Novateur dans sa musique comme dans son approche commerciale, le cas Nine Inch Nails se profile définitivement comme un électron libre au sein d’une scène Américaine qui pourra paraître en comparaison bien conformiste. Désireux de regagner une liberté artistique totale, Trent Reznor contrôle désormais son art à tous les niveaux, de la création à la distribution. A peine quelques mois après un premier coup d’éclat avec l’instrumental Ghosts I-IV, proposé sur la toile à un prix dérisoire, le musicien remet le couvert avec un album plus conventionnel. Totalement gratuit, la résultat soulève néanmoins quelques doutes, tant le délai entre ce dernier et le quasi-expérimental Year Zero s’avère minime et inhabituel.
Désormais libéré de l’influence de toutes substances addictives, Trent Reznor témoigne d’une activité débordante et d’une envie galopante de proposer de nouvelles compositions à son auditoire. Là ou les chef-d’œuvres The Downward Spriral et The Fragile avaient donc nécessités de nombreuses et douloureuses années de gestation, l’écriture de The Slip n’aura demandée que quelques mois de travail. Si le procédé s’était avéré plutôt payant sur le surprenant Year Zero, ce nouvel opus ne parvient malheureusement en rien à frôler le niveau d’excellente précédemment atteint. Les dix petits titres composant cette nouvelle livraison étonnent d’ailleurs de par leurs structures, qui ne s’inscrivent aucunement dans la continuité du travail effectué sur son prédécesseur. Moins travaillé et riche en expérimentations distordues, The Slip offre un voyage différent mais moins transcendant que les déluges d’électricités tétanisants de Year Zero, bien que quelques résidus subsistent néanmoins aux encornures (le très bon et grinçant « Head Down », marqué au fer rouge de la patte industrielle des débuts). Globalement, The Slip marquera même un petit retour en arrière, tant le disque ne manque pas de tisser des liens avec le controversé With Teeth et ses guitares parfois bien paisibles. Au même titre, les compositions paraissent parfois relativement plates et sans saveur, Nine Inch Nails ayant adoptés des ossatures traditionnelles et sans surprises, privilégiant l’aspect purement « chanson » et groovy aux pertes de contrôles visant à laisser s’exprimer toute la hargne des instruments (le très catchy « Discipline », « Echoplex »). The Slip se pare donc d’un habillage moins chaotique et futuriste, forcément plus lisse, bien que ce nouvel opus ne s’avère néanmoins pas comparable à un véritable naufrage.
Car aussi « accessible » soit-il, The Slip propose néanmoins des chansons de qualité. Au delà du format simple, chaque morceau se montre percutant et fortement entraînant, voire même et à l’instar de With Teeth parfois quasi-dansant (« 1,000,000 »). Aux méandres tortueux du passé, Nine Inch Nails préfère avec The Slip miser sur l’efficacité d’un électro-rock léché, et si le résultat déroute presque de premier abord il se montre cependant nettement supérieur à une majorité de productions actuelles. Les dernières plages de The Slip muent même dans une toute autre direction, se rattachant presque au fantastique The Fragile en amenant de nouveau une ambiance propre à Nine Inch Nails. Etouffants, dépressifs, mélancoliques et pourtant terriblement accrocheurs, les quatre derniers morceaux ont tôt fait d’entraîner leurs proies dans l’univers torturé de Trent Reznor, en particulier lorsque ce dernier s’essaye aux longues plages éthérées (le fantastique « The Four Of Us Are Dying » teinté d’éléments électroniques glaciaux, l’instrumental « Corona Radiata »). Reznor n’a rien perdu de son incroyable don à émouvoir, notamment à travers l’exploitation de son chant limpide et suave, une nouvelle fois incroyablement soigné (la superbe ballade au piano « Lights In The Sky »). La version physique de l’objet proposera enfin un DVD, atout non négligeable puisque ce dernier permet le visionnage de versions lives de cinq des dix morceaux de The Slip. Des conditions de direct qui conviennent à merveille à des compositions aux accents définitivement calibrées pour les planches (« Discipline », définitivement le tube de The Slip) le line-up récemment remanié du groupe opérant de plus une interprétation sans accrocs. L’intégration d’une composante plus mélancolique aurait certes été bienvenue, mais ce supplément vidéo emplit à merveille sa simple fonction de bonus.
Au plaisir de retrouver Nine Inch Nails s’oppose donc un album plus moyen que d’ordinaire. Ce qui dans le langage du groupe pourrait cependant se décrire comme un bon album, bien que quelques titres supplémentaires n’auraient pas été superflus. Sans doute livré trop rapidement, The Slip aurait probablement gagné en consistance à être plus finement travaillé, mais l’attitude de Nine Inch Nails vis à vis de son public ne pourra cependant qu’être applaudie. Les allergiques aux formats numériques prendront de plus plaisir à découvrir une édition physique impeccable, aussi bien dans son emballage qu’en ce qui concerne la vidéo.
.: Tracklist :.
01. 999,999
02. 1,000,000
03. Letting You
04. Discipline
05. Echoplex
06. Head Down
07. Lights In The Sky
08. Corona Radiata
09. The Four Of Us Are Dying
10. Demon Seed