Malgré dix années de loyaux services au sein de Fear Factory et une certaine reconnaissance dans le milieu du metal américain, Dino Cazares semble cultiver depuis quelques mois des rapports humains difficiles avec certains collaborateurs. Entre une reformation partielle de l’usine avortée par d’anciens membres évincés et le départ précipité de Tommy Vext, frontman de Divine Heresy, les projets de l’imposant guitariste semblaient condamnés à une mise en veille prolongée. En l’espace de quelques mois, Divine Heresy trouve pourtant un successeur en la personne de Travis Neal, et compose un second opus synonyme de changement.
Bien qu’efficace et accrocheur, le premier album éponyme de Divine Heresy ne parvenait à aucun moment à se détacher des premières années de Cazares au sein de Fear Factory. Riffs similaires, vocaux caméléons et refrains consensuels, le disque s’avérait certes prometteur, mais nullement novateur ni véritablement digne du talent de composition dont Cazares avait su faire preuve au sein de son ancienne formation. Avec Bringer Of Plagues, le groupe profite de son remaniement d’effectif pour adopter une orientation musicale nouvelle, et parvient enfin à se doter d’une identité propre, bien que les réminiscences du passé ne soient jamais très éloignées (le refrain de l’excellent « Anarchaos »). Plus vive, brutale et acérée au possible, la composition de Divine Heresy s’aventure vers des terrains plus extrêmes, la formation ayant totalement abandonnée les quelques résidus industriels qui émergeaient de ci et là sur son premier effort. Bringer Of Plagues lorgne de ce fait vers une dimension death plus marquée et appuyée par un tempo général nettement plus soutenu (« Monolithic Doomsday Device »), proche dans la forme du méconnu Concrete de Fear Factory. Cazares semble avoir adapté son écriture au formidable potentiel du batteur Tim Yeung (Vital Remains), qui explose littéralement les cloisons instaurée par des morceaux trop calibrés sur l’éponyme pour livrer une prestation tonitruante. Double-pédale omniprésente, breaks et blasts ravageurs, le musicien apporte un formidable dynamisme à ce second effort ainsi qu’un soutien rythmique propice à une débauche de saturation viscérale (« Letter To Mother », « Redefine »). Parfois proche d’une boite à rythme évoquant les plus violents soubresauts des robots du techno-death (The Berzerker en tête de liste), le cogneur sait pourtant varier les plaisirs et taire ses envies de chaos à l’occasions de quelques rares bouffées d’air frais.
Epaulé par la puissance de feu ininterrompue de Yeung, les parties de guitares muent en toute logique vers des horizons impitoyables de violence, Dino Cazares se fendant de riffs martelés et aiguisés comme des lames de rasoirs (l’excellent « Anarchaos », quasi-grindesque aux encornures). Un revirement presque inespéré et évocateur d’une écriture plus démocratique que sur le premier opus, que Cazares avait bâti selon ses propres directives. Echappé de Nile, Joe Payne décharge d’ailleurs le principal investigateur de Divine Heresy des parties de basse. Ce dernier parvient ainsi à leur apporter une plus grande consistance en se démarquant d’avantage des principales lignes mélodiques, bien que la tornade bouillonnante n’emporte souvent toute possibilité de dissocier les éléments. Si Bringer Of Plagues semble enfin pousser Divine Heresy à un niveau plus intéressant que son album éponyme, les efforts du groupe sont malheureusement mis à mal par un chant extrêmement moyen. Là où Tommy Vext se laissait piéger dans des refrains convenus, son successeur Travis Neal pose sur bandes un chant clair à la limite de l’acceptable. Inadapté et en rupture totale avec un registre death pourtant maitrisé, le frontman cherche à singer le talent de Vext en matière d’échappées mélodiques et se perd dans des tirades vocales bancales, inutiles et à la justesse contestable (l’horripilant « Redefine », « The Battle Of J. Casey »). Cerise sur le gâteau, le groupe se vautre intégralement en fin de course dans la ballade de circonstance (« Darkness Embedded »), plage ridicule et clairement incompréhensible face au durcissement de ton souhaité par le quatuor. Une succession de clichés clairement nuisibles à la cohérence dont aurait pu témoigner Bringer Of Plagues.
Mi-figue mi-raisin, Bringer Of Plagues présente quelques excellentes pièces ainsi qu’un potentiel certain. Divine Heresy s’est cependant enfermé dans un schéma à base de couplets hurlés / refrains clairs imposé par son ancien line-up, formule qui ne convient aujourd’hui que moyennement à un Travis Neal moins ambivalent que Tommy Vext. Dommage, tant le groupe aurait pu accoucher d’un très bon disque en assumant pleinement son côté death et en adaptant son chant en fonction.
.: Tracklist :.
01. Facebreaker
02. The Battle of J. Casey
03. Undivine Prophecies (Intro)
04. Bringer of Plagues
05. Redefine
06. Anarchaos
07. Monolithic Doomsday Devices
08. Letter to Mother
09. Enemy Kill
10. Darkness Embedded
11. The End Begins
12. Forever the Failure