Relapse Records a décidément un grain. Et on ne pourra qu’en féliciter les dirigeants du label. Car en pleine pseudo-crise de l’industrie culturelle, ces derniers demeurent avant tout motivé par la qualité de la musique qu’ils distribuent. Non pas par les rouleaux-compresseurs médiatiques qui rapportent à tous les coups, mais bien par la véritable notion de départ, la vibration initiale que cet art se doit de procurer. Requiem est certes un album financièrement risqué, mais l’opus est aussi et surtout une petite perle sensitive, à mille lieux des livraisons métalliques hurlantes auxquelles nous avait habitué Relapse. Une preuve de plus de l'ouverture d'esprit du label.
Pourtant, Requiem tisse bien un lointain lien avec le milieu des musiques saturées, expliquant de ce fait son intégration au catalogue de Relapse. Son investigateur n’est nul autre que Scott Hull, musicien chez les grindeux déjantés de Pig Destroyer ainsi que chez les non moins violents Agoraphobic Nosebleed. Pourtant, les comparaisons s’arrêteront là, tant Requiem n’a rien à rapprocher aux élucubrations tétanisantes habituelles du musicien. Scott Hull présente avec cet essai sonore un tout nouveau visage, orienté vers un ambiant satiné et étrangement dénué de toute intervention de guitare électrisante. Initialement composés pour les besoins d’une production cinématographique indépendante qui ne verra jamais le jour, ces onze interludes revêtent donc logiquement un visage très cinématographique. Un long-métrage qui porterait sur les thèmes du voyage, tant cet ensemble sonore invite l’auditeur à découvrir des sphères vierges imagées, l’album se devant d’être abordé comme un tout cohérent et non comme un ensemble de compositions. S’il reste particulièrement difficile de détacher les morceaux les uns des autres, Requiem s’avère néanmoins extrêmement varié et ne sombre à aucun moment dans la monotonie. L’œuvre s’accapare d’ailleurs au fil des écoutes l’exotisme d’un Dead Can Dance, sans qu’une quelconque ligne de chant ne vienne pourtant s’immiscer sur ces terreaux lents et éthérés, se rapprochant par ailleurs à de multiples occasions du travail de Air sur The Virgin Suicides. Un score avant tout mélancolique, mais qui n’en oublie pas quelques échappées plus sombrement inspirées bien que Scott Hull ne fasse à aucun moment usage de la puissance des cuivres.
Requiem présente par moments des tonalités très éloignées, mais Scott Hull parvient à en allier les différentes saveurs au sein d’un disques à plusieurs facettes, tantôt léger et éclairé, quelques mesures plus loin radicalement sombre et inquiétant. Des tessitures électroniques virevoltantes aux connotations parfois new-waves (« Vista All’ospedale »), le musicien amorce une descente matinées de cordes graves et profondes (le dissonant et vrombissant « Morte Sul Treno »), le visage le plus ténébreux de Requiem restant malgré tout utilisé qu’avec une parcimonie toute maîtrisée. Les ambiances évoluent plus volontiers dans des contrées cotonneuses, soutenues de tirades de piano ou d’une guitare délicate et racée (le doublé « La Bocca Del Cielo » / « Conseguenze », mâtiné d’influences médiévales, « Incubi E Sogni »). On regrettera cependant que Scott Hull ne joue pas d’avantage sur la corde sensible. Les déploiements de cuivres auraient permis l’instauration d’ambiances pesantes et inquiétantes, les plages visant à cet effet (« In Paradisium ») n’ayant ici qu’un impact minime et sous-exploité. Dommage, mais difficile d’en blâmer le musicien lorsque le sujet initialement prévue au long-métrage demeure inconnu.
Séparé des images qu’il aurait en théorie été amené à illustrer, Requiem reste particulièrement difficile à aborder. Le disque trouvera néanmoins aisément son public chez les plus imaginatifs, capable d’entamer un voyage passionnant par les seules vibrations d’une musique indiscutablement positive et chaleureuse. A découvrir.
.: Tracklist :.
01. La Bocca del Cielo
02. Conseguenze
03. Vista All’ospedale
04. Il Funerale di Bonni
05. Morte sul Treno
06. E’ la Colpa Nei suoi Sogni
07. Conseguenze (alternate)
08. Shootout
09. Incubi E Sogni
10. Santificato (en Titles)
11. In Paradisum deducant te Angeli