Public Warning a fait sa petite révolution dans le monde du hip-hop UK. Le premier album de Lady Sovereign aura réussi le pari de hisser le grime (sous-genre injectant des influences UK Garage et dubstep à un flow typique, et ayant pris racine dans les faubourgs de south et east London) à un niveau international. Signer sur Def Jam à 20 ans, sortir son premier opus un an plus tard, et tout cela sans sacrifier quoi que ce soit sur l'autel de la célébrité, chapeau, mademoiselle. Le succès critique et commercial de la jeune artiste aura trouvé écho dans les oreilles les plus célèbres (Timbaland, Basement Jaxx, Pharell ont tous voulu produire le nouveau phénomène), mais c'est sous son propre label, Midget Records, que Louise Herman sort Jigsaw, son très attendu second album. Elle aurait voulu retranscrire dans cette galette sa non-adaptation à la sphère particulière du music-business… révoltée, Lady Sovereign ? Pas tant que ça.
Jigsaw arrive trois petites années après Public Warning, album qui était surtout composé de tracks crées par miss Sovereign indépendamment les unes des autres, pour la plupart pour des maxis et donc sans prendre en compte qu'elles atterriraient sur une même galette, ce qui se ressent sur sa cohésion. Elle a voulu remédier à ça dans Jigsaw, et elle touche au but. Dès les premières notes de « Let's be Mates », on retrouve S.O.V. telle qu'on l'avait laissée, c'est fun, c'est bouncy, mais quand même, c'est moi ou c'est club ? Oui, et pas qu'un peu, l'electro que la demoiselle affirme avoir écouté ces dernières années a eu une influence notable sur les instrus sur lesquelles elle pose son flow. Bon, en l'occurrence, ce n'est pas dérangeant du tout. Mais ça se corse un poil aux premières notes de « So Human ». La mélodie de « Close To Me » de The Cure ? Oui, et assumée, posée sur une instru electro-pop et radio-friendly à souhait, et qui a un peu du mal à passer. Ne vous méprenez pas, ça s'écoute, et même très bien, mais les amateurs du premier album sentiront leur salive passer. Pop, le crédo qui sera le fil conducteur de l'album, pour le meilleur comme pour le… moins meilleur. Si « I Got You Dancing » et son auto-tune sur la moitié des voix est assez jubilatoire, la assez moyenne « Jigsaw », quasi intégralement chantée, en laissera plus d'un perplexe (Lady Sovereign dans la chanson d'amour, vous n'en rêviez pas, mais elle l'a fait).
Qu'en est-il donc des premières influences de la MC ? Leurs contours sont grandement été lissés, mais elles sont encore présentes, de façon plus ponctuelle et effacée. « I Got The Goods » montre Louise Herman sous le jour de ses premières pérégrinations, une prod charpentée, un flow incisif et caustique, ça fait du bien, on tient la l'une de ses meilleurs compos. Dans le même registre, « Pennies » démontre que le talent de la demoiselle n'a pas changé d'un poil, ce morceau étant un mélange équilibré entre grime et break de club. Mais la constance n'est vraiment pas le maître mot de cet album, hélas. « Student Union » et ses guitares niaises échouent dans la tentative de donner une suite crédible à « Public Warning », et le côté tristounet-violons de « Guitar » ne trompe personne, c'est fadasse, point. Cependant, les textes sont toujours d'une grande constance qualitative, on retrouve une vision du monde intelligente, le même esprit critique et le même déni de féminité que l'on apprécie chez Lady Sovereign, esprit qui tranche avec la plupart des femmes officiant dans ce style.
Bon, qu'on se le dise clairement, on a un peu moins envie de reprendre le classique « Make way for the S.O.V. » du premier album après l'écoute de Jigsaw. Mais attention : Ne reniez pas votre rappeuse préférée, elle en a encore dans le bide, et la nouvelle direction qu'elle a prise recèle beaucoup de bons côtés. On a plus envie de danser, et le penchant pop de la plupart des compos tend à rendre l'ensemble plus catchy et bien appréciable. Mais cet album manque tout de même un peu de teneur, et bien qu'il soit plus homogène et cohérent en matière de son, il ne l'est pas en matière de qualité des instrumentations… Ajouté au fait que cet album totalise seulement 10 chansons pour 35 minutes de son (un peu court, mademoiselle), on reste un poil sur sa faim. Lady Sovereign signe un effort un peu fade donc, mais qui reste correct, à défaut d'atteindre le niveau de son prédécesseur.
.: Tracklist :.
01. Let's be Mates
02. So Human
03. Jigsaw
04. Bang Bang
05. I Got You Dancing
06. Pennies
07. Guitar
08. Student Union
09. Food Play
10. I Got The Goods