Le Festival Tinté’art Rue propose chaque année une programmation attirante du point de vue musical mais aussi du fait que les concerts sont entièrement gratuits. En ce samedi 29 juillet 2006, un groupe rennais est à l’affiche, les Vieilles Pies. La rencontre avec Gabriel Saglio, le chanteur du groupe, se fait après leur concert pour discuter de leur premier album prometteur Utopies de Comptoir. Les photos accompagnant cette interview ont été prises lors du dernier concert des Vieilles Pies donné à Rennes le 22 septembre 2006 à l’Antipode. Ce concert a été marqué par l’apparition de plusieurs invités, dont Alee qui fait partie du groupe rennais, Alee et les nouveaux nés.
Hervé : Peux tu décrire le parcours des Vieilles Pies depuis ses débuts à aujourd’hui ?
Gabriel : Alors le début des Vieilles Pies, c’est en mars 2003. En mars 2003 j’avais envie de monter un groupe de chansons puisque j’avais envie de me mettre à chanter. Ce projet s’est fait avec deux potes du coin qui sont des gens que j’ai rencontrés grâce à la musique et qui sont devenus des potes par la suite. En fait, dans la semaine qui a suivi, on a trouvé un bassiste et un accordéoniste. Le groupe était au complet. Une semaine après s’être rencontré, d’avoir jouer ensemble, on a fait une, deux répétitions et c’est parti, premier concert. Le parcours des vieilles pies a commencé tout de suite avec les concerts, ensuite on a enregistré très tôt notre premier album. On l’a enregistré, ça faisait un an que l’on était ensemble, c’est hyper rapide pour un vrai album. On s’était dit que l’on voulait faire une maquette et puis tout d’un coup on a changé d’avis. On va tenter de faire un album, un bel album, on est allé dans un beau studio, mis pleins de sous de cotés. On a réalisé ce projet qui était un peu une folie après seulement une année d’existence. Pour l’occasion, on a invité un de mes plus grands amis qui est violoniste. Il s’appelle Khoa-Vu, il a rejoint le groupe à la suite de l’enregistrement parce qu’il a participé à quelques chansons sur l’enregistrement. L’autre étape du parcours des Vieilles Pies, c’est à la guitare et au deuxième chant de Mickael, un guitariste que l’on a remplacé à partir de septembre par Guillaume qui est à la base pianiste et qui joue également de la guitare. C’est la dernière modification depuis septembre et depuis ça n’a pas bougé. {multithumb thumb_width=375 thumb_height=500}
Hervé : L’album Utopies de Comptoirs est un album autoproduit ?
Gabriel : L’album est autoproduit et auto distribué c'est-à-dire que nous sommes allés nous-mêmes amenés nos petits Cds à la Fnac. En fait on a eu une grosse surprise avec cet album parce que on a fait un premier tirage de 1000 exemplaires. Au premier concert on a commencé par vendre 100 Cds là je me suis dis « Oh Putain ! » Et au bout d’un mois nous n’avions plus de Cds donc repressage. Les disques se vendent tranquillement et je pense que les gens sont contents de repartir avec quelque chose chez eux. C’est encore totalement autoproduit, à la Fnac on en vend donc c’est une bonne chose.
Hervé : Qui sont les Vieilles Pies ? Peux tu faire une présentation du groupe ?
Gabriel : Les Vieilles Pies, c’est donc…Je vais commencer par moi. Gabriel, c’est clarinette et chant. A la base je suis clarinettiste avec une formation classique. Depuis je me suis mis beaucoup à la musique Klezmer, musique juive de l’Europe de l’Est. Je me suis mis au chant à l’occasion du groupe il y a trois ans, j’écris également les textes et la musique. Les Vieilles Pies, c’est également Hubert qui est un vrai phénomène sur scène. C’est notre accordéoniste qui avant les Vieilles Pies donc il y a trois ans jouait que de la musette. Lancé en soirée, il peut enchaîner trente musettes à la suite, c’est incroyable. Il apporte sa touche personnelle, et avec son prénom magnifique les gens le retiennent et c’est vraiment un personnage. Les Vieilles Pies c’est aussi Khoa-Vu le violoniste qui nous a rejoint en cours de route. Khoa-Vu c’est mon plus vieil ami, mon meilleur pote donc c’était génial pour moi qu’il rejoigne le groupe. C’est un très bon violoniste classique qui est au conservatoire à Paris et qui compte être musicien d’orchestre ou professeur. Il a un gros niveau technique et il apporte énormément de rigueur dans ce groupe et en même temps de la bonne humeur par son personnage sympathique. Les Vieilles Pies, c’est Guillaume qui nous a rejoint qui est pianiste issu de la salsa, funk donc un pianiste très rythmique. Pareil, c’est un personnage sympathique, de toute façon on s’entend tous à merveille. C’est également Cédric qui est notre bassiste et contrebassiste. Il a la particularité de venir essentiellement du jazz, du funk. Il a vraiment un jeu funky pour un groupe de chanson. Dès qu’il prend la basse tout de suite c’est … je pense que tu as pu voir sur scène. Il assure une introduction tout seul, il en est ravit. C’est quelqu’un de très dynamique sur scène et dans la vie. Enfin, il y a Alban à la batterie qui est je pense le batteur le plus musical que je connaisse avec sa technique à lui. C’est la batterie vue de façon musicale.
Hervé : Comment est venue l’idée du nom des Vieilles Pies ?
Gabriel : On cherchait un nom et il s’est imposé tout de suite car c’était l’idée de la mère de notre batteur qui a eu cette magnifique idée de jeu de mots. Grâce à Internet tu vérifies s’il n'y a pas sur Google trente groupes qui s’appellent de la même façon. Personne à part nous n’y avait pensé donc on s’est dit, c’est pour nous et je crois que ça accroche un petit peu donc l’objectif est rempli.
Hervé : Quels sont les échos que vous avez reçu sur votre premier album Utopies de Comptoir ?
Gabriel : Les échos que l’on a reçus, c’est qu’il s’en dégageait une ambiance chaleureuse et ça fait vraiment chaud au cœur parce que pour moi, un cd lorsqu’on le met chez soit c’est que l’on a envie de se faire plaisir. Lorsque l’on va mettre le disque dans sa chaîne, on va se détendre. Cette ambiance chaleureuse, je crois que c’est ce qui caractérise l’album, ce n’est pas son énergie que l’on peut avoir sur scène. Ça peut être regrettable mais c’est quelque chose que l’on a fait il y a deux ans, on ne referait pas la même chose. Il y a cette chaleur et puis le coté aussi d’essai… On a ramené toute la bande de potes sur « Les Anges Gardiens », ils chantent en cœur comme seul une bande de potes peut le faire et ça c’est vraiment rigolo à faire. Voila un peu le coté sans complexe, on n’avait jamais fait de studio de toute façon donc on a tout donné.
Hervé : Pourquoi avoir choisi comme titre d’album Utopies de Comptoir ? Parce que ce n’est pas un titre d’une chanson de l’album.
Gabriel : Ce n’est pas une chanson de l’album mais c’est une phrase de la chanson « Samedi Soir ». Un moment je dis, « Pendant qu’Edith Piaf exulte, à la buvette la nuit débute. Et la bière coule à flot, allègeant les fardeaux. Des utopies de comptoirs redonnent soudain espoir ». J’aime bien ce mot parce que je trouve que cet ensemble de mots joue sur les voyelles et consonnes, il rebondit. Utopies de Comptoir et ça veut tout dire. C’est le coté chaleureux sans tomber dans l’alcoolisme de base. Utopies de Comptoirs c’est tout ce que l’on va imaginer lorsque l’on se sent bien un samedi soir. Pour nous c’est ce que ça représentait et l’on a choisi ce titre pour l’album.
Hervé : Vous faites pas mal de prestations dans les cafés concerts, est-ce un moyen de vous sentir proche du public ?
Gabriel : En fait, il y a plusieurs choses. Dans l’année, on fait très peu de cafés concerts. Dans l’année on fait beaucoup plus de festivals, car cette année on est tous étudiants excepté deux qui sont intermittents du spectacle. En fait cette année, on était sur une bonne vague avec beaucoup de propositions auxquels on n’a pas forcément pu donner suite parce que l’on était en fin d’études. Je passais mon diplôme d’éducateur spécialisé. On a pas mal de boulot. Donc du coup forcément quand tu sélectionnes les propositions, tu t’orientes vers les plus grosses propositions, donc on a fait peu de cafés concerts. En revanche pendant l’été, on est trois semaines en tournée et c’est essentiellement des cafés concerts. Ce qui est sympa effectivement parce que l’on est proche du public. C’est la meilleure école pour savoir comment capter le public parce qu’ils peuvent être là avec leurs bières à discuter entre potes et si tu veux les accrocher il faut donner de l’énergie, chose que tu n’es pas obligé de faire sur une grande scène parce que lorsque tu as du gros son de toute façon les gens vont t’écouter. C’est une bonne école parce que si tu reproduis cette accroche qui est nécessaire en café concert sur une grande scène et bien là c’est gagné.
Hervé : Justement, comment est apprécié Utopies de Comptoir sur scène ?
Gabriel : Je pense que ce n’est pas Utopies de Comptoir qui est sur scène c’est deux choses différentes. On a vu quelque chose au moment de la sortie de l’album. Tout d’un coup et c’était incroyable, on a eu des gens qui se mettaient à chanter les chansons par cœur en concert. Ça, c’est vraiment…
Hervé : C’est flatteur…
Gabriel : Ah, c’est flatteur mais surtout c’est fou ! Personnellement c’est des chansons que t’écris tranquille, chez toi posé. Voir plein de gens les chanter c’est vraiment incroyable. Du coup, c’est vraiment la grosse différence avec Utopies de Comptoir, le cd. C’est là que l’on hallucine, en concert les gens connaissent les paroles de ce cd. Et donc ils chantent avec nous et on essaye d’en jouer comme ce soir à Tinténiac parce que l’on était pas très loin de chez nous donc les gens connaissent les paroles.
Hervé : Gabriel, tu écris les textes des Vieilles Pies. D’où tires-tu l’inspiration pour écrire tes textes ?
Gabriel : Je tire l’inspiration des rencontres d’une part, parce que j’ai eu l’occasion comme beaucoup de monde de faire pas mal de rencontres et c’est quand même cela qui forge l’inspiration, d’entendre les histoires des autres. De rencontrer des gens différents, de milieux différents c’est vraiment important. Je pense que ça vient de là. Egalement d’avoir un environnement mouvant, et pas des choses rituelles, habituelles, qui reviennent toutes les semaines. Là je ressens le besoin de voir autre chose et je pense que l’on en reparlera à un autre moment dans l’interview. Mais ce besoin de renouveler les expériences vécues et c’est ce qui va se passer pour moi l’année prochaine pendant un an, donc je pense que ça va être l’occasion d’écrire pas mal de nouvelles choses.
Hervé : Sur le plan musical, tout le groupe participe à la composition ou c’est toi qui gères ce boulot ?
Gabriel : J’arrive avec les thèmes musicaux et la grille d’accord. Après, il y a une partie qui est commune. Dans l’ensemble j’arrive avec pas mal de choses et chacun apporte sa touche. J’arrive avec l’idée des thèmes et après on a tous un style de jeu différent. C’est ce que je disais tout à l’heure, l’accordéoniste faisait de la musette, notre violon il est très classique, le bassiste est funky. Donc forcément, je propose une idée mais ils vont la prendre à leur sauce et c’est de cette façon que la mayonnaise va prendre. Voilà, j’arrive avec pas mal de choses et chacun apporte sa touche. C’est plus cela qu’une écriture commune.
Hervé : Quelles sont vos influences, vos références musicales pour être tourné de belle manière vers la chanson française ? Ce que j’ai ressenti en écoutant l’album c’est que je trouve qu’il y a les influences de groupes tels que Debout sur le Zinc, Les Ogres de Barback, La Rue Kétanou…
Gabriel : Debout sur le Zinc, ce qui est intéressant avec eux c’est qu’ils ont la même formation que nous, les mêmes instruments. Mais la grosse différence avec Debout sur le Zinc, c’est qu’ils ont une culture musicale rock, qu’on n’a pas du tout. Et du coup, c’est vachement intéressant de voir ce que va faire un groupe qui a exactement les mêmes instruments que toi. Ils font des chose qui s’approchent, on fait des choses qui s’approchent d’eux mails il y a cette culture musicale rock qui nous sépare, qui nous différencie, ce qui est intéressant. Pour les Ogres de Barback, c’est un groupe que l’on aime bien à la différence que c’est un groupe de multi instrumentistes sans batterie. Ça c’est une caractéristique vraiment notable pour un groupe festif. Voilà, je ne vais pas commenter tous les groupes… La Rue Kétanou c’est vrai que l’on sent que c’est l’incontournable de la chanson. Personnellement, je ne me sens pas très proche de la Rue Kétanou parce que l’on est plus nombreux et je pense que musicalement on essaye de travailler vraiment beaucoup les parties musicales. Juste pour conclure la question, aujourd’hui il y a beaucoup de groupes de chansons, c’est quelque chose qui a le vent en poupe. C’est bien parce que les programmateurs s’y intéressent, c’est moins bien parce qu’il faut sortir son aiguille du lot. Si tu fais de la chanson pour faire de la chanson parce que ça plait, rapidement il y aura d’autres groupes dans un rayon de trente kilomètres qui feront la même chose que toi. Notre petite touche à nous, c’est que l’on a tous des influences différentes et on n’essaye pas de lutter contre ses influences. Je pense que c’est de là que vient la touche Vieilles Pies que l’on essaye d’avoir pour sortir du lot.
Hervé : En ce qui concerne l’avenir, tu as abordé le sujet tout à l’heure mais y a-t-il en projet la sortie d’un second album ?
Gabriel : La sortie d’un second album, c’est vrai que la question revient souvent. Notre album date de 2004, octobre 2004. La réponse est qu’il n’y aura pas de deuxième album dans les temps à venir puisque pour ma part, à la rentrée prochaine je pars vivre en Afrique pendant un an avec ma copine. Je pars au Bénin dans l’esprit de faire une coupure, de se ressourcer, de vivre des choses extrêmement fortes. C’est le moment de les vivre car c’est la fin de mes études. C’est vrai que l’on a beaucoup de chansons prêtent à être enregistrées. C’est certainement une grosse frustration pour mes musiciens, encore plus grosse que pour moi puisque moi c’est pour partir vivre des choses qui me font déjà vibrer à l’avance. Il n’y aura pas de sortie d’album bientôt, de toutes façons je ferai de la musique à mon retour. Est-ce que se sera les Vieilles Pies ? Est-ce que se sera avec les mêmes musiciens ? Je n’en sais rien mais ces chansons que j’ai écrites, elles seront là bien au chaud, elles auront certainement mûries. Elles seront peut être enrichies de nouvelles influences, pourquoi pas africaines mais il se passera certainement quelque chose avec ces chansons, elles ne vont pas rester comme cela. (Rires !)
Hervé : Que vont devenir les membres des Vieilles Pies pendant cette coupure ?
Gabriel : En fait, on a des musiciens qui sont membres d’autres groupes, nos deux intermittents qui sont le bassiste et notre pianiste. Ils jouent ensemble d’ailleurs dans ces deux autres groupes qui sont Tahiti Bob, un groupe de ska funk festif, c’est un groupe qui a gagné le Tremplin des Jeunes Charrues donc il a eu une bonne vague derrière lui pendant un moment. Ils sont également membres d’un groupe de salsa qui s’appelle Tumbao Nama, groupe rennais mené par un colombien qui s’appelle Juan Manuel Reyes. Pour leur part, il y a ces deux groupes qui les attendent, mes autres musiciens je pense qu’ils auront d’autres propositions dans d’autres groupes… peut être qu’ils remonteront autre chose. En tout cas, je leur souhaite bon vent, c’est une page qui va se tourner mais je pense que ça peut faire du bien.
Hervé : Mais le groupe des Vieilles Pies n’est pas mort ?
Gabriel : Le groupe des Vieilles Pies n’est pas mort mais certainement en stand-by. Là, c’est sur que pendant un an, les Vieilles Pies on ne va pas en entendre parler. Ce sera peut être pour mieux reprendre, peut être pour reprendre sous un autre nom. Je ne préfère pas me positionner à l’avance.
Merci à Gabriel Saglio, chanteur du groupe des Vieilles Pies pour avoir répondu à mes questions.