L'attente fut longue depuis la sortie d'Hail To The Thief. Même l'échappée lyrique de Thom « salamander » Yorke avec The Eraser n'avait pas suffi à nous contenir. Et quelle attente ! On était tentés de penser, que ces anglais là avaient épuisés leurs ressources, expérimenté tous les différents sons et styles.
Et puis arrive In Rainbows, dont certains titres joués lors de tournées étaient déjà connus par les aficionados du genre. Radiohead ne nous revient pas « en forme » mais plutôt dans une autre forme, avec d'autres démons. Et de nouvelles abysses trop attirantes. Il y a tout d'abord ces dix titres débutant par une feinte nerveuse, l'ex-statique « 15 Step » et sa folie corporelle irrésistible… Rapidement enchaîné d'un hymne rock sale et jouissif au tempo réveillant les esprits inquiets. Mais s'arrêter à cela reviendrait à insulter cet opus. Car tout défile : les poissons que l'on n'attrape jamais, les coussins de velours aux encornures épineuses, les polaroïds brûlés, les parfums corrompus, le plaisir de se perdre, de se donner, les peurs qui nous vont si bien… Le tout orchestré par les génies d'un autre temps que sont Johnny Greenwood et Nigel Godrich.
Etonnement donc, In Rainbows revient à ce que Radiohead sait faire avec assurance : des mélodies déstructurées sorties de nulle part. Peut-être que le groupe tente de s'élargir vers de nouveaux esprits capables de recevoir leur musique car, en effet, le disque semble assez accessible à l'écoute. Que ce soit sur « Arpeggi », « All I Need », « Faust Arp », ou encore « House Of Cards », il paraît plutôt honnête de noter que (fait exceptionnel !) les pianissimo et les forte correspondent aux variations lyriques de la voix et du texte. Comme à l'habitude, Thom Yorke et Johnny Greenwood ont l'art de trouver des accords impossibles qui marchent pourtant ensemble. Comme venant fouiller notre esprit encore et encore. Le disque se fini sur une ballade indescriptible à tombeau ouvert, à travers les limbes d'un lead-singer fusionnant entièrement avec la profondeur de son piano. Sur un tempo presque cyclique et régulier comme des marches que l'on descend, "Videotape" nous attire, nous condamne, nous arrache (orchestrée crescendo et rythmée comme une marche militaire) vers un ailleurs incertain, qu'il faut pourtant affronter. Une fin irrémédiable qui nous avait été annoncée avec le lunaire "Reckoner" et les plaintes écorchées du chanteur.
Certains chanceux pourront écouter le deuxième opus du coffret également existant, contenant des chansons jouées et rodées lors des concerts de 2006.
Radiohead réussi donc ici l'exploit (assez rare pour être remarqué) d'allier Intérieur / Extérieur, peau et chair, avoir autant une brise dans le cou qu'un objet à soi et pour soi. Car dans les arcs-en-ciel, endroits de tous les possible, voici bien la meilleure cachette pour observer ceux qui n'ont plus le temps.
.: Tracklist :.
01. 15 Step
02. Bodysnatchers
03. Nude
04. Weird Fishes / Arpeggi
05. All I Need
06. Faust Arp
07. Reckoner
08. House of Cards
09. Jigsaw Falling Into Place
10. Videotape