Si le titre de l'EP Joyeusement Suicidaire pourrait être un hommage chiasmatique aux défuntes Betteraves, le rapport entre ces bêtes-ci et Lambda Zéro reste honnêtement très faible. A la limite, il est possible d'estimer que les deux groupes font partie de la grande famille du « punk », ce genre qui s'ouvre toujours plus au-delà de ses limites, au grand désarroi des puristes. Lambda Zéro, ce sont quatre jeunes Nantais qui ont sorti peut-être le plus beau CD qui soit : le CD-Bilboquet à Moustache. Effet garanti en sortant la galette de sa pochette.
Lambda Zéro ouvre son EP sur une chanson calme, parlée. La mélodie est assurée par des chœurs en « oh oh ». Ce choix a le mérite de présenter les voix qui seront à l'œuvre pour le reste de l'album. Par la suite, petit à petit, le groupe va s'affirmer avec brio. C'est assez simple, les cinq titres qui défilent ensuite sont efficaces à souhait. Ils vont d'une certaine manière à l'essentiel, puisqu'ils ne se perdent pas trop en prolongements inutiles et qui sonneraient forcés.
Le groupe offre un bon punk-rock, plus rock que punk toutefois, chanté en français. Toute ressemblance avec certains groupes comme Déportivo, sûrement le meilleur pour ce qui est de faire rugir des vers francophones, est donc logique pour ne pas dire évidente. Il y a cette même urgence. Les même « papalala ». Un chant assez proche. Des chœurs pas si anodins que ce qu'ils veulent laisser penser au départ. Une histoire de police sur un refrain qui sonne proche de « La Colline ». Des même paroles anglaises qui apparaissent de façon fugace. Etc.
Il ne s'agit pas non plus de faire uniquement un parallèle entre Lambda Zéro et Déportivo, d'autant qu'il est parfois (je l'avoue) tiré par les cheveux. Ces quatre Nantais ont également une part très personnelle qui s'exprime particulièrement dans les paroles, qui évacue paradoxalement plus aisément cette part intime par un usage moins fréquent de l'évocation. Par ailleurs, les « prolongements », lorsque le groupe s'aventure un peu dans sa composition, donne les meilleurs morceaux. « Bons Baisers de Prague », grâce à son final hallucinant, très saccadé, marque l'esprit. Peu avant, le refrain avait imprimé sa rythmique. Or tout se retrouve déconstruit d'un coup d'un seul. Sur ce même schéma, « Mon Opposum » prend des virages à 90° pendant trois minutes non-stop. Là encore, le final est suffisamment efficace pour rendre le tout tubesque.
Joyeusement Suicidaire est ainsi un excellent indicateur d'un groupe qui, avec un peu d'expérience, pourrait rencontrer son public sans problème. Le potentiel est certain et l'initiative intéressante. Il est en tout cas rare de faire sonner le français sans être linéaire. Lambda Zéro a déjà passé cette étape. Il ne reste que de petites choses choses à faire pour atteindre la gloire et sortir de la masse : doubler le nombre de morceaux pour approcher la demi-heure, faire passer un titre sur quelques ondes, régler ses concerts comme des performances incendiaires. Voici en tout cas un groupe à écouter fort !
.: Tracklist :.
01. Intro
02. Bons Baisers de Prague
03. Plan C
04. Je Ne Suis Pas La Moitié De L'homme Que J'aimerais (En Partie) Être
05. Mon Opposum
06. Le Fiasco