Mercredi 5 avril 2006 : c’est en fin d’après-midi que j’arrive au Batofar. Elevate Newton’s Theory finit juste ses balances pour le concert qui se déroulera quelques heures plus tard. Je suis Krystofz, chanteur du groupe, au 1er étage pour y mener une interview à quelques mètres de la Seine.{multithumb thumb_width=253 thumb_height=539}
DeLaRoche : Peux-tu me présenter le groupe, son histoire et son parcours ?
Krystofz (chant): On est né en 1998, au départ on n’était que quatre, c'est-à-dire Brice le batteur, Michael le guitariste, Christophe le bassiste et moi-même au chant. On a fait un premier concert et notre première démo K7 Hémotones sans Yann le deuxième guitariste. Il est arrivé à la sortie de celle ci, c'est-à-dire quelques mois après puisqu’on a commencé au mois d’avril 98 et au mois de septembre, on sortait la première démo. On a enquillé des concerts, la démo avait bien été reçue par le milieu punk/hardcore de l’époque. Suite à ça, on a fait un CD 6 titres qui s’appelle Aerostar toujours avec la même équipe sur le label On The Ring. Il y avait des membres de Minimum Serious, on a fait une petite tournée et on s’est bien amusés. Suite à ça, à Grenoble il y avait un lieu qui s’appelait L’Entrepôt où l’on avait joué plusieurs fois ; une personne qui s’occupait de la programmation avait créé un label, Un Dimanche, où il avait déjà sorti l’album de Melk. Il était intéressé par nous, il nous avait vu en live et avait bien aimé. Son label Un Dimanche a voulu nous aider à produire notre album, on a donc sorti Spirals en 2004, ça fait un déjà un moment. Ça a été pas mal reçu par la presse. Ensuite, on a fait pas mal de dates, Spirals s’est pas mal vendu et on a eu un souci, le batteur ne désirait plus continuer avec nous parce qu’il est venu habiter à Paris. On a un peu galéré pendant au moins un an pour être franc. Patrice de Melk nous aidait en attendant de trouver quelqu’un, puis finalement maintenant il fait partie du groupe. Il a quatre groupes dont Melk, nous, un nouveau qui s’appelle Bella et un autre dont je ne me souviens plus du nom (rires). Et l’aventure continue maintenant puisqu’on est en train de créer le nouvel album et tu entendras quatre ou cinq nouveaux titres ce soir.{multithumb thumb_width=400 thumb_height=300}
Quelles sont vos influences et vos groupes cultes ?
Si je n’en avais qu’un seul à dire, personnellement c’est Fugazi, que cela soit pour la démarche, que cela soit pour la musique aussi qui, pour moi, reste intemporelle. C’est un peu comme des groupes comme Sonic Youth qui, pour moi, quand tu écouteras ça dans 40 ans, ça sonnera pas groupe de l’époque. Il y a un album de Fugazi, Steady Diet Of Nothing, que je peux écouter chaque été, c’est bizarre mais il tient encore la route, c’est ça qui est très marrant. Sinon dans les groupes qui m’ont frappé au niveau scénique, c’est notamment At The Drive-In parce que c’était une énorme claque par rapport à ce qui se faisait. Même musicalement c’était énorme. Pour finir, il y a Mars Volta où j’adhère à 100 % à la démarche. Ça, c’est les grosses influences rock mais dans un groupe il n’y a pas que des influences musicales, il y a aussi des livres, des films.
Justement qu’est-ce qui vous influence en dehors de la musique ?
Au niveau livre, j’aime pas mal de choses proches de la science-fiction, je peux te citer plein de trucs un peu partout. C’est vrai que ce n’est pas que musical, c’est important de le savoir. Après, je peux autant écouter Dean Martin que du rock. Au niveau du groupe, il y en a qui écoutent pas mal de garage rock, il y en a d’autres qui écoutent des trucs plus électro. C’est assez varié, ce qui fait que c’est intéressant pour Elevate pour pouvoir écrire des morceaux qui ne sont pas que des simples copies de groupes de rock.
À ce que je vois, ce sont surtout des groupes anglo-saxons, est-ce que cela peut expliquer le fait que tu chantes en anglais ?
Ça l’explique à 100 %, car c’est vrai qu’en France, à part Dionysos où scéniquement je n’ai aucun reproche à faire, la langue française ne me touche pas.
Le nom Elevate Newton’s Theory a-t-il une signification particulière ? Vous êtes des fans d’astrophysique ?
C’est plus un paradoxe, du fait d’élever la théorie de Newton sur la gravité. Je pense que le paradoxe fait partie d’Elevate, même la vie est paradoxale je trouve, il y a plein de choses qui se contredisent tout le temps.
Si je qualifiais votre musique de pop-emo est-ce être proche de la vérité ou au contraire est-ce réducteur ?
Je dirais que c’est super réducteur (rires). Pour moi on ne fait pas de l’emo. Je pense qu’on fait du rock et c’est tout. Dire faire de l’emo, c’est fermer les frontières. L’emo c’est pas mal devenu un cliché et on n’est pas dans ce cliché là.
Aujourd’hui vivez-vous de votre musique ou devez-vous travailler à côté ?
On a tous un job en CDI, enfin les trois quarts. Je ne pense pas qu’on puisse vivre du rock en France surtout si tu commences à faire quelque chose d’assez spécialisé et que tu chantes en anglais.{multithumb thumb_width=400 thumb_height=300}
Vous avez sorti début 2004 Spirals, que signifie ce titre ?
On cherchait un titre et on n’en trouvait pas. C’était assez compliqué, je tenais vraiment à ce que le titre représente les textes et tout ce que je pouvais raconter dedans. Et puis, je me suis aperçu que dans pa
s mal de mes personnages il y avait cette idée de quelque chose d’où on ne pouvait pas s’en sortir, qu’il y avait une sorte de boucle incessante. Spirals est venu comme le truc qui allait bien, ça a plu à tout le monde. En plus, c’était aussi dû à un film asiatique qui s’appelle Uzumaki, ça veut dire « spirale » (en japonais ndlr). C’est un film d’horreur avec des spirales, c’est assez étrange et assez drôle. Ça vient de là aussi. Ça allait dans l’idée et c’est un peu ce qui m’a fait me dire que Spirals pourrait être bien.
Que racontes-tu dans tes textes ? Y a-t-il un message particulier ?
Spirals parle beaucoup de choses. Il y a plusieurs sens, je n’ai pas envie de dévoiler ce que pour moi ça veut dire. Dans l’idée, c’est pas mal lié à des choses que j’ai pu vivre. J’ai une maîtrise de psychologie, j’aime bien traiter un peu des pathologies mentales, il y a pas mal de paranoïa dans mes personnages et des choses comme ça notamment.
Comment se passe la composition et l’écriture des chansons ?
C’est super compliqué, je pense qu’il y a des groupes qui vont beaucoup plus vite que nous. On met beaucoup de temps entre chaque production et ça se voit. On fait beaucoup de morceaux et il y en a beaucoup que l’on balance. Chaque partie est travaillée à fond et on en fait ressortir ce qui est le plus important. Ça prend du temps, il faut que tout le monde soit d’accord, c’est la démocratie à 100 %. S’il y en avait qu’un seul qui composait ça serait magnifique, c’est souvent les mêmes personnes qui lancent les idées mais généralement c’est repris par les autres. Ce n’est pas évident de bosser et c’est super long.
Un puma, des tâches de sang, des palmiers et un perroquet : les visuels de Spirals sont assez déconcertants. Peux-tu nous éclairer ?
C’est lié aux paroles, c’est moi qui me suis occupé de l’album au niveau graphique. Beaucoup de mes paroles traitent d’animaux qui deviennent un peu des humains ou l’inverse, ce qui fait penser à Jean De La Fontaine finalement. Le puma, j’en parle dans Puma’s Revenge Part I et Part II, le perroquet, si on pouvait dévoiler un peu, c’est par rapport à la chanson Movie où je parle de pirates et de choses comme ça ; il y a des petits liens. Et puis le puma et le perroquet peuvent se rencontrer vraiment dans la jungle, c’est possible (rires). A l’intérieur, j’utilise un peu chaque personne du groupe qui ferait la mise en page en touchant aux paroles, c’est un peu l’idée d’interaction, il y a toujours cette idée d’interactivité dans mes paroles et je trouvais ça marrant de le montrer comme ça.
Est-ce toi le chef d’orchestre du groupe ? Y a-t-il un leader ?
Il n’y a pas de leader, tu vois, on n’a jamais vraiment parlé de ça comme ça. On fait chacun des choses pour le groupe. Forcément en étant à la voix, c’est peut-être moi qui me dévoile le plus, si on peut le dire comme ça. Peut-être que j’en montre plus que les autres, après je ne me dis pas leader et je ne pense pas l’être.{multithumb thumb_width=400 thumb_height=300}
Je trouve qu’il y a une grande différence entre les compos de Spirals et celles du maxi Aerostar, vous semblez avoir gagné en maîtrise et en maturité, tu me le confirmes ?
Oui oui, on a sorti Aerostar en 2001, soit trois ans avant Spirals, forcément on a mûri, je pense qu’on s’est ouverts aussi à des choses au niveau musical, ce qui était intéressant. On a voulu montrer autre chose, on ne voulait pas s’enfermer dans un style, faire du Aerostar ça ne nous intéressait pas vraiment. On a perdu, je pense, une partie du public, on en a gagné une autre partie. Tant mieux, tant pis, on s’en fout, nous on a fait ce qu’on voulait faire. Après, maintenant ce qui est intéressant, je peux te donner des éléments pour l’album qui est en cours. Ce sera le mélange des deux en fait. C'est-à-dire qu’on va garder le plus mélodique de Spirals et on va prendre le plus fou ou le plus violent d’Aerostar. Là encore on retrouve l’idée de paradoxe.
Quand devrait sortir le prochain album ?
Après nos petits problèmes d’équipe, on va essayer de le sortir d’ici la fin de l’année. Après, on ne promet rien parce que c’est clair que ça prend du temps avec nos jobs à côté.
Avez-vous déjà un titre ?
J’en ai eu un dans le train (rires) mais ça sera peut-être pas lui. En tout cas, ça sera le titre d’une chanson, ça c’est sûr. Ça sera « Cavaldecade », donc le mélange de cavalcade et de decade (décennie en anglais ndlr) mais ce n’est pas sûr que cela soit le titre de l’album, on verra. Pour l’instant, ça va vers ça et j’aime bien puisqu’en plus on ne sera pas loin de notre dixième année. Et puis l’idée de cavalcade, de quelque chose qui va un peu plus vite, ça me plaît bien.
Sortira t-il sur le label Un Dimanche ?
Oui, il devrait certainement sortir sur Un Dimanche.
Vous êtes issus de la scène grenobloise, d’autres groupes tel Rhesus en sont également originaires, quels rapports entretenez vous avec eux ?
Ils sont pas mal sur Paris il me semble, le batteur est monté en tout cas, le reste je ne sais pas trop. Notre ancien batteur s’entendait bien avec le batteur de Rhesus. Nous, on les a un peu perdu de vue enfin de mon côté, les autres je ne sais pas trop. On a des bribes de nouvelles, je croise Laura, la bassiste, de temps en temps mais c’est rare.{multithumb thumb_width=383 thumb_height=300}
La scène grenobloise est une scène active ?
Ouais, c’est super actif, c’est ça qui est marrant, c’est qu’on n’a pas de salles de concert qui puissent contenir entre 500-1000 personnes. Depuis que L’Entrepôt a fermé, qui était une salle de 500 personnes à peu près, il n’y a plus rien. En fait, on galère pour faire des dates, il y a quelques endroits comme Le Larsen, c’est un bar, mais c&rs
quo;est pas génial génial niveau acoustique. Et pourtant mine de rien, il y a quand même beaucoup de groupes que cela soit rock, reggae parce qu’au départ c’est bien connu pour le reggae Grenoble, et maintenant il y a des trucs pas mal rock. Il y a pas mal de choses un peu tous azimuts, ça a toujours été une ville qui bougeait de ce côté-là. Alors est-ce que c’est dû au fait qu’il y a beaucoup d’étudiants ? Peut-être. Mais c’est vrai que ça bouge pas mal et le problème c’est qu’il n’y a pas de salles pour aider tout ça. Mais j’espère que cela va se faire un de ces quatre.
J’ai découvert ENT sur un sampler de Rocksound avec le titre Movie, comment êtes vous parvenus à l’y faire figurer ?
C’est par rapport au label Un Dimanche qui avait des contacts avec le magazine et nous en a donc fait profiter. On avait déjà fait un truc avec Rocksound, il y avait une chanson d’Aerostar à l’époque. J’ai le souvenir parce qu’on avait rencontré Olivier Portnoi notamment qui fait partie des Dead Pop Club et qui est rédacteur du magazine.
J’ai à plusieurs reprises vu dans les médias certaines personnes porter un t-shirt ENT, notamment dans l’émission Les Colocataires, comment l’expliques-tu ?
Il y a un truc assez bizarre par rapport à ce t-shirt, il a une histoire tout seul. Ce n’est même pas lié au groupe. La première histoire, c’est par rapport aux Colocataires que nous adorons, enfin je rigole (rires). Le fait est que je crois que c’est le DJ qui était dans un magasin… enfin c’est compliqué, Brice, notre ancien batteur, fait des vêtements qui sont vendus dans un magasin à Paris. Il y avait un DJ (dans le magasin NDLR) qui devait faire Les Colocataires, il allait au casting et on lui avait filé un t-shirt comme ça. Il avait demandé s’il pouvait le filé pendant Les Colocataires, on avait fait « ouais, pourquoi pas » et il l’a filé au mec qui l’a gardé jusqu’au bout. Il a gagné l’émission je crois. M6 a laissé passé le truc parce qu’ils n’ont pas compris que c’était un groupe. Ils ont dû chercher si c’était une marque, ils ont vu que non et n’ont pas mis de scotch dessus et le truc est passé tout le long. Je crois qu’on devait être le premier t-shirt de groupe à passer dans une émission de merde de télé réalité pourrie. Certains l’ont mal pris, ça en a fait sourire d’autres, pour nous c’est plus anecdotique et surtout drôle. Pour l’histoire de la pub, c’est un mec qui aime bien Elevate qui a fait un casting sur Paris pour une pub pour un truc de téléphone. Je ne sais plus lequel c’est, on ne citera pas, comme ça on ne fait pas de pub. Les mecs du casting ont dû trouver son t-shirt cool, ils lui ont dit de revenir avec la prochaine fois et ont filmé avec ça. Après on a eu un appel du mec qui faisait la pub, et il nous a dit « je vous enlève le truc si vous ne voulez pas ». C’était juste pour savoir si on pouvait le mettre. On a dit qu’on s’en foutait et que c’était plus drôle qu’autre chose. On a laissé passer le truc et puis finalement c’est passé un peu partout au ciné et tout ça. C’est encore un truc drôle, j’espère que le t-shirt aura encore son histoire. Il vit tout seul, c’est bien, ça n’a rien à voir avec le groupe mais c’est marrant.
Vous commencez à avoir des fans, dont je fais partie, ne craignez-vous pas qu’un jour à force de vous imiter ils finissent par devenir des clones ?
Ça pourrait faire une excellente nouvelle parole de chanson. Il faudrait qu’ils fassent de la chirurgie esthétique pour nous ressembler (rires). Tu veux dire plutôt au niveau look ? Nous, on n’a pas un look particulier, c’est le truc sur lequel on ne s’attarde pas. Après, je n’ai jamais été trop dans les mouvements de fans, il y a fan dans le bon terme, si ce sont de personnes qui apprécient la musique, je suppose que c’est ton cas, ben tant mieux. L’important c’est la musique, le reste on s’en fout, c’est éphémère, la musique c’est ce qui restera à la sortie.{multithumb thumb_width=400 thumb_height=300}
Quelle est ton opinion sur le téléchargement peer to peer ?
C’est vrai que c’est assez compliqué comme histoire, les personnes qui vont télécharger du Elevate, je ne sais pas s’il y en a beaucoup, je ne pense pas vraiment. Vu qu’on est dans un milieu plutôt underground, les gens quand ils aiment achètent plutôt les albums. S’ils veulent télécharger du Elevate, eh bien qu’ils en téléchargent, de toute façon je ne vois pas comment on pourrait arrêter ça. Pour ce qui est du téléchargement en particulier, moi ça ne me dérange pas forcément. Après, je suis un collectionneur de CD donc j’aime bien avoir le CD, l’objet, c’est pour ça aussi que je m'attarde pas mal sur le graphisme de nos pochettes. Généralement, si je télécharge ou si on me file des mp3 de tel ou tel groupe, je n’écoute pas vraiment autant que si j’avais acheté. Je trouve qu’il y a un côté c’est gratuit, donc en fait tu ne prêtes pas assez attention à ce que tu écoutes. Après je ne condamne pas ça, de toute façon à mon avis ça se fera toujours. Ca peut être une excellente manière de découvrir des nouveaux groupes. Il faut vivre avec mais nous de toute façon, vu qu’on ne vit pas de la musique, on s’en fout un peu et même si on en vivait on gagnerait déjà peut-être pas mal et ce n’est pas en perdant quelques dollars… Pour moi, je pense que les gens s'ils apprécient un album qu'ils ont téléchargé, ils l'achèteront ensuite ! Pour résumer, je ne suis pas contre le téléchargement.
Y a-t-il une question que tu n’aimerais pas que je te pose ?
Celle là justement ! Le fait de me demander ça. Faudrait que je te dise quelle question mais je n’en sais rien en fait. Je n’ai pas d’idée là.
Votre prochaine tournée ?
On attend de sortir l’album. Ça commence à bien avancer et on va voir. Ce sera à mon avis pas avant janvier/février de l’année prochaine.{multithumb thumb_width=400 thumb_height=300}
Merci à Krystofz pour avoir bien voulu répondre à mes innombrables questions !