« Avoir tellement de choix qu’on n’arrive pas à se décider, et finalement rester bloqué »: voilà la définition de Option Paralysis, titre du cinquième opus des natifs du New Jersey, qui pourrait s’appliquer à eux-mêmes tant la palette d’influences et d’idées de ce nouvel effort est large. Mais aujourd’hui, The Dillinger Escape Plan n’a qu’un seul but: faire éclore aux yeux du plus grand nombre ce mathcore compulsif mais raisonné, aussi complexe qu’un monde qu’ils ont décidé de traverser avec fracas et sensibilité.
Le côté chaotique du son de The Dillinger Escape Plan provient sûrement du fait que leur carrière a elle aussi connu tant de bouleversements et d’épreuves que leur son s’en est toujours ressenti. Les changements de line-up ont été incessants, au point que seuls le guitariste Ben Weinman et Steeve Evetts, producteur et ami de toujours, faisaient partie de l’aventure originelle en 1997. Autrefois adulé par le public hardcore underground, le groupe trouble constamment son auditorat en réalisant notamment en 2002 un album très médiatisé avec au chant Mike Patton, illustre figure de Faith No More, ou encore avec un maxi de reprises (Plagiarism en 2006). Pas effrayés à l’idée de perdre leur socle de fans de la première heure, les américains mélangent free-jazz et hardcore, riffs ultra-rapides et refrains accrocheurs dans un ensemble qui a le mérite de ne ressembler à rien d’autre que du Dillinger Escape Plan. Dernier fait d’arme en date, une reprise de Tears For Fears lors de leur concert parisien en février dernier, dans une version même pas hardcore pour un sou.
Option Paralysis s’inscrit dans la même lignée que le précédent Ire Works, déjà par le fait que ce coup-ci, seul le batteur a changé (Bill Rymer remplace Gill Sharone, qui n’était là que depuis 2007), ce qui offre au groupe une continuité musicale plutôt rare jusque là. Introduit par « Farewell, Mona Lisa », premier single et pièce maître de l’album, ce titre est un condensé de tout ce que sait faire de mieux le combo: rythmique hardcore dévastatrice, break inattendu et refrain accrocheur digne d’un hit radio que vous détestez retenir mais qui vous prend aux tripes. Si au niveau des structures et des parties instrumentales, on reste un peu dans la même veine que Ire Works, Greg Puciato a décidé de se lâcher encore plus au chant cette fois-ci, et explore bon nombre de ses diverses qualités vocales, du très violent au très calme, en passant par un chant rock plus traditionnel mais très maitrisé. Même si l’ensemble de l’album reste puissant, hargneux et techniquement complexe, celui-ci a un côté accessible à un public plus large, accessibilité déjà amorcée avec Ire Works, où le groupe montrait son goût certain pour la mélodie. La ballade « Widower » qui débute par une sublime mélodie susurrée mêlée au piano de Mike Garson, pianiste de David Bowie, possède ainsi une place centrale dans la tracklist, loin d’être un morceau de transition mais plutôt un penchant assumé pour le lyrisme et la beauté mélodique. Mais bon, rangez vos violons, voilà qu’arrive « Room Full of Eyes », ode malsaine glauquissime avec une voix dégobillant sur un vieux riff métal old-school, et « I wouldn’t if you didn’t » où les joyeux drilles du New Jersey vous collent une grosse claque hardcore survitaminée. Faut pas déconner, on n’est pas au pays des Bisounours, non plus.
N’ayons pas peur des mots, si Ire Works pouvait être considéré comme très bon, Option Parlaysis flirte avec l’excellence à bien des niveaux. Claque à la fois brutale et mélodique, réussite technique mais aussi des textes, à l’heure où de nombreux groupes de métal et hardcore tournent en rond, The Dillinger Escape Plan réussit à apporter un vent de fraicheur en n’ayant jamais refusé de faire évoluer un style dans lequel ils ont toujours refusé de s’enfermer. Mike Patton et plus récemment Trent Reznor, qui les a fait monter sur scène avec lui lors de la dernière tournée de Nine Inch Nails ne s’y étaient d’ailleurs pas trompé. Adeptes du « Do It Yourself » en se privant de manager et en conservant, comme un fil conducteur, le producteur de leur début, Steeve Evetts, le groupe réussit à garder une indépendance musicale (notamment en créant leur label Party Smasher) et un côté artisanal (dans le bon sens du terme) dans leurs productions, chose rare aujourd’hui. Il est clair que bien des grands producteurs de la sphère métal et rock aimeraient poser leur patte sur les efforts du combo, mais The Dillinger Escape Plan est un animal sauvage, difficile à s’approprier, et qui garde bien au chaud les secrets de son énergie dévastatrice, autant en live que dans l’écriture.
.: Tracklist :.
1. Farewell, Mona Lisa
2. Good Neighbor
3. Gold Teeth On A Bum
4. Crystal Morning
5. Endless Endings
6. Widower
7. Room Full Of Eyes
8. Chinese Whispers
9. I Wouldn’t If You Didn’t
10. Parasitic Twins