Malamore » en 2016 qui nous a ouvert les portes de certaines salles auxquelles on n’avait pas encore accès. Mais oui c’est vrai que « Shadow People » c’est l’album qui a le plus marché pour l’instant. C’est aussi celui qui a eu la plus belle couverture médiatique.
> Vous savez combien vous avez vendu de disques pour cet album justement ?
Très sincèrement non mais on va le savoir bientôt ! Je pense qu’on en a vendu plus de 20 000 et pour nous c’est un gros score !
> Parlons de cette nouvelle compile « I’ve got trouble in mind vol.2 ». Est ce qu’au moment de réaliser la première vous saviez déjà que vous alliez faire un volume 2 ?
Nous pas du tout ! Mais on en fera une troisième si le groupe perdure. Ce qui est sûr, c’est qu’elles existent grâce à cette habitude qu’on a d’enregistrer tout le temps et de dire oui tout le temps. C’est hyper rare qu’on dise non à une proposition de tribute ou de singles. Au bout du compte dès qu’on nous chauffe sur un truc nouveau, on est toujours à fond parce qu’on adore ça. On adore le vinyle, on adore participer ou se lancer dans de nouveaux projets. On a même discuté avec la maison de disques l’idée de sortir un live. On a toujours ça en tête… Parce que tu verras ce soir que le live est vraiment très différent des albums. On y retrouve nos chansons mais c’est réarrangé pour que les gens qui viennent nous voir en concert et qui aiment bien nos disques s’y retrouvent mais ne se tapent pas la redite non plus car c’est vraiment un truc qui me gonfle moi quand je vais en concert.
Donc à la base l’idée était de faire un live mais pour le moment on a laissé cela de côté pour plusieurs raisons notamment le temps car on voulait pas se speeder pour le faire. En parallèle, on a aussi eu l’idée de donner une suite à la première compile qu’on avait fait avec les gens de « Trouble in Mind » à Chicago à l’époque. Sauf que je n’avais pas du tout fait le point sur les morceaux qui traînaient à droite à gauche. J’ai profité du temps libre dans le tour bus cet été pendant la tournée des festivals. En fait je me suis aperçu qu’il y avait du matos pour faire un double album.
> Qui a produit cette compile ?
J’avais l’envie depuis hyper longtemps de bosser avec Jim Diamond, le producteur de garage qui a produit notamment le premier disque des White Stripes. Comme on était en tournée et que je n’avais pas le temps, je lui ai envoyé 5/6 titres et c’est lui qui les a mixés. Et le délire c’est que quand il m’a renvoyé les pré-masters, c’était parfait, il n’y avait aucune correction à apporter. C’est vraiment un mec qui produit le rock comme personne. Une fois qu’on avait tout ça, on a fait comme un album lambda, on a vérifié que ce soit cohérent, que ce soit pas juste une compile à la con avec des titres mis bout à bout.
« L’idée c’était pas de faire un disque pour faire un disque mais bien que cet assemblage de bric et de broc ait DU sens au final. »
> En parlant de disque justement, vous qui avez un passé de disquaire, est ce que vous avez encore le temps d’aller fouiller dans les bacs aujourd’hui ?
Vachement moins qu’avant malheureusement mais dès qu’on peut, on le fait. Là on était à Berlin, on avait 2 ou 3 heures avec les mecs de la salle, ils nous ont emmenés chez un disquaire de fou, d’ailleurs j’aurai pu y rester trois jours. Mais bon on est quand même moins addicte qu’avant. On est moins dans la découverte, plus dans l’envie d’étoffer. Je crois que c’est une histoire d’âge. Il y a un moment où j’ai l’impression d’avoir un peu saturé et puis bon j’ai été disquaire la moitié de ma vie donc j’en ai bouffé des nouveautés.
C’est vrai que ces dernières années j’étais de moins en moins excité par les choses que j’entendais mais par contre complètement par des trucs qui étaient réédités auxquels on n’avait pas accès avant. Et puis après c’est revenu avec des groupes comme Sleaford Mods ou JC Satan mais aussi grâce à Laurent Garnier qui nous a invité plusieurs fois au festival « YEAH! ». A chaque fois tu découvres des supers groupes.
« Cette année on a vu des groupes comme « Tshegue », c’était mortel, « Cannibale » aussi qui est un super groupe de chez Born Bad Records. »
> Tu es capable de me dire les derniers disques que tu as acheté ?
Oui dernièrement j’ai acheté 2 maxis et un album de Sleaford Mods mais vu qu’on est en tournée, je n’ai pas pu encore les écouter. Et on s’est acheté aussi la réédition du disque de Dashiell Headayat qui s’appelle « Obsolete » avec ce morceau qui s’appelle « Chrysler Rose ». Il a toujours coûté une blinde donc on a profité de la réédition pour se l’offrir.
> Vous êtes considérés comme un des meilleurs groupes de rock français? Malgré ça la scène rock française n’a pas forcément le vent en poupe. Comment expliques-tu cela ?
Moi je trouve qu’il y a quand même quelques groupes français mortels. Cannibale que j’ai déjà cité tout à l’heure mais aussi JC Satan qu’on suit depuis 7 ou 8 ans maintenant. On avait joué avec eux à la salle « John Lennon » à Limoges. J’avais pris une énorme tarte parce que j’avais l’impression de voir une espèce de réincarnation à la fois de Black Sabbath et d’un tas d’autres trucs qu’on adore.
Je pense que c’est une histoire de phases. Il y a des moments ou il va y avoir une vague de 5 ou 6 groupes qui vont sortir de la même ville, parce qu’il y a des bons disquaires, des bons libraires, des bons clubs. C’était le cas à Perpignan dans les années 90, il y avait de bons groupes de garage dont un ou deux avait signé aux Etats-Unis. Les « Sonic Chicken 4 » par exemple, ils sont allés jouer aux States bien avant nous et les « Fatals » aussi d’ailleurs. Je pense que c’était lié au fait qu’il y avait des disquaires, qu’il y avait des libraires qu’il y avait de l’ennui aussi et du coup l’envie de faire quelque chose. Aujourd’hui oui c’est vrai peut être qu’il y a une scène rock moins dense et que je n’ai pas 50 noms de groupes à te donner.
« Mais je ne suis pas d’accord avec Les gens qui disent que le rock est mort et enterré, car il y a de plus en plus de fréquentation dans les salles de concerts. »
Nous quand on appartenait à la scène rock indé pure et dure dans les années 90, les concerts étaient fréquentés très souvent par les copains. En gros quand on jouait devant 150 personnes c’était vraiment la fête alors qu’aujourd’hui c’est un niveau de fréquentation plutôt habituelle. En France, il y a quand même vachement de monde qui fréquente les salles de concerts.
>Vous avez enchaîné pas mal de collaborations lors des derniers disques. Aujourd’hui avec qui vous rêvez de collaborer ?
« J’aimerais vraiment faire un disque avec Warren Ellis. »
A la fois à la production et puis qu’évidemment qu’il joue de tous les instruments qu’il souhaite. C’est vraiment un mec avec qui j’aimerais passer du temps pour apprendre en le regardant travailler et surtout me nourrir de sa musique. Pour moi c’est vraiment le mec le plus doué, le plus brillant, le plus émouvant de ces 10 dernières années.
>D’ailleurs on t’a déjà confondu avec lui?
Oui une fois à un concert de Nick Cave et des Bad Seeds en Australie. On était en tournée là bas et René, notre tourneur a réussi à nous avoir des places alors que le concert était Sold Out depuis longtemps. En arrivant dans le hall de la salle, il y a quelques personnes qui sont venues me voir pensant que j’étais Warren Ellis.
Ce n’est pas une volonté de lui ressembler, c’est juste que j’ai perdu un pari à l’époque ou je bossais à la FNAC. J’avais dit que le jour où je n’aurai plus de patron, j’arrêtais de me raser…
>Vous chantez peu en live? Pour quelles raisons ?
C’est pas vraiment l’exercice avec lequel je me sens le plus à l’aise. J’arrive à le faire en studio quand je suis tout seul, en prenant le temps et uniquement sur le talk-over (technique du parlé-chanté) car moi je ne suis pas du tout chanteur. Au début on s’est posé la question de rajouter du talk-over en concert sauf que ça ne colle pas avec le mur du son que propose le groupe. Et puis j’ai pas vraiment envie de me mettre en avant en concert, au contraire, je me positionne plus comme un mec au milieu qui drive la musique avec Marie.
On invite des gens qui chantent bien mieux que nous à le faire sur scène sachant qu’encore une fois on a laissé tomber le talk-over y compris avec notre chanteuse et notre chanteur. Tu prends un morceau comme « Je ne suis pas très drogue » que le public adore et bien on n’arrivait pas à la jouer en live car on ne comprenait rien aux textes donc ça n’a plus vraiment d’intérêt. Du coup on se prend souvent des gentilles engueulades de la part du public. Mais bon sachant que le groupe a 10 ans, je peux te dire qu’on a essayé beaucoup de formules. C’est sûr que les gens qui viennent nous voir pour le côté Gainsbourg de notre musique, ils sont surpris voire déçus car c’est peu présent dans nos lives. On est plus sur une approche à la « Can » avec un côté expérimental, psychédélique et noise.
>A ce sujet, est-ce que tu peux m’en dire un peu plus sur le concert de ce soir ?
L’idée c’est de toucher un peu à tous les albums : les instrumentaux avec Pascal Comelade, les titres de nos premiers disque, ceux du dernier et même ceux d’un futur disque qui va sortir prochainement avec Emmanuelle Seigner et Anton Newcombe. C’est un projet qui s’appelle « L’Epée » qu’on a enregistré en même temps que « Shadow People ».
« Notre but c’est de faire monter la sauce de manière à obtenir un forme de transe. On bosse toujours autour du rif et de la répétition avec des boucles et je tiens à préciser qu’il n’y a pas de samples. »
>Vous vous rappelez de la première fois où vous êtes venus jouer à Rennes ?
Oui c’était il y a un million d’années pour ma part, c’était aux Tontons Flingueurs avec les « Beach Beaches« . On a aussi joué plusieurs fois dans la rue de la soif et notamment dans un rade où il fallait monter le matériel par la fenêtre.
« un des meilleurs souvenirs de concert en 30 ans de carrière, c’est l’UBU avec Pascal Comelade. Le lieu, le public, l’accueil, l’ambiance c’était fou. »
>Les « Make-Overs » assurent la première partie ce soir et vous suivent sur quelques dates. Vous connaissez ?
Oui moi je connais un peu mais j’ai surtout plein de potes qui sont supers fans. On va prendre le temps d’aller écouter ça tout à l’heure.
>Et pour finir, votre musique étant en partie cinématographique, est-ce que vous avez des projets de BO de films ?
Oui on en a deux même. Le premier c’est un film noir anglais avec Kirk Lake, un acteur anglais qui fait du talk-over sur le premier titre de la compile (« The Mirror »). Et le second projet, c’est pour un film indépendant français qui s’appelle « Le Bel Été ». C’est une histoire d’amour autour de la jungle de Calais. On est chaud comme la braise pour en avoir d’autres.
Merci à Lionel! Merci à Marie qui a eu la gentillesse de venir nous retrouver en fin d’entretien.
Et merci à Him Média d’avoir organisé l’interview.
Antoine