Malgré une approche du son metal résolument novatrice, un premier disque d'une qualité remarquable ainsi qu'une bonne liste de premières parties assurées au cours de l'année 1995, les membres de Korn sont encore bien loin d'imaginer lors de leur retour chez Ross Robinson pour leur second opus l'engouement qu'ils vont susciter à peine quelques mois plus tard. Car si Korn posait les bases d'une véritable révolution sonore, Life Is Peachy restera pour sa part l'album de la consécration pour le quintet californien.
Si l'opus éponyme se présentait comme un véritable condensé de rage et de sentiments sombres, en partie grâce à l'incroyable performance d'un Jonathan Davis vivant ses textes comme un véritable exécutoire, Life Is Peachy se place dans sa directe continuité, tout en radicalisant encore d'avantage le message de Korn. Les constructions instrumentales se calquent sur les mêmes schémas, efficaces et d'une relative facilité d'accès, optant une nouvelle fois pour un sous-accordage pesant des guitares accompagnées de lignes de basses sur-mixées et groovy. Le groupe accouche d'une bonne poignée de compositions qui se seraient intégrées à son essai précédent sans en bousculer la cohésion (« Chi », hommage au bassiste des Deftones, le futur hymne « A.D.I.D.A.S. » ou encore le rebondissant « Good God »), mais témoigne par ailleurs d'une exploration sonore plus poussée. Les guitares sonnent de façon plus distordues, Munky et Head plaquant quelques plans parfois étranges et inattendus avant de repartir sur un riff plombé, accentuant la dimension glauque et malsaine de leur musique en évitant d'en saturer absolument tous les recoins (l'incroyable « Mr. Rogers », ou les sept-cordes s'effacent au cours des couplets au profit de la basse, les dissonances présentées par « K@#*%! », « No Place To Hide » ou encore l'interlude « Porno Creep »). A peine dix-huit mois auront été nécessaires à l'élaboration de ce second opus, une envie urgente de retourner en studio qui s'explique parfaitement à l'écoute de ces quatorze compositions, tant l'on ressent le besoin pour Korn d'évacuer un mal-être trop longtemps contenu.
Car à l'image de l'artwork résolument sombre ainsi que du titre volontairement contradictoire et ironique (la vie est chouette), les morceaux posés sur bandes par Korn se veulent emplis de désillusions, d'une noirceur absolue et d'une hargne violement expulsée du cœur de Jonathan Davis, encore plus torturé que sur l'opus précédent et poussé dans ses derniers retranchements par le producteur Ross Robinson. Les frustrations (« A.D.I.D.A.S. » et ses paroles perverses en est le manifeste le plus équivoque) et la haine ressenties par le frontman donnent lieu à quelques perles d'une incroyable intensité, celui-ci s'époumonant sans ménagement et ne s'établissant absolument aucune limite dans son propos (« K@#*%! », l'utilisation des borborygmes sur « Twist »). A l'image d'un « Daddy », la douloureuse plage de conclusion « Kill You » se veut bouleversante, aussi bien pour son protagoniste vocal, qui y expose sa fascination sexuelle pour sa belle-mère sadique, que pour l'auditeur qui pénètre dans une intimité intégralement dévoilée. Ni la déclaration d'amour au mouvement hip-hop déclarée sur la reprise d'Ice Cube « Wicked » (exécutée en compagnie de Chino Moreno, leader des Deftones) ni le court interlude de cornemuse « Lowrider » (chanté par Head) ne feront retomber la tension un seul instant, tant celle-ci reste perceptible dans le timbre vocal si particulier de Davis.
A ce jour, Life Is Peachy reste peut-être le témoignage le plus viscéral de Korn, voire du mouvement néo-metal en général. Beaucoup s'engouffreront dans la brèche ouverte par le quintet de Bakersfield, peu arriveront à atteindre la même intensité. Korn est désormais lancé, rien ne pourra plus arrêter son ascension.
.: Tracklist :.
01. Twist
02. Chi
03. Lost
04. Swallow
05. Porno Creep
06. Good God
07. Mr. Rogers
08. K@#*%
09. No Place To Hide
10. Wicked
11. A.D.I.D.A.S
12. Low Rider
13. Ass Itch
14. Kill You