Vendredi 27 septembre, Julien Le Mago et Victor Vito du groupe Magoyond étaient au Hard Rock Café (Paris) pour parler de leur dernier album Kryptshow, macabre et grandiloquent à souhait avec une bonne dose de metal. Un petit bijou aux paroles truculentes et aux influences musicales variées à écouter sans modération.
Pouvez-vous faire une brève présentation de Magoyond pour les lecteurs de Vacarm qui ne vous connaissent pas encore ?
Julien : Magoyond est un groupe de metal alternatif qui chante en français des histoires sur la fin du monde, les monstres, les zombies, les univers horrifiques, tout ce qui va toucher un peu au cinéma, à la pop culture, à la littérature fantastique. On développe un univers qui s’ancre vraiment là-dedans et prend tout ça comme références.
Il y a un leader dans le groupe ?
Julien : on est quatre têtes pensantes mais il y a un frontman, c’est celui qui a la cape (rires)
Victor : on est tous contents comme ça, on s’entend bien Julien : et on est difficilement manageables (rires) on a pris l’habitude de tout gérer nous mêmes. Chacun a son idée. On remet tout en question par contre , on discute beaucoup.
Pour Kryptshow, votre dernier album, vous êtes passés par un financement participatif qui a très bien fonctionné, ça vous a surpris ? qui sont les contributeurs ?
Victor : Je pense que parmi la communauté qu’on touche dans un premier temps, la communauté geek, les gens sont passionnés par ce genre d’univers, par la nouveauté, par les choses originales et leur générosité vient de là. Ils sont friands de découvrir quelque chose de nouveau.
Julien : les geeks aident ce qui peut leur apporter quelque chose d’original et de nouveau. Il y a dix ans, à notre création, on faisait des séries audio et on a très rapidement été affiliés au milieu geek, pop culture francophone, un peu underground. Nos premières réalisations étaient distribuées gratuitement sur internet, on a touché ce public là et il est resté fidèle même encore aujourd’hui. Ça en a entraîné d’autres et on a un noyau de public qui, depuis plus de dix ans, a communiqué sur nous et engrainé des tas d’autres personnes. Quand on a eu besoin de notre public, il a répondu présent.
L’album est sorti depuis le mois d’avril pourquoi avoir autant attendu pour cette journée promo ?
Julien : on a un peu capitalisé ces dernières années sur l’univers geek. Deux jours avant la sortie de l’album en avril, on a eu une journée presse orientée geek donc on a eu des retombées dans certains milieux, certains médias sauf que je ne connaissais pas encore Replica et on avait déjà voulu marquer les gens qui nous connaissaient. On est partis en concerts, y a eu les vacances, on a a fait d’autres trucs et puis j’ai contacté Roger. Donc c’est vrai que ça arrive six mois après la sortie de l’album. Mais c’est pas grave.
Victor : On joue sur deux tableaux mais l’idée c’est qu’à l’avenir il n’y en ait plus qu’un. On ne va pas en choisir un, on voudrait que ça se recentre et que ce soit large et que ça ne soit pas deux niches.
Il faut combien de temps pour composer, enregistrer et finaliser un album aussi riche ?
Victor : d’un point de vue strict on peut dire que ça a pris 8 ans, je crois que les premiers riffs de Kryptshow datent de 2011, mais ce n’est pas réellement le cas. On a commencé à penser à l’album il y a deux ans. On commence à poser la ligne directrice, on veut que ça ressemble à ça, potentiellement un double album et après on commence à composer en allant rechercher les anciens riffs et idées qu’on a pondus avant.
Qui compose ?
Julien : j’écris les paroles, on compose tous ensemble, c’est important parce que c’est comme ça qu’on arrive à borner l’univers. On a sorti Pandemia en 2012 et commencé à composer l »e Chapiteau des Supplices », notre première chanson de Kryptshow, dans la foulée mais après il y a eu des phases où on n’a rien fait. On a quand même mis sept ans à sortir Kryptshow mais en 2014, quand Victor est arrivé , on a sorti un Ep, Z, dont la plupart des chansons se sont retrouvées dans Kryptshow. On compose et on écrit continuellement, mais on ne va pas remettre sept ans avant de sortir un album par contre, ça je pense que ce n’est pas possible !
Alors pourquoi tant de temps entre les deux premiers albums ?
Julien : des changements de line-up et surtout il a fallu tout ce temps pour que l’évolution musicale et aussi un peu intellectuelle se fasse. Aujourd’hui on sait. Kryptshow c’est vraiment une bonne base sur laquelle on est sûrs de continuer dans la lignée même si les sujets vont varier, si on va aborder d’autres styles.
Victor : tout à l’heure on m’a demandé ce qu’on voulait faire évoluer et je ne savais pas quoi répondre parce que pour le coup Kryptshow c’est vraiment quelque chose qui nous convient.
Julien : qui nous correspond
Victor : ça ne veut pas dire que le prochain ne sera pas différent, on ne sait pas trop mais c’est une bonne référence pour nous pour la suite.
Julien : Pandemia c’est la base de l’univers avec ses défauts musicaux ou autres, Kryptshow la base musicale et l’univers étendu donc maintenant on a tout à construire dans la continuité de l’univers.
Pourquoi aimez-vous autant cette univers. Il y a des références à la mort dans pratiquement toutes les chansons!
Julien : je suis à l’aise pour raconter des histoires un peu macabres, c’est un truc que j’aime bien, je ne sais pas écrire des chansons sérieuses, des chansons d’amour, je ne sais pas écrire en anglais et il ne faut pas que je chante en anglais. Cet univers me parle et je trouve que c’est super intéressant de transformer ces univers en musique et de les rendre par l’imagination et avec le metal on a une espèce de bon feeling entre les textes et la musique.
Victor : ce sont nos influences et c’est ce qu’on voulait faire, quelque chose d’un peu plus dur instrumentalement parlant, on a « épuré » les paroles des trucs un peu trop rigolos pour se concentrer parfois sur des paroles un peu plus dures, sur de l’humour noir et c’est peut-être un bon équilibre.
Julien : ça ne s’explique pas. A la base je ne suis pas spécialement chanteur, je ne m’estime pas écrivain, c’est juste qu’on a réussi à faire ça, ça sort plutôt naturellement.
Victor : on n’a pas de modèle. On ne se dit pas on va faire comme ça ou comme ça. Julien souvent nous donne une influence, on se met sur Youtube et il nous dit tel titre j’ai pensé à ça, on pourrait faire quelque chose comme ça mais même si à la fin ça finit par quelque chose de différent, au final on a toujours une petite influence d’inspiration, ça peut partir d’une idée mais à la fin ça ne finit pas comme l’idée de départ, c’est pour ça que je dis qu’on n’a pas de modèle, on fait ce qui nous fait plaisir.
Magoyond est-il un groupe de geeks qui s’adressent aux geeks ?
Julien : On n’est pas geeks pareil, Vic par exemple est geek des guitares, du son, du cinéma.
Victor : oui enfin qu’est-ce qu’un geek ? Au final ça peut être un style de personnalité comme tout simplement quelqu’un passionné par quelque chose en particulier.
Julien : on va dire qu’on a un intérêt commun pour la pop culture, les références cinématographiques, littéraires ou autres de ces 50 dernières années et qu’on est de plus en plus aujourd’hui à assumer ça. Quand on a lancé le concept du groupe, on s’est un peu vus catégoriser de manière négative, aujourd’hui si t’es pas geek, si tu ne regardes pas Game of Thrones, limite t’as raté ta vie ! Il y a d’autres références que tout le monde a qui font vraiment partie de la pop culture. Nous, comme on s’inspire de cette pop culture, on parle aux gens, ils apprécient ce qu’on aime aussi et sont capables de s’identifier à ça.
Mais il y a quand même du metal là dedans. Vous avez aussi un public de metalleux ?
Julien : dans le public d’Ultra Vomit ou du Naheulband, qui sont portés sur le chant français, il y a des metalleux, des gens ouverts d’esprit tout simplement. Plus que des metalleux, on touche un peu tout le monde. Le metalleux aime les univers fantastiques, les histoires qu’on peut raconter mais souvent en anglais. On a fait le pari du français et le metalleux français spécifiquement peut avoir du mal à accrocher juste à cause de la langue. C’est pour ça qu’on se bat et qu’on défend notre musique, pour que cette barrière de la langue tombe tout simplement.
Victor : on a eu quelques critiques aussi sur internet de metalleux plus traditionnels.
Julien : je pense qu’on ratisse assez large en terme de styles musicaux pour que chacun puisse retrouver quelque chose qui lui parle. Mais il faut faire tomber les a priori.
Ça a un côté jubilatoire d’écrire les paroles du magasin des suicides notamment ?
Julien : on prend du plaisir à composer. On cherche le décalage aussi. C’est pour ça qu’on fait de la musique un peu grandiloquente sur laquelle on colle des paroles avec des histoires un peu étranges, ça crée des décalages et je pense que c’est toujours ça que j’ai et qu’on a aimé faire, ne pas ressembler aux autres et s’épanouir là dedans.
De l’humour certes, mais avec la dernière phrase sur le livret de l’album après les remerciements on retombe dans la réalité « Aux créateurs d’univers imaginaires, trop souvent rattrapés par l’horreur de la réalité ».
Julien : en réalité dans quasiment toutes nos chansons on retombe aussi un peu là-dedans. Sous couvert d’humour noir, il y a un tacle aux monstruosités que l’humain fait.
« Le jour des vivants » pourrait presque devenir un hymne aujourd’hui avec l’extinction de masse que les scientifiques nous prédisent.
Julien : on est rattrapés par notre monstruosité. Beaucoup de nos références sont des icônes de la pop culture, Dracula, Frankestein, les zombies. Mais ce sont des personnages fictifs alors qu’on remet souvent l’humain un peu à sa place dans nos chansons en disant mais qui est le monstre finalement ? C’est le gars qu’on a créé dans des bouquins ou c’est nous à plus large échelle ? On n’est pas un groupe engagé, on ne veut pas mettre ça en avant mais c’est vrai qu’il y a cette petite réflexion et c’est bien si on la perçoit.
L’album ressemble à une BO de film. A l’heure du mp3, une époque où ils sont nombreux à ne plus écouter d’album entier ce n’est pas un peu à contre-courant ?
Victor : c’est un peu ce qu’on disait dans la réponse précédente, ça vient beaucoup de Julien parce qu’en écrivant ses textes, il a déjà une idée de ce que pourrait rendre la musique, de l’univers qu’il veut retranscrire dans ses textes et dans cette musique. C’est principalement pour ça qu’elles ne se ressemblent pas réellement, on nous propose des univers différents. Arnaud aussi, avec ses connaissances musicales et les différents instruments qu’il peut utiliser dans les bandes, va orienter thématiquement et au niveau du genre les arrangements de la musique.
Julien : c’est vrai que c’est un concept album, on a un univers et à chaque chanson on prend une loupe et on regarde un lieu, un personnage ou une situation. C’est comme dans la vie, il y a des différences en permanence et on joue avec les styles et avec les histoires qu’on raconte. C’est intéressant de switcher de style et d’ambiance, on passe d’un casino à une petite boutique, ça fait partie du rendu de l’univers, en fait le mot univers ressort tout le temps parce que c’est très cinématographique. Dans un film, on va avoir une scène de baston, ensuite on va arriver dans un univers feutré ou autre et là c’est exactement pareil.
Victor : on nous dit cinématographiques mais un film c’est une histoire et nous on raconte des histoires.
Mais vous faites comment pour restituer tout ça sur scène ? Ça me paraît compliqué !
Julien : c’est compliqué parce que la musique joue beaucoup, on essaie de rendre les morceaux les plus fidèles par rapport à ce que les gens ont déjà entendu parce qu’il y a un haut niveau de prod quand même sur ce qu’on fait.
Victor : on n’a pas encore les moyens de nos ambitions.
Julien : aujourd’hui sur scène on s’amuse, on rit avec le public, on balance des vannes.
Victor : on est plus tradi, on fait un concert et pas un show comme on voudrait le faire plus tard
Julien : l’idée, si on évolue, c’est d’avoir un show probablement même avec de la grande illusion, du feu, des effets spéciaux, pour le moment on en est toujours à convertir les gens qui ne nous connaissent pas ou à valider les gens qui nous ont écoutés sur album que sur scène c’est bien donc on alterne morceaux bien pêchus avec beaucoup plus légers et l’idée c’est de balancer des vannes, de s’amuser aussi, de comprendre qu’on est un groupe sérieux dans notre démarche mais qu’on reste des déconneurs. C’est le penchant. Ça traite de la mort et des trucs pas cools et au final on s’en amuse. Il y a un show à monter c’est certain mais pour le moment sur scène on se concentre vraiment sur la musique. L’idée c’est aussi de se faire plaisir à jouer les morceaux. On est musiciens avant tout et puis, en festival par exemple, on n’a pas le temps d’installer tout un décor donc il faut que ça aille à l’essentiel et pour le moment ça nous va. Ce qu’il faut aussi c’est qu’on arrive à sortir des conventions geeks où on joue énormément et qu’on arrive à s’exporter en festivals metal, rock.
Vous voudriez jouer au Hellfest ?
Julien : Par exemple. Veilles Charrues aussi ou d’autres. On sait qu’on fonctionne pour les univers de la pop culture, geek et l’idée c’est de s’exporter un peu plus sur les univers metal, rock pour montrer qu’on est des musiciens, qu’on en a quand même dans le ventre et que même si notre univers est très léché, si on fait un peu geek, on a quand même un groupe de metal à défendre et c’est une des évolutions qu’il nous faut, de s’exporter un peu plus musicalement.
Quel est le prochain gros projet en relation avec l’album ?
Julien : on adorerait mettre certaines chansons en images, par exemple « Le chapiteau des supplices » ou « Vegas zombie ». Je suis en discussion avec le musée des arts forains pour pouvoir louer le lieu mais ce sont des budgets colossaux. Du coup on se laisse un peu de temps. C’est bien de ne pas être pressé.
Victor : la pièce maîtresse c’est l’album, sans l’album pas de clip.
Le mot de la fin ?
Julien : Déjà merci ! On sera en concert le 19 octobre à Issy-les-Moulineaux pour le festival Naheulbeuk, à Nantes en Novembre et d’autres dates en France seront bientôt annoncées. Merci de votre écoute !