Qu'est-ce que un haïku ? Qu'est-ce que le punk ? Qu'est-ce que l'alliance des deux ? Aujourd'hui, ce n'est plus. Avant, il y a quelques mois, la réponse tenait en un groupe : La Raïa. Séparé depuis plus d'un an, ce groupe parisien offrait des perspectives complètement autres, où le punk était poésie, la poésie était punk. En décembre pourtant, ils laissent sortir de leur boîte-cercueil un dernier manifeste, en guise de testament ultime : La Sorcière Vit !
La Raïa a toujours été un ovni. Un groupe compliqué à suivre d'instinct. D'autant qu'il a développé un univers bien à lui, fait de trois nouvelles couleurs primaires (le rouge, le blanc, le noir) où la musique est une « faune sonore », selon leurs propres termes. L'énigme reste entière. Comment le son devient un être animé ? Tout d'abord, il y a une vocation du groupe pour les contes et les histoires. Celles-ci peuvent être très proches de la réalité, parfois dans la description la plus banale. « Une peau qui dormait/fût caressé/par une guêpe/un petit bout volant/d'ortie, de chardon/qui se planta ».
La Raïa, c'est également une volonté indestructible de tout déconstruire. L'album lorgne vers un free jazz hallucinant, se retourne dans une fureur punk qui se base sur un duo boîte à rythme – guitare très saturée, s'inverse finalement par des moments de bonheur acoustique où la voix ne peut se faire entendre autrement que par le chuchotement. La folie n'est jamais très loin. On baigne ici dans un monde où les repères se mélangent, changent de place. « Je t'aime/je te tue ». Il n'y a donc rien d'étonnant à voir une chanson être dédiée à Antonin Artaud, l'homme du Théâtre et son Double.
La Sorcière Vit ! est sans aucun doute l'album le plus complet du groupe. Les morceaux instrumentaux se partagent une partie du gâteau. Mais surtout, La Raïa a abandonné le peu de limites qui leur restait et empêchait Les Dents, leur précédent opus, de dérouter autant que cet album. Ici, ils sèment le trouble un peu partout où ils passent sans devenir ermétique. La ré-interprétation du titre « Mother Earth » de Crass, transformé en « Maman », est l'exemple parfait de la réussite de La Sorcière Vit ! : un mix étrange et sensible. Car Le trouble est encore plus intéressant quand ils sont les plus proches d'une réalité très sommaire, très simple, mais pas toujours si facile à saisir. Aucun texte sur la puberté ne pourra égaler « Découle », où tout est dit avec la plus grande justesse.
Mais comme un haïku, tout est sujet à une interprétation avec La Raïa. Il s'agit d'une expérience : chacun est libre de s'insérer dans les textes, d'y trouver une résonance strictement personnelle. Leur concept de faune musicale, c'est l'impossibilité de saisir entièrement ces sons. Ils sont autres. Ils sont les autres. Ceux qui font peur, qui réjouissent, qui étonnent, qui attirent. Ils sont la musique.
Alors autant tenter cette expérience, au moins une fois : leur discographie est offerte gracieusement sur leur site .
.: Tracklist :.
01. Plaques
02. Rambo II
03. La Folle Qui Court
04. Découle
05. Maman
06. Grandes Bêtes
07. Dans Les Bois
08. La Sorcière Meurt
09. Percée
10. Nouveau Corps
11. Artaud
12. Je T'aime
13. Elle Vit
14. Elle S'approche