Psykup a depuis longtemps adopté une position anti-conformiste. Campé dans ses positions depuis la sortie de sa première démo, le groupe garde ses idées et continue d’avancer coûte que coûte, quitte à laisser derrière lui le succès public et médiatique qui aurait depuis longtemps dû lui revenir de droit. De techniquement alambiqué à ses débuts, les toulousains continuent d’évoluer vers des morceaux toujours plus riches et foisonnants, et ce n’est pas We Love You All, nouvelle pépite débarquée trois ans après L’Ombre et la Proie, qui viendra présenter un Psykup près à aseptiser sa musique pour conquérir les ondes radios.
Autant annoncer la couleur tout d’entrée de jeu : We Love You All est une véritable merveille, point culminant d’une discographie déjà impressionnante de qualité. Les musiciens de Psykup parviennent en douze morceaux à repousser les limites d’un genre qui n’appartient qu’à eux, couchant sur bandes une série d’uppercuts tellement variés qu’il demeure impossible de les cataloguer sur la bannière d’un genre autre que celui de metal au sens le plus large du terme. Et encore. Le quintet construit en effet ses compositions comme aucun autre, étirant les ossatures au maximum de leurs possibilités afin d’y fusionner des influences que l’on devine aussi nombreuses que prétendues antagonistes (« La vie dont vous êtes le héros », côté pile). Rock’n’roll, metal, funk, voire free jazz dans l’esprit ainsi que les constructions incroyablement compliquées et pourtant tellement bien pensées, We Love You All revêt des contours metal pour finalement exploser toutes les barrières imaginables en à peine un morceau (le tonitruant « Color Me Blood Red », entrée dans le bain absolument terassante de maîtrise). Le groupe se permettra même une incursions vers des horizons proches du hip-hop, signant l’un des titres les plus inattendus de ce troisième opus. Si « En vivre est un problème », alors autant « en vivre libre ou mourir ». A l’heure de l’écroulement de l’industrie musicale, Psykup ne tente à aucun moment de gratter les coins, pariant plutôt et à juste titre sur un disque toujours plus abouti et révolté contre le formatage des esprits, machine passée hors de contrôle dans la fabrication de riffs distordus fusant dans tous les sens. Une usine groovy dans laquelle l’électricité se serait libérée de son carcan (le prologue de « La vie dont vous êtes le héros »), habitée par le double-chant virevoltant sans préavis entre criard et douceur satinée de la paire Julien Cassarino / Mathieu « Milka » Miegeville. Les voix demeurent toutes aussi incontrôlables que les instruments, faisant par ailleurs preuve de la même aisance à visiter des registres divers.
We Love You All témoigne d’une incontrôlable folie à tous les niveaux, celle qui pousse soudainement le mélomane revisiter les genres musicaux à vitesse grand V, à superposer à tous ces morceaux de vie les images qui lui sont propres. Un rythme effréné qui pousse parfois vers les pointes extrêmes les plus enivrantes (« My Toy, My Satan », « Rétroaction » et « Here Come The Waves », avalanches d’électricité en cascade ponctuées d’une batterie mutante), avant de trouver la paix dans des incartades éthérées, parfois quasi-planantes (les deux volets samplés et hypnotiques du fantastique « En vivre libre ou mourir »). Malgré cette volonté de déstructuration ne témoignant d’aucun couplet ou refrain, Psykup sonne pourtant incroyablement juste et cohérent. Car We Love You All n’est pas qu’une œuvre musicale, aussi impressionnante soit-elle, mais une dérive dans un univers oscillant constamment entre normalité et hallucination. Un monde qui n’est au final pas si éloigné de notre réalité actuelle, société que les toulousains ne manquent pas d’écorner dans leurs propos (« En vivre libre ou mourir »). Le voyage mènera à plusieurs fins, la formation laissant en fin de compte son auditeur libre d’évoluer comme il le souhaite dans la seconde partie du disque. Pile ou Face, l’horizon dépendra d'un unique facteur : l'auditeur.
We Love You All est un véritable coup de maître. Le DVD Live Is Dead finit d’achever, à l’aide d’un live de près d’une heure et demi absolument impeccable à tous les niveaux (si ce n’est un montage présentant des images captées sur deux jours et faisant changer la tenue de Milka en plein assaut du public bordelais) ainsi que d’un reportage passionnant et sans langue de bois. La sortie majeure du mois de mars, et d’ores et déjà l’un des disques de l’année 2008.
.: Tracklist :.
CD 1 :
01. Color me blood red
02. Birdy
03. The choice of modern men
04. En vivre libre ou mourir Part 1
05. En vivre libre ou mourir Part 2
06. Rétroaction
CD 2 :
01. La vie dont vous êtes le héros – Prologue
02. La vie dont vous êtes le héros – Le choix
03. My toy, my satan
04. La vie dont vous êtes le héros – Pile
05. Here come the waves
06. La vie dont vous êtes le héros – Face
DVD :
Live Is Dead : Live au Krakatoa de Bordeaux
En vivre libre est un problèmes : Road movie
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