Nous sommes en 1999 et Rage Against The Machine est au sommet de son art. The Battle Of Los Angeles a la lourde tâche de faire définitivement siéger le quatuor au Panthéon du rock. Le talent, la verve et les convictions sont là mais les tensions internes effritent la machine qui pourrait bien s’arrêter de tourner…
The Battle of Los Angeles est sans doute l’album le moins urgent de RATM, les millions de dollars accumulés après le succès des deux précédents opus n’y sont certainement pas pour rien… Le combo semble en effet prendre plus de recul et ses compositions sont plus complexes et plus réfléchies, les riffs de Morello sont travaillés jusqu’à l’extrême (« Mic Check ») et les paroles de de la Rocha gagnent en profondeur (« Guerilla Radio »). L’ombre de George Orwell plane ainsi sur tout l’album qui est parsemé de citations tirées de 1984. Les références à ce monument du roman d’anticipation dénotent les inquiétudes du frontman sur son époque. Le livre dépeint en effet un monde totalitaire où le passé est sans cesse réécrit et où les guerres entre chaque nation servent à occuper les esprits d’une population surveillée à chaque instant. « Testify » reprend une des phrases clés du livre : « Who controls the present controls the past, who controls the past now controls the future. », c’est pour mieux la détourner ensuite en une question symbolisant l’enjeu du combat que mène le groupe : « Who controls the present now? ». La critique envers le gouvernement américain est toujours aussi sévère et de la Rocha n’abandonne pas son engagement contre l’oppression envers les plus faibles, la mondialisation ou encore la politique spectacle (« No Shelter »). Mais il se livre bien plus que dans les précédents albums et ses paroles se font bien plus personnelles notamment sur « Born of a Broken Man » et son mythique refrain « Born of a broken man but not a broken man ».
Le côté rap des débuts s’est un peu estompé, le quatuor ne révolutionne pas pour autant son style mais démultiplie ce pour quoi ses morceaux sont tant appréciés : une basse particulièrement lourde et groovy, une batterie qui va droit au but avec ses martèlements quasi martiaux, un poète funambule au chant enragé et un guitariste virtuose (« Sleep Now In The Fire »). Bref, ça explose dans tous les sens (« Calm Like A Bomb »), mais les Californiens savent être moins rentre-dedans et les expérimentations sonores vont bon train, en particulier lors des intros où Tom Morello donne le meilleur (« War Within a Breath », « Ashes In The Fall »). RATM signe ainsi son album le plus abouti, le plus construit et le plus mature. The Battle Of Los Angeles est aussi l’opus le plus populaire de RATM, celui par lequel le groupe se fait connaître massivement aux yeux du grand public. La télévision et la radio ont largement contribué au succès de « Guerilla Radio » ou encore de « Sleep Now In The Fire » qui deviennent rapidement des hymnes interplanétaires. En ce sens, RATM a réussi à utiliser les médias pour servir son engagement et répandre ses messages.
Parvenus au statut de véritables rockstars en quelques années, les quatre Californiens s’apprêtent pourtant à lâcher prise, les tensions au sein du groupe se font de plus en plus fortes et le manque d’inspiration ne tarde pas à conduire à la séparation. The Battle Of Los Angeles est ainsi le dernier véritable album du groupe, entendons par là qu’il est le dernier à être composé de morceaux originaux. Bombe sonore d’une rare puissance, The Battle Of Los Angeles inscrit une fois pour toutes RATM dans la légende et restera comme une marque indélébile dans le paysage musical des années 1990.
.: Tracklist :.
01. Testify
02. Guerrilla Radio
03. Calm Like A Bomb
04. Mic Check
05. Sleep Now In The Fire
06. Born Of A Broken Man
07. Born As Ghosts
08. Maria
09. Voice of the Voiceless
10. New Millennium Homes
11. Ashes In The Fall
12. War Within A Breath
13. No Shelter (bonus éditions australiennes et européennes)