C’est ce week-end qu’a eu lieu la 7ème édition du Main Square Festival à la Citadelle d’Arras, remplaçant la Grand Place d’Arras où se déroulaient les concerts dans les éditions antérieures. C’est donc dans un magnifique cadre d’ancienne caserne militaire que se sont produits, entre autres, The Black Eyed Peas, Pearl Jam ou encore Rammstein. Les organisateurs ont donc joué la carte de la diversité des styles avec un succès certain, notamment au vu de la fréquentation avec environ 120 000 personnes sur trois jours.
Ce sont les Pony Pony Run Run qui ont eu l’honneur d’ouvrir les débats de ce festival haut en couleurs et n’ayant pas peur des mélanges improbables (faire jouer Pink juste avant Rammstein, il fallait oser!). Auteurs d’un set convenable, sans plus, les français connaissent en revanche une admiration sans faille de la part de la génération adolescente qui connait par cœur les ritournelles entendues des centaines de fois à la radio. Il faudra attendre le début de soirée et l’arrivée de Jamiroquai pour que le festival rentre dans le vif du sujet avec la première grosse tête d’affiche. Armé de sa traditionnelle coiffe d’indien, le britannique Jay Kay essaie de réchauffer le public nordiste qui vient d’essuyer un orage le trempant jusqu’aux os, mais l’audience a du mal à s’enflammer. Pourtant le set proposé ne manque pas d’énergie et celui-ci s’achève sur un « Deeper Underground » où le public semblait plus disposé à communiquer avec notre ami iroquois. Manque de chance, c’était le dernier morceau. Un petit détour par la Green Room, seconde scène du festival, plus petite et couverte, qui accueille Bloody Beet Roots, un duo de DJ’s italiens mélangeant remixes de morceaux existants à la sauce électro survitaminée et compositions tirées de divers styles électroniques. Belle prestation de la part des italiens, même si malheureusement, malgré de très bons passages électro-rock plutôt agressifs, l’ensemble manque de cohérence et les morceaux orientés club cassent l’engouement d’un public prêt à être survolté.
Il fait encore un peu jour quand les Black Eyed Peas arrivent sur scène. La majeure partie du public étant venue pour eux, l’accueil est très chaleureux pour les américains et leur ribambelle de tubes radios, agrémentés d’un medley de mix très long et sans grand intérêt qui aura refroidi les ardeurs. Si visuellement l’écurie américaine a sortie l’artillerie lourde au niveau des décors et des ambiances, c’est très mou et convenu, et seule Fergie s’en sort grâce à son activité débordante sur la scène et des atouts certains (vocaux, bien entendu!). Suit peu de temps après David Guetta, avec ses tubes « When Loves Takes Over » et « Sexy Bitch » dans une ambiance de discothèque géante avec boules à facettes et paillettes. Le DJ français possède une notoriété telle aujourd’hui qu’il rencontre tout de suite son public, venu pour danser. Enfin Vitalic clôturera cette première soirée avec un live très orienté club, où il a trop tendance à oublier l’époque où il pratiquait un electro hybride très original, mais loin de ses productions actuelles.
La journée du samedi annonce clairement son ton plus Rock que la veille. Si dans la Green Room on aura le droit à Coheed And Cambria, Gomez ou encore Taylor Hawkins (ex-Foo Fighters, la très bonne surprise Rock de ce festival), sur la grande scène c’est un véritable combat de guitaristes virtuoses et de Rockn’Roll qui s’annonce, entre -M-, Ben Harper ou Pearl Jam. Si Phoenix aura son moment de gloire, mérité tant leur set est bien rôdé et le chemin parcouru par le groupe dans sa présence live est grand, il n’en va pas de même pour -M-. Avec un public bien évidemment acquis à sa cause, Mathieu Chedid, par son égocentrisme scénique qui autrefois pouvait paraître attachant au possible, se transforme en un délire très centré sur lui et ses acolytes musiciens et danseurs où chacun se fait plaisir sur scène sans forcément penser à l’intérêt des spectateurs. Des discours interminables entre les chansons, des solos de guitare à n’en plus finir, un intermède techno long et raté, c’est une vraie déception de voir cet artiste dont le succès est porté par sa popularité et sa médiatisation et non l’originalité des prestations scéniques et du plaisir des auditeurs. Mais heureusement, Ben Harper va nous réconcilier avec le monde des guitaristes. Hallucinant de technique dans de nombreux styles, accompagné par le bassiste et le batteur de Relentless 7, deux techniciens hors pair, Ben Harper vous transporte dans son univers de guitare jouée à plat sur les genoux sortant un son aérien brut mais intense, où les pédales d’effets sont remplacées par des techniques d’arpèges et de groove uniques. Un grand moment donc, qui précèdera l’arrivée de Pearl Jam, l’une des rares icônes restantes de la période grunge du début des années 90. Eddie Vedder n’a rien perdu de sa voix (même s’il la graisse à l’aide d’une bouteille de vin rouge sur scène!) et l’expérience du combo américain en live fait la différence par le charisme et la façon de rendre un set intéressant. Reprenant les splendides « Alive », «Jeremy » ou « Red Mosquito » avec l’aide de Ben Harper, venu avec eux sur scène pour ce morceau, c’est un vrai bonheur de se replonger dans les ambiances rocailleuses et mélodramatiques du groupe et de son leader charismatique.
La dernière journée se veut être la plus éclectique, passant de Pink à Florence And The Machine ou Rammstein, mais il y aura une grande victime de cette journée de clôture du festival Artois, ce sont les Stereophonics. Victimes d’un problème technique visiblement, ils ne joueront que quatre morceaux en acoustique, sans batteur ni bassiste, et repartiront aussitôt après, en colère. On ne saura pas ce qu’il s’est passé, mais on craint alors un problème qui pourrait affecter le reste de la soirée. Mais Gossip arrive sur scène et tout se passe bien pour Beth Dito et ses acolytes qui raviront un public surtout féminin, avec une reprise remarquée de Withney Houston ponctuée d’un joli rot pas féminin du tout au milieu, mais tellement Rock n’Roll. Pink sera elle aussi déterminée à montrer son sens du Girl-Power en se démenant sur scène et en interprétant de façon plus rock ses hits radios dévoreurs de charts. Elle ira même jusqu’à se suspendre au dessus de la foule tenue par des câbles et exécutera des exercices de funambule à 20 m au dessus de la fosse pour épater la galerie. Si le spectacle est apprécié, la grande majorité du public de ce dimanche est là pour une seule et unique raison, les allemands de Rammstein. Et c’est justement après avoir fait apparaître un immense drapeau de leur pays que les pyromanes vont arriver sur scène. Comme d’habitude, c’est le feu qui domine la prestation scénique des allemands, brûlant tout ce qui est a peu près possible de brûler sur une scène, même ce pauvre « Flake » Lorenz, véritable cinglé de génie qui s’embrasera plusieurs fois et ira faire son petit tour en matelas pneumatique porté par les bras du public. Le set des allemands est parfait en de nombreux points, sans bavure, orchestré de manière méthodique et diablement efficace, fondé sur les morceaux les plus connus qu’ils jouent habituellement en live tel « Ich Tur Die Weh », « Pussy » ou « Ich Will ». Ça explose de partout et le public est conquis. Rammstein est un poids lourd de la scène et s’impose comme l’une des grandes références européennes de performance live.
C’est donc un bilan positif qu’il faut tirer de cette septième édition du Main Square Festival qui s’est basé sur les réussites des valeurs sûres du Rock pour s’imposer aujourd’hui comme un des gros festivals français. Les gros moments d’émotion auront donc été Pearl Jam, Ben Harper ou encore Rammstein, des artistes confirmés et déclenchant l’engouement assuré de la foule. Si d’un point de vue organisationnel tout s’est globalement bien passé, on pourra regretter le manque d’infrastructures d’accueil du festival dû à sa proximité avec le centre ville, en termes de parking, camping ou zone de repos pour les festivaliers entre les concerts. Mais la beauté du site et son originalité font vite oublier le reste. Comme l’a dit Eddy Vedder lors du concert de Pearl Jam, c’est magique de faire de la musique dans un endroit ou l’on préparait la guerre. Et si Eddy lui-même le dit…