En près de vingt-cinq années d’activité et dix albums studios, la longévité dont témoigne aujourd’hui Dream Theater sur la scène prog force le respect. Le groupe présentait cependant sur ces dernières productions des difficultés à se renouveler et semblait plus que jamais enfermé dans une certaine routine, bien que la complexité apparente de sa musique ne lui confère toujours une aura mystique ainsi qu’une richesse d’écriture bien marquée. Annoncé de l’aveu même de ses géniteurs comme un retour aux sources, Black Clouds And Silver Linings se profile aujourd’hui comme un très bon album dans la discographie des américains.
Dans les faits, Black Clouds And Silver Linings est un disque s’inscrivant pleinement dans la continuité du travail habituel de Dream Theater, mais qui présente néanmoins le groupe sous son meilleur jour. Ce dixième opus studio se fend de forts et appréciables contrastes musicaux, des reliefs permettant de garder l’attention intacte aux cours des longues explorations dans lesquelles s’engagent les musiciens. Les ossatures des compositions demeurent alambiquées au possible, seulement deux des six titres se plaçant sous la barre des douze minutes de rigueur, et témoignent d’embardées aussi surprenantes qu’osées (l’introduction quasi-back metal du morceau d’ouverture « A Nightmare To Remeber »). Flirtant à de nombreuses reprises avec l’incompréhension pure et simple, Dream Theater parvient toujours à retomber sur un gimmick connu ou un refrain efficace opérant le lien entre les différents univers de son morceau (l’excellent « A Rite Of Passage », « The Best Of Times »). Comme à son habitude, la formation n’est cependant pas à l’abri de ses traditionnelles faiblesses, à l’instar d’excursions légèrement trop mielleuses, voire à l’extrême limite d’un kitch bien prononcé et mis en exergue par l’omniprésence de claviers pompeux à l’esprit très eighties (le même « A Rite Of Passage », qui témoigne parallèlement du pont le plus horripilant de l’album). Dream Theater a heureusement limité les débauches de technicité, bien que Black Clouds And Silver Linings témoigne à ce niveau d’un imparable savoir-faire (le solo de « A Nightmare To Remeber »).
Malgré son indiscutable et prodigieux talent dans l’exécution des parties les plus épiques, Dream Theater préfère à ces démonstrations inutiles des embardées très heavy qui ancrent définitivement l’album dans la modernité. Black Clouds And Silver Linings s'habille ainsi de passades très lourdes, qui viennent fortement contraster avec les somptueuses excursions atmosphériques et bardées de guitares « chantantes » (le magnifique refrain de « A Rite Of Passage », la courte ballade « Wither ») et confèrent à l’album tout son cachet. Les parties de John Petrucci révèlent une certaine intensité à l’occasion de riffs purement metal qui apportent un grand dynamisme à une musique plus emprunte à tourner vers des horizons marqués de mélodies particulièrement soignées (« The Shattered Fortress », soutenu par un tempo enlevé). Ces brusques excursions satinées d’électricité sont d’ailleurs l’occasion de constater du niveau d’un Mike Portnoy imposant et impressionnant de maitrise, le batteur s’en donnant à cœur joie lorsque les guitares daignent sortir de leurs carcans. Embrumant le tout d’une présence fantomatique flottant avec grâce sur les instrumentation de Dream Theater, James LaBrie excelle une nouvelle fois dans les envolées les plus hautes perchées (« The Shattered Fortress »). Parfaitement en place, le frontman s’oriente à quelques occasions vers un timbre plus mystique et inquiétant (« A Rite Of Passage ») lorsque l’ambiance se veut plus pesante, mais s’illustre de façon plus remarquable à travers une série de refrains mélodiques impeccables de justesse (« Wither »).
Sans révolutionner son écriture, Dream Theater propose avec Black Clouds And Silver Linings un disque aussi complexe qu’accrocheur. Si l’album fait preuve d’un équilibre parfait des éléments ayant fait le succès du groupe, ce dernier se détache de leurs précédentes productions par une qualité revue à la hausse. Le style musical pratiqué par les Américains leur étant bien personnel, le détail suffit à en faire un disque indispensable.
.: Tracklist :.
01. A Nightmare to Remember
02. A Rite of Passage
03. Wither
04. The Shattered Fortress
05. The Best of Times
06. The Count of Tuscany