Le succès du hit single « How You Remind Me » aura eu une incidence à double-tranchant sur la carrière de Nickelback. Alors que les ventes de leur troisième opus Silver Side Up s’envolent vers des chiffres inattendus, les canadiens se constituent en contrepartie une solide base de détracteurs visiblement excédés par la surexploitation du morceau. Le syndrome James Blunt avant l’heure, phénomène de répétition transformant rapidement un titre basique et non désagréable en véritable torture auditive. Plus discrètes, les sorties suivantes (The Long Road en 2003 et All The Right Reasons deux années plus tard) ne provoqueront que quelques remous en Europe, bien que les ventes restent très satisfaisantes outre-atlantique. Sauf imprévu, leur sixième opus devrait aisément suivre le même chemin.
Nickelback n’a jamais été un « grand » groupe, et Dark Horse se profile sans surprise comme un pur produit estampillé de la marque des canadiens. Le groupe n’évolue à aucun moment vers des terrains plus aventureux ou originaux que par le passé, les musiciens développant une nouvelle fois un rock gentillet pleinement calibré pour les ondes américaines. Est-ce un mal pour autant ? Le quatuor a depuis longtemps trouvé son public, et nul doute que ce sixième opus remplira aisément les critères d’exigences en s’inscrivant dans la directe continuité de ses prédécesseurs. Car bien qu’outrageusement radiophonique, force est de reconnaître que Nickelback construit ses morceaux avec un certain savoir-faire et maîtrise tous les ressorts de l’escapade tubesque et accrocheuse (la semi-ballade « If Today Was Your Last Day », « Burn It To The Ground »). La formule n’a dans cette optique pas changée d’un iota, le quatuor évoluant vers des horizons rock grungy habillés d’une discrète saturation, chaque composante de l’album s’articulant autour des trois minutes trente de rigueur. Puissants mais pas ravageurs, les titres de Dark Horse équilibrent les éléments afin de s’adresser à une majorité, mais Nickelback ne semble néanmoins pas rogner sur la sincérité tant le tout découle naturellement et sans rupture de cohérence. Car malgré son potentiel commercial, ce sixième opus ne se montre pas pour autant ouvertement opportuniste, chaque composition se profilant comme un pur appel à taper du pied (« Something In Your Mouth »). Simple mais efficace.
Quelques titres plus mid-tempos demeurent logiquement mois attrayants (« I’d Come For You », « Shakin’ Hands », « This Afternoon »), mais Nickelback parvient à éviter le piège d’un « tout acoustique » mielleux au profit d’encornures bluesy moins rébarbatives et pompeuses. La voix de Chad Kroeger permet également d’apporter le relief nécessaire aux morceaux, le frontman présentant un timbre à la fois juste et rocailleux ainsi qu’une science du refrain qui fait mouche particulièrement affinée (« S.E.X. », « Gotta Be Somebody »). Pas de dérives dans des sphères plus orageuses, mais une ribambelle de belles lignes accrocheuses soutenues à grands renforts de backing vocals chaleureux. Si les morceaux de Dark Horse ne dévient jamais de leur dimension « gros rock à l’américaine », le tout se montre académique mais sûrement pas aseptisé, le quatuor parvenant à lui insuffler un groove ainsi que quelques échappées plus techniques et savoureuses que la moyenne. Nickelback déballe ainsi quelques solos parfaitement intégrés aux compositions, pas spécialement ébouriffants mais néanmoins bien placés et rafraîchissants (« Next Go Round », « Just To Get High »).
Dark Horse est une machine bien huilée, qui malgré son orientation clairement grand public ne se montre pas avare en qualité. Si l’album n’est pas la révélation de l’année, Nickelback reste honnête dans sa démarche et parvient à coucher sur bandes une belle enfilade de probables futurs tubes.
.: Tracklist :.
01. Something In Your Mouth
02. Burn It To The Ground
03. Gotta Be Somebody
04. I'd Come For You
05. Next Go Round
06. Just To Get High
07. Never Gonna Be Alone
08. Shakin' Hands
09. S.E.X.
10. If Today Was Your Last Day
11. This Afternoon