En cinq notes, la messe est dite. Actual Fiction est une pièce d'orfèvrerie, à la fois simple et terriblement belle. Les quarante-cinq minutes qui suivent sont, dès le lancement, attendues pour couler comme une sucrerie pour les oreilles. Entre les lignes de portées, c'est une magie des notes qui passe. En cinq notes, une ambiance sonore impossible à déloger s'est imposée.
L'homme à la tête pensante d'Actual Fiction est Éric Pasquereau, sous le nom de The Patriotic Sunday. Il fait partie de ces figures multiformes du microcosme musical. Il participe notamment à la formation Papier Tigre, l'une des plus géniales dans le mouvement post-punk français. Quand la guitare électrique ne suffit plus, il se glisse dans une seconde peau : The Patriotic Sunday, déjà apparue pour deux albums plutôt folk puis pop.
Actual Fiction est son petit dernier, après deux essais parmi lesquels le brillant Characters en 2009. Pour 2011, The Patriotic Sunday revient appuyé du groupe Rennais La Terre Tremble !! Formé ainsi, le son prend de l'ampleur. Les morceaux deviennent difficile à appréhender dans leur entièreté au premier aperçu, malgré la puissance mélodique qui fait office de joint. En jouant sur la superposition de deux atmosphères sur chaque piste, le groupe imbrique les portes d'entrées. Ainsi formés, les 12 titres d'Actual Fiction sont denses, longs de sens, de silences et d'enchevêtrements d'instruments.
La preuve par « Belgrade ». L'arrivée de la guitare électrisé fragilise la construction initiale. Elle prend sens, ensuite, en transformant le morceau en édifice imposant. Majeur. Majestueux. Les guitares deviennent obsédantes et essentielles. Dans ces moments-là, Blur se présente comme une référence-clé. Le Blur de 13, qui expérimentait. Mais en plus de Blur, la voix d'Éric Pasquereau renvoie aux songwriters les plus intimistes, comme Elliott Smith ou Nick Drake, qui susurrent ces petits mots dans le creux des nappes sonores.
Ce qui étonne le plus au cours des multiples écoutes de The Patriotic Sunday est cette capacité à lier ces deux aspects : l'inventivité et la mélodie. Tout semble possible et réussi, même les phases les plus osées. Une voix métallique pendant quelques secondes sur « Everyman's Voice » ? Pas de problème, cela passe et se trouve même être agréable. Il en va de même avec les cassements de rythme pour faire glisser « Spoilsport » vers une sorte d'insouciance crasse.
Que dire à la sortie d'Actual Fiction ? Qu'il est dur de situer l'album. Mais également qu'il est dur de s'en défaire. Il y a la rumeur sourde de l'envie de réécouter. Il y a l'activité cérébrale qui se met en exergue en voulant tout comprendre sans aller au bout. Mais il y a un truc, c'est certain. L'invention n'est jamais un mal. Actual Fiction pourrait bien devenir une référence, un tournant du folk. Car ici, Eric Pasquereau semble avoir réussi à jongler entre ses deux facettes, entre The Patriotic Sunday et Papier Tigre, pour donner naissance à cet objet hybride. Il faudra en reparler dans dix ans, le 17 octobre 2021.
.: Tracklist :.
01. Grey Hair
02. A set of seemingly disconnected words
03. Self Employment
04. Quiet & Slow
05. Coathanger in the party room
06. Everyman's Voice
07. Fiction
08. Belgrade
09. I'll talk if you know what to say
10. Spoilsport
11. The Fire
12. Pigeonholed