20 ans de hardcore, des bas-fonds de New-York City jusqu'aux quatre coins du globe. La chaleur étouffante du Nouveau Casino en cette soirée du 14 août doit autant à la fournaise de la journée qu'aux fans parisiens venus fêter comme il se doit l'anniversaire de Madball, légendes d'une scène sans concessions.
Avant l'entrée dans l'arène : une dernière bière, c'est inévitable parmi la meute tatouée, crânes rasés et sportswear, qui se les descend tranquillement sur les trottoirs de la rue Oberkampf. Ils ne semblent pas trop émus d'avoir manqué le début du show d'Onesta. Le reste de la salle ne répond d'ailleurs que mollement au show des Parisiens. Et, malgré toute leur bonne volonté, la sauce ne prendra pas pendant cette demi-heure de hardcore français, classique dans le style The ARRS and co.
La faute peut-être aux problèmes du guitariste, dont le son est régulièrement coupé. Quelques ratés aussi à signaler dans le jeu du batteur, qui s'emmêle parfois gentiment les pinceaux. Mais à revoir également les pauses trop longues et sans vie entre chaque morceau, qui enlisent le concert. Comme si le groupe ne parvenait à maintenir un rythme constant d'énergie, à l'image d'un chanteur qu'on donne l'air d'être un peu intimidé malgré sa joie d'être là. En dehors de son phrasé hip-hop, souvent bien hurlé, il tente de soulever la salle par diverses interventions à l'adresse de ses potes, ou en invitant à enculer Le Pen et Sarkozy. Initiatives louables, mais qui peinent tout de même à dynamiser la fosse (sauf pour le braveheart final) : dommage, pour un gros hardcore prometteur sur album.
Il faut attendre les hollandais de Hoods pour s'en prendre plein la gueule. Sans conteste la bonne surprise de la soirée – on sait d'avance que Madball sera énorme non ? A peine les balances finies, Hoods démarre au quart de tour et enchaîne en 30 petites minutes une dizaine d'actes de bravoure HxC, souvent portés par une rapidité d'exécution très punk, même si quelques lourds beatdowns soulèvent poings et pieds en moulinet dans le public, et menés par un chanteur virulent, qui compense sa petite taille en sautant partout comme un beau diable. Son intensité contraste avec l'aspect bon enfant des gratteux, très tranquilles avant leur montée sur scène (dans la salle comme à la terrasse du café voisin) mais qui à présent donnent du fil à retordre à leurs nuques et aux retours. De même pour la machine de guerre derrière la batterie, qu'on soupçonne d'être un casseur régulier de matériel.
Hoods est intense, direct, rapide, violent, et cohérent. Du 5/5. Le public ne s'y trompe pas et répond très favorablement à ce hardcore survitaminé. Il est fréquemment relancé par un chanteur, au bon esprit évident, qui protège les slammeurs des vigiles pour les faire rester un peu sur scène : le « rispecte » jusqu'au bout. Et le groupe n'hésite pas à surprendre, en reprenant pour le fun Enter Sandman de Metallica. La scène se vide, on reste sous le charme d'une formation dont on prendra désormais des nouvelles.
C'est donc déjà bien en sueur qu'on attend Madball. Pas de doutes, les deux groupes précédents étaient bien de la pré-chauffe. Il n'est presque plus possible de circuler dans une fosse pleine à craquer, qui scande à plusieurs reprises le nom des stars de la soirée. Les musiciens viennent eux-même faire leur balance pendant que le staff technique du Nouveau Casino a du mal à se coordonner (Pascal aux lumières est tout de même amplement remercié par tous les groupes). Puis c'est le noir, sauf sur le logo de la balle de base-ball de l'EP NYHC. Un hymne guerrier retentit. Le groupe s'installe tranquillement, le chanteur déboule … et c'est la grosse claque. De nombreux habitués avaient pourtant prévenu, de mon pierceur jusqu'à Clem des SMS Crew présent dans la salle comme beaucoup de monde de la scène française.
Madball, à l'image du bassiste, est massif, avance compact sans rien laisser traîner et délivre une musique intègre jusqu'au bout des tatouages. Venus donc pour fêter leurs 20 ans d'existence, les 4 new-yorkais piochent dans tout leur répertoire, jusqu'au dernier Infiltrate the system, devant un public en furie. Le frontman hésite cependant. Est-on à un show digne d'un « lundi soir », comme il en accuse au début la fosse, ou revit-on les grandes premières heures de Madball à Paris, « a fucking underground show » dont il rappelle le souvenir après un mosh-part impressionnant ? Pas trop le temps de se poser la question : même si le chanteur parle beaucoup, pour rappeler au « respect » des « friends » et de la « family » dont tout le monde ce soir fait partie, le reste du groupe n'hésite pas à démarrer les morceaux sans lui. On sent les années d'expérience, la maîtrise d'un son carré, précis, porteurs d'une rage et d'une communion de valeurs tout aussi aussi puissantes. Aïe, ça fait mal !
Plus le show avance, et plus on est impressionné par la force implacable qui se dégage du groupe, alliant sa maturité à la révolte qui l'anime depuis ses débuts. Pas besoin d'en faire trop, le bassiste et le guitariste restent statiques, assurant sans peine backvocals et mur sonore impeccable. Le batteur n'arrêtera de marteler ses fûts, entre punk et metal, que pour une brève prise de parole. Et en français s'il vous plaît puisque le gaillard est d'origine québecoise : « j'aime la France; respect », un message simple, qui résume bien d'ailleurs l'attitude du groupe jusqu'à la fin du set. Le chanteur, tout sourire, communique beaucoup avec un public au bord de l'émeute devant cette bouffée de savoir-faire et de violence, qui fait chauffer la salle jusqu'à ébullition. Les coups comme les slams et le hardcore dancing sont légions, de même que les applaudissements et les sourires béats d'un public en osmose avec ses idoles. Une fois les deux morceaux en rappel achevés, et après être ressorti complètement trempé d'un Nouveau Casino qui a rarement eu aussi chaud, on se dit que Madball, après 20 ans, n'a rien perdu de sa superbe, et a encore de belles années devant lui en tant que groupe culte de la scène hardcore new-yorkaise.
Photos : Shad