A l’approche de la fin de la première décennie de ce nouveau millénaire, quelques groupes se sont illustrés en renaissant de leurs cendres. Au milieu des années 90, Deftones, Korn, Limp Bizkit ont formé les piliers d’un style fusionnant quelques grands mouvements musicaux antagonistes tels que le hip hop ou le metal, puis se sont dissipés en quelques années dans des projets fumeux, controversés, ou même en se séparant. De retour en 2010 à grand renfort d’albums et de tournées, les « trois gros » sont prêts à casser la baraque. Et si ces retours successifs étaient les prémices d’un revival néo-metal ?
Les origines d’un buzz…
Kurt Cobain décédé, la scène grunge / alternatif subi un contrecoup difficile et s’éteint rapidement dans la deuxième partie des années 90. L’attention du public rock, porté sur les musiques un brin énervées, se tourne alors vers quelques groupes qui font grand bruit sur la côte californienne. Guitares désaccordées, rythmiques pachidermiques et cris furieux, quelques groupes pionniers font écho à la fusion expérimentale exprimées par des artistes tels que Faith No More, Rage Against the Machine, Aerosmith ou Fishbone. Ces groupes ce sont Deftones à Sacramento, Korn à Bakersfield, System of a Down à Los Angeles, Linkin Park dans la petite ville d’Agoura Hills. Seul Limp Bizkit ne vient pas de Californie, mais de Jacksonville en Floride. De cette scène émergente va naitre un mouvement mondial qui va s’enflammer jusqu’à atteindre son apogée au début des années 2000. Cette année là, Linkin Park vendra plus de 24 millions d’exemplaires de son premier album, Deftones se classera mondialement dans le top 10 (3e position aux USA) avec son single « Change (in the house of flies) », Korn clôture sa première période créative avec Untouchables, Limp Bizkit réalise la bande son du blockbuster Mission Impossible 2 et sort son album épique Chocolate Starfish and the hot dog flavoured water.
La deuxième période créative de ces groupes est marquée par un renouvellement du public. Les ados des débuts (1994 – 2000) qui ont vibré au son des albums tels que Significant Other, Around the Fur ou Life is Peachy cèdent leur place à une nouvelle génération plus adeptes de titres comme Take a look in the Mirror, Results may vary ou Saturday Night Wrist. Certains groupes précurseurs, comme Coal Chamber vont se séparer et se réorienter vers des couleurs musicales plus sombres, apparentées au metal extreme (Devildriver). Entre confrontation de deux générations et aspirations artistiques nouvelles, les orientations des groupes néo-metal ne vont pas réussir à séduire un public suffisamment large. La scène néo-metal florissante va rapidement dépérir et passer du statut de stars à celui de clowns. Les frasques de Fred Durst , les controverses autour de Linkin Park ou la séparation historique de Korn avec Head vont finir par perdre les fans qui vont s’enticher de sonorités plus innovantes avec l’arrivée de nouveaux piliers : Killswitch Engage, Bullet for my Valentine ou 36 Crazyfists qui nous resserve une adaptation moderne des grands classiques du heavy metal des 80’s.
La France toujours avec un train de retard.
En France, on va assister à une véritable déferlante entre les années 2000 et 2004 avec l’apparition de collectifs artistiques tels que la Team Nowhere, Coriace ou Antistatic qui font écho à quelques groupes précurseurs de la fusion à l’instar de Silmarils, Lofofora ou Watcha. Puis vient la reprise du mouvement émergent par les maisons de disques s’entichant de leurs groupes épinglés Néo Metal, souvent moins inspirés que les leaders du mouvement (MyPollux, Masnada, Out…). Certains se spécialisent même dans ce style mais seules les majors vont réussir à pousser sur le devant de la scène les leaders français – Pleymo et Watcha chez Sony, Enhancer chez BMG – grâce à quelques coups d’éclats comme une tournée au Japon ou des clips massivement diffusés en télé. Parmi les albums incontournables de cette époque, on retrouve Mutants de Watcha, Episode 2 : Medecine Cake de Pleymo ou encore Street Trash d’Enhancer. Cependant, la vague de succès n’est qu’éphémère et ne va pas réussir à séduire un public plus large qui, passé l’adolescence, va petit à petit se désintéresser de groupes qui se renouvellent pas suffisamment artistiquement. Bien que prévisible après la sortie d’un album en demie teinte (Rock – 2003), Pleymo annonce sa séparation en 2007 et signe l’arrêt de mort du néo metal en France. Les musiciens décident de poursuivre leur carrière artistique au sein de divers projets (Empyr, Hewitt, Lula Fortune, …). Seul un groupe réussira à poursuivre sa carrière en s’efforçant de se rapprocher de la scène metal : AqME.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Si le titre de cet article est volontairement racoleur, c’est parce qu’il n’y a évidemment pas de revival néo metal à proprement parler. Les groupes qui ont fait le fleuron de ce mouvement musical dans les années 2000 fructifient leurs popularité momentanée. Cependant, il faudra attendre encore quelques années avant de voir réapparaitre un foisonnement d’artistes dont le dénominateur commun est une guitare à sept cordes ! Deftones, Korn ou Limp Bizkit font écho aux souvenirs des années collège de toute une génération de trentenaires nostalgiques de porter des baggy et autres accoutrements larges, comme autant de pieds de nez aux teenagers d’aujourd’hui en slim et Converse. Pics et Eastpack, gel extra fort et décoloration blond platine, le neo metal véhiculait une image et un style vestimentaire stéréotypé à demie-rebelle tout comme aujourd’hui peuvent le faire certains styles en vogue. Pourtant derrière ces apparats se cachent quelques petites perles musicales ainsi qu’une véritable émulation autour d’accords simples avec le sens du groove !
Si Deftones n’a jamais vraiment disparu de la scène metal, le groupe de Sacramento n’en a pas moins subi la perte de vigueur de la vague de mode du début des années 2000. Deftones a produit des albums à un rythme régulier et ses membres se sont exprimés aux travers de divers projets solos : Chino Moreno avec Team Sleep, Stephen Carpenter avec Sol Invicto et Kush, Frank Delgado avec Decibel Devils, Chi Cheng en son propre nom… Après une période de succès entre Around The Fur et White Pony, Deftones s’est perdu entre 2003 et 2008 en produisant des albums en demie-teinte. Pourtant malgré le coup dur avec l’accident de la route de Chi Cheng qui a plongé le bassiste dans le coma, Deftones a sur revenir admirablement sur le devant de la scène avec Diamond Eyes. Deftones n’avait probablement perdu que peu de notoriété dans la deuxième partie de la décennie en se produisant régulièrement en Europe et aura su maintenir sa popularité grâce à quelques coups d’éclats : une date privée au Trabendo en 2007, plusieurs passages au Hellfest ou encore un retour inespéré à la Boule Noire en 2010.
Le parcours de Korn est tout aussi similaire. Après une vague de succès entre 1994 et 2003, le groupe va devoir affronter une période de vache maigre au moment de la sortie de See You On The Other Side. Korn perd Head, son guitariste historique et étoffe son line up de divers musiciens qui ne s’imposent pas au sein du collectif. Le groupe semble avoir perdu toute crédibilité auprès de ses fans habitués à des compositions plus furieuses, et qui espère un retour aux sources avec des productions moins léchées comme sur les premiers albums. L’album Untitled confirme la tendance et passe inaperçu alors que le groupe multiplie la publication de best of et live sans grand intérêt. Coïncidence malencontreuse, l’annulation successive de deux passages au Hellfest va durablement ternir l’image du groupe en France. Pourtant, Korn reste un mythe, capable de focaliser l’attention des adeptes du style qui, même déçus, continuent d’exprimer leur ferveur pour le groupe. La sortie en 2010 d’un nouvel album, avec un line up épuré, suscite un nouvel engouement autour de Korn. D’autant plus que le groupe a rompu son contrat en major pour rejoindre la « petite » écurie Roadrunner. Korn met les bouchées double pour promouvoir son nouvel album et créer un certain mystère autour de Korn III : Remember who you are. Des extraits sont diffusés au compte goutte, un clip voit le jour mais Korn sait séduire et se construire un univers propre. Korn va travailler en compagnie de CircleMakers.org pour la création d’un concert atypique au cœur d’un champ de maïs marqué de cercles mystérieux. Voici le groupe sur une scène naturelle de plus de 280 mètres de longueur et de 105 mètres de largeur qui n’est pas sans rappeler la démesure des Pink Floyd avec The Wall. Cette même année, Korn assurera la première partie de la tournée mondiale de leur idole, Ozzy Osbourne (passage en France le 20 septembre à Bercy). De quoi se refaire une santé !
Petits protégés de Korn, Limp Bizkit connaitra aussi un succès retentissant et contribuera à l’élargissement du public néo-metal. Si le leader du groupe n’est qu’un pantin médiatique face au véritable instigateur (Wes Borland) des hits du combo de Jacksonville, Limp Bizkit peut être considéré comme le groupe qui lancera le mouvement néo metal. En effet, dès 1997, Limp Bizkit présente les traits caractéristiques d’un crossover très marqué par des influences hip hop. Leur deuxième album, Significant Other, se classe n°1 des charts US puis le succès du groupe s’étend jusqu’en 2000 avec l’adaptation de la bande originale de Mission Impossible 2. S’ensuit une période chaotique pour Limp Bizkit avec le départ de Wes Borland, puis son retour éphémère pour la trilogie inachevée The Unquestionnable Truth avant une nouvelle séparation. Cependant, depuis maintenant un an, la sauce commence à monter à l’approche de la sortie d’un nouvel album, Gold Cobra, avec le line up originel du groupe. Un passage éclair en France en 2009 pour clôturer la tournée The Unicorns N’ Rainbows Tour a donné un signal positif montrant Limp Bizkit en grande forme sur scène. Fred Durst et ses compères seront de retour en France cette année pour promouvoir Gold Cobra, le 8 septembre 2010 à l’Olympia et le 9 septembre à la Halle Tony-Garnier de Lyon. Limp Bizkit rallumera-t-il la flamme ? On l’espère…
En France, la flamme n’a pas fait long feu. Le dernier soubresaut d’Enhancer était bien loin de la vague néo et les derniers dinosaures se sont éteints. En pionniers du genre, Mass Hysteria semble toujours tenir bon le large même si le groupe n’a plus vraiment le vent en poupe. Quelques groupes nostalgiques tentent d’entretenir le mouvement mais restent contraints à rester dans l’amateurisme ou la marginalité à cause du peu d’intérêt que portent les maisons de disque à ce style musical, préférant développer d’énièmes groupes pop et folk… Certains artistes ayant eu quelques succès durant la première vague des années 2000 ont perduré mais en abandonnant leurs prétentions de carrière (Stereotypical Working Class, Sherkan, Black Bomb A …), d’autres ont su rebondir en changeant de nom et de style musical (Lik…id devenu Bagdad Rodéo, les membres de Wünjo partis dans Bukowski ou Vera Cruz, etc.). Aujourd’hui, les nouvelles formations à se présenter comme jouant du crossover entre rock, metal et hip hop se comptent sur les doigts d’une seule main. En région parisienne, on retrouve quelques formations telles que Furykane (pleine préparation d’album), Bawdy Festival ou Myhybris aux ambiances plus atmosphériques. A l’Est de la France, Stentor est probablement le seul groupe à jouir d’une faible notoriété…
Cependant, si ce constat est plutôt négatif et s’il n’y aura probablement pas de « revival » avant plusieurs années, il n’empêche que la vague néo-metal des années 2000 a permis à certains talents d’éclore. On pense notamment à l’Esprit du Clan, qui a su bénéficier de l’intérêt des médias spécialisés sur la scène métal au début des années 2000 pour devenir l’un des meilleurs ambassadeurs français de ce style musical une décennie plus tard. Idem pour AqME qui eu la présence d’esprit de s’écarter du collectif Nowhere au bon moment. Et vous, vous y croyez à ce revival des baggys et casquettes ?