Pour la quinzième édition du festival Artsonic de Briouze (Orne), les organisateurs ont mis les bouchées doubles: une belle brochette variée de tête d’affiches (Sepultura, Olivia Ruiz, Chinese Man, Le Bal Des Enragés,…) et un nouveau site, plus grand et plus proche du centre-ville. Avec 13 000 spectateurs et un temps clément sur les deux jours, Artsonic a réussi une fois de plus à pérenniser ce qui est devenu le plus important festival de Rock normand.
Le collectif normand joue donc à fond la carte de l’éclectisme encore une fois cette année, mais par une programmation cohérente, une diversité intelligente qui permet aux différents courants du Rock de s’exprimer, aux rastas de communier avec les Punks et les métalleux, mais aussi au public plus familial des environs d’avoir un intérêt pour ce festival qui leur était d’habitude plutôt étranger. Et ça, des artistes comme Olivia Ruiz, la Ruda ou Babylon Circus le permettent.
Cet Artsonic débutera franchement les hostilités le vendredi soir vers 20h avec The Toasters. Quoi de mieux pour se mettre dans le bain qu’un groupe culte de ska –rock-punk ultra-festif, délivrant des morceaux diablement entrainants ? Un petit frisson parcourt la contrée bas-normande en ce début de soirée car le public a du mal à venir festoyer devant les scènes, préférant rester dans la zone camping pour faire durer un apéro qui n’en finit plus. La tendance est donc claire, le public est surtout là pour Sepultura et dans une moindre mesure, La Ruda et Danakil. Eiffel en feront les frais, mais ne récolteront que ce qu’ils ont semé en proposant un univers musical stéréotypé, à la limite du plagiat de Noir Désir, distillé par des acteurs statiques qui sont déjà blasés de la scène… mais heureusement, Gary et ses acolytes du OAI Star arrivent pour mettre un joyeux bordel et réveiller la frilosité d’un public qui daigne enfin se remuer devant les scènes. Accompagnés par leur trouvaille suédoise Dubmood, joyeux protagoniste de la Chip Music (comprenez musique de jeux-vidéos style Game Boy ou Atari), les marseillais font preuve d’une terrible énergie scénique et d’un humour qui sent bon le pastis et l’ « ohèmeu ».
Et c’est enfin au tour de Sepultura d’arriver sur la scène A, au grand plaisir des nombreux métalleux présents. Depuis l’arrivée de Derrick Green au début des années 2000 en remplacement de Max Cavalera au chant, le groupe a pris une orientation très hardcore. Le problème, c’est que près de 10 ans après, la mayonnaise ne prend toujours pas auprès du public, qui vient pour entendre les standards du groupe époque Cavalera. Et c’est ce qui s’est passé une fois de plus. Il aura fallu attendre un « Chaos AD », un « Ratamahattah » et un « Roots » d’anthologie pour que Sepultura retrouve son public, au grand désespoir une fois de plus de Derrick Green qui n’arrive pas à imposer ces morceaux plus hardcore et surtout un peu quelconques. Avec un son de batterie énorme et une application sans faille au chant, les brésiliens nous font toujours prendre un pied d’enfer à hurler les refrains simplistes mais tellement bons de l’album mythique « Roots », précurseur du son métal des années 90. La Ruda enchaînera tout de suite après, avec plein de bonnes intentions et un public clairement acquis à sa cause. Mais que ce fut plat et mou après la décharge sonique et rythmique de Sepultura ! L’avantage c’est que le public connait les paroles par cœur car ce ne fut pas forcément un cadeau de passer juste après la puissance des brésiliens. Enfin, viendra le reggae-roots de Danakil pour calmer un peu tout ça et charmer la tranche cool du public qui se régalera de ces textes engagés et de ces rythmiques éculées mais toujours appréciées.
Deuxième jour, deuxième façon d’aborder le Rock. Malgré un ciel chargé et quelques alertes, la pluie épargnera la terre normande, la laissant se débattre au sec avec les agitateurs qui vont l’envahir. Des régionaux de l’étape, Chocolate Donuts, au métal progressif plutôt agréable de Echoes of Reason, on arrive doucement à la raison de la présence des familles à cette quinzième édition d’Artsonic, j’ai nommé Olivia Ruiz. C’est par un show toujours sérieux, énergique, sensuel et clairement Rock que l’attachante jeune femme réussit à faire chanter toutes les tranches d’âge et même à séduire un public plus underground, ce qui amènera des rencontres plutôt cocasses dans la fosse… Les Wankin Noodles, avec un nom pareil, nous ont donné faim, on ratera donc la performance rock teenage des français. Mais pas de panique, on arrivera suffisamment tôt pour suivre les Babylon Circus, joyeuse bande d’une dizaine de gaillards prêts à tout pour mélanger reggae, rock et musique festive, un de ces groupes de la nouvelle scène française, pas vraiment original mais qui enflamme la foule, notamment avec ses très bonnes sections de cuivres. Un petit tour ensuite par l’Asie avec les Chinese Man, qui n’ont de chinois que le nom, mais qui réussissent à mettre une bonne claque Abstract Hip-Hop en 50 minutes, temps de passage beaucoup trop court aux yeux du public comme des artistes, pour un trio de DJs aussi talentueux à faire remuer les gens sur ces beats aux influences world, afro et hip-hop.
Puis vient l’heure de l’orgie scénique, de la démesure alternative, de l’explosion Punk-Métal de toute une génération incarnée par Le Bal Des Enragés. Menée par des membres de Lofofora, Black Bomb A, Tagada Jones, Punish Yourself ou encore Parabellum et La Phaze, la fronde se caractérise par la reprise de standards Rock énervés (« I wanna be your dog », « Satisfaction »), de groupes punks français historiques (Les Béruriers Noirs) ou encore de morceaux cultes de groupes du métal fusion des années 1990-2000, tels Rammstein, RATM ou System Of A Down. Déflagration visuelle et sonore, machine à faire chanter l’audience, bordel généralisé mais organisé sur tous les morceaux, la scène Rock alternative française est toujours vivante et le montre. Sans conteste l’attraction des festivals de cet été et un vrai bonheur live, tout simplement.
Le bilan de cet Artsonic est donc très positif à presque tous les égards, tant le nouveau site se prête bien aux aspirations de ce festival, et tant les têtes d’affiches ont tenu leurs promesses. Les deux petits bémols résideront dans l’impossibilité pour les détenteurs de ticket pour un seul soir de circuler librement entre la zone camping et la scène, et une zone de camping qui ressemblait plus à un parking de teknival qu’à autre chose, mais ceci est totalement indépendant de la volonté des organisateurs. Vivement l’édition 2011 donc, et longue vie à ce festival qui permet aux Normands d’avoir leur évènement Rock de l’année, entre ambiance conviviale un peu bucolique et grande qualité des prestations scéniques.