C : Existe-il un public adéquat et particulier à votre style musical ?
Kanka : J'aurais du mal à dire s'il existe un public adéquat et particulier à mon style musical. Je pense éventuellement que mes sons peuvent aussi bien plaire au public reggae, qu'au public dub au sens large, car ce sont les deux courants musicaux dont je m'inspire.
C : Parlons de vous, peux-tu nous éclairer sur votre univers ?
K : Je me permets juste de signaler qu'on est pas vraiment un groupe, puisqu'en fait kanka est un projet solo à la base. Je suis juste accompagné d'un bassiste et d'un chanteur pour le live (qui ont d'ailleurs leurs projets respectifs), mais en studio je compose, arrange et mixe toutes les instrus. Tout ça, pour dire que je répondrais aux questions, en utilisant « je ».
Mon univers se caractérise essentiellement par des morceaux conquérants et soutenus, fortement axés sur le basse batterie. Les influences oscillent entre le dub jamaicain et le dub anglais, puisque les instrus sonnent clairement reggae. Par conséquent, je dirais que je me situe dans un courant classique. En revanche, j'accentue le côté dynamique dans mes morceaux en m'attachant à ne pas faire du roots et en proposant un dub pêchu et dansant.
C : Quelles émotions essayez-vous de faire passer à l'auditeur ?
K : je n'essaye pas de faire passer des émotions particulières à l'auditeur. J'essaye juste de faire des instrus simples et efficaces, pour qu'elles restent accessibles à un maximum de personnes. Dans mon cas, je ne parlerais pas forcément d'émotions, puisque je cherche plus à faire une musique qui s'adresse au corps qu'au cerveau. En effet, j'aime le côté physique de la musique, qui donne envie de danser ou de bouger la tête.
C : Le dub est une musique de studio, qu'est ce qui diffère pour vous entre la scène et le studio ?
K : le dub est effectivement une musique de studio. Pour moi, la différence avec la scène se situe dans la prise de risque du mix en live. En studio, tu peux te tromper autant de fois que tu veux, tu recommences. En live, tu enchaînes, donc il est difficile de toujours faire du très bon, car à chaque concert, ça se fait au feeling. Contrairement à des groupes, je ne cherche pas à structurer les morceaux, pour ne pas me lasser et pour garder une certaine liberté dans le mix. Je mets donc toutes les pistes en boucle dans mon ADAT et je structure chaque morceau à l'arrache, en cuttant les instruments. Le risque est donc de ne pas faire toujours aussi bien, mais pour l'instant je préfère cette formule, car elle correspond « aux règles de l'art » et à ma vision du dub.
C : Quel type de relation cherchez-vous à établir avec votre public ? Est-ce que cette relation diffère entre la scène et l'album ?
K : je ne cherche pas à établir une relation particulière avec mon public, que ce soit pour l'album ou la scène. J'essaye juste de me concentrer à faire des bonnes instrus pour le satisfaire. Tout le message est contenu dans la musique et je crois que dans le dub, il ne faut pas chercher beaucoup plus loin.
C : La scène dub française est originale, on parle souvent de « phénomène français », êtes-vous en accord avec cela ?
K : il existe en effet un phénomène français concernant le dub, car les groupes de l'hexagone n'hésitent pas à fusionner divers styles et surtout le rock, pour créer leur son. Bien que je respecte énormément ce courant, je ne m'y retrouve pas vraiment, car je suis plus orienté vers le reggae et le dub classique à l'instar des anglais et jamaicains. Donc je ne pense pas être représentatif de cette nouvelle vague.
C : Qu'est ce qui fait la force de la scène française selon vous ?
K : J e pense que la force de la scène française se trouve dans la diversité des influences. Par conséquent, chaque groupe a sa patte, en mettant en avant différents courants musicaux, tels que la musique orientale, la techno, le rock, la jungle, le reggae… Ainsi, on obtient une scène dub atypique, un peu « fourre-tout ». Et je crois que c'est de là que vient la force du dub français.
C : Comment expliquez-vous le fait que chaque groupe de dub même s'il est associé à cette appellation sonne d'une façon tout à fait différente d'un autre ? (la musique d'High Tone ne ressemble pas du tout à celle d'Improvisators Dub ou d'Ez3kiel alors que dans le rock ou le punk on retrouve des similitudes entre chaque groupe …)
K : Comme je le disais précédemment, chaque groupe accentue son style, en puisant dans les influences diverses des musiciens. Donc, ce ne sont pas toujours les mêmes courants musicaux qui sont mis en avant, donc les différences apparaissent. Indépendamment de la musique, je trouve cependant que le son des groupes français est souvent très proche, ce qui se ressent énormément dans le mix de leurs albums.
C : Comment voyez-vous évoluer le dub français dans le futur ?
K : Je ne sais pas comment va évoluer le dub français dans le futur. J'espère vraiment qu'il se portera encore mieux d'année en année. J'ai un peu peur que comme la french touch, il s'essouffle avec le temps, car les tendances et les modes ne sont pas éternelles. C'est pourquoi, je ne cherche à profiter de cette vague, je veux juste faire ce qui me plait et qui correspond à ce que j'écoute.
C : Pensez-vous qu'une exportation à grande échelle du dub soit possible ?
K : Pessimiste de nature, je ne pense pas que le dub, quelque soit son type, puisse connaître une exportation à grande échelle. Pour moi, le dub est une musique underground réservée aux auditeurs qui aiment voir plus loin (ou plutôt écouter plus loin). Or grande échelle signifie masse, donc ça me parait un peu utopique, et c'est pas bien grave (sauf pour nos porte-monnaie, mais on fait pas du son pour ça).
C : Une question parfaitement stupide pour finir : préféreriez-vous que les jeunes filles du premier rang pleurent ou s'évanouissent en vous voyant ?
K : Si les filles du premier rang pleurent et que Sarkozy passe aux présidentielles de 2007, alors je préfèrerais de loin qu'elles s'évanouissent !!!!! fuck Sarko