La musique folk se porte-t-elle vraiment bien en France ? Le genre est en vogue depuis deux ans et l'émergence de la scène Clermontoise, avec plus ou moins de réussite. Mais y a-t-il de la place pour des groupes qui osent un peu plus ? Ils existent en tout cas, avec les quelques cas Orouni, Toy Fight, Odran Trümmel. Dans leur sillage, d'autres groupes suivent et concrétisent leurs envies de jongler avec les codes esthétiques. Parmi ces groupes, on retrouve Eliote & The Ritournelles, dont le premier album vient de paraître.
Pour ce projet, né il y a trois ans, la composition à l'écrit n'est pourtant pas si prometteuse : trois musiciens, trois guitares, trois voix. On ne peut plus classique. Mais la liste des instruments complémentaires intrigue déjà un peu plus par sa longueur. On y retrouve, pêle-mêle, un xylophone, un piano-jouet, d'autres jouets, un tambourin, une trompette… Mais une liste reste une liste. Elle peut signifier tout et son contraire : folk fanfare ou folk aux multiples arrangements ?
L'album s'évertue finalement à rester sur un registre de ballade, relativement épuré et à peine perturbé par quelques morceaux plus rythmés. Ce fil résiste aux quelques temps faibles, et une fois le CD enclenché, il est rare de ne pas aller jusqu'au bout. La maturité du groupe pour composer son album et en faire un tout logique est assez forte. D'autant que chaque morceau offre un petit univers, très légèrement décalé par rapport aux précédents. On se surprend à voir défiler quantité d'influences possibles et imaginables. Parfois, on navigue dans un moment de pure délicatesse, presque atmosphérique, porté par le xylophone et la réverbération de la guitare électrique (« Honey Comb »). L'instant qui suit, on file dans du blues américain bien plus classique. Par ces variations, EliotE réussit au moins à charmer suffisamment l'auditeur pour le convaincre de rester jusqu'au dénouement sans le lasser.
Le chant joue également un rôle majeur dans la composition. Si EliotE s'en charge pour une très majeure partie et que ses deux compères apportent leur soutien avec parcimonie, ces derniers s'offrent le luxe d'être le chant principal de « Crayon ». Or, « Crayon » est sans conteste le passage le plus évident de l'album, à la fois si simple dans sa structure et si enthousiasmant. Mais la palme du charme revient particulièrement au chant d'EliotE Sa voix s'impose d'entrée avec majesté, à la façon de Mina Tindle, et fait passer un petit zeste de montée dans les aigus pour perturber l'oreille, sans devenir désagréable. Au contraire, après y avoir pris goût, le plaisir d'entendre EliotE devient presque addictif.
Subtil, voici le mot qui décrit idéalement le moment offert par EliotE & The Ritournelles. Cet album est charmant au premier abord, intriguant sur les détours, comme si un léger déraillement s'opérait dans ces quelques ballades. La subtilité, c'est l'invention. C'est ce qui rend chaque morceau différent des autres, en jouant sur des détails, en changeant d'instruments aussi souvent que nécessaire. EliotE & The Ritournelles est quoiqu'il en soit l'une des meilleurs surprises de l'année.
.: Tracklist :.
01. Can Be Fine
02. Crayon
03. Olof
04. Plastic Pastries
05. Interlude
06. Water Bed Song
07. No News
08. Honey Comb
09. Dead Man Song
10. Groenland