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Rencontre avec 232K

232 K est un duo Rap Paris-Normandie qui a lâché leur premier album sur les Internets , « Polaroïd »,  le 7 décembre dernier. Souvent festif, parfois mélancolique, mais une galette qui se mange sans faim. c’est sans prise de tête que les deux potes se marrent à raconter leurs petites histoires sur des flows bien calés. Rencontre détendue.

Et si on commençait par une classique et inattendue petite présentation ?

Martin : Yes ! Boigy Boig ou Boig.
Antho : Anhto, alias Woody. Ce sont des pseudos qu’on a depuis un bout de temps, surtout toi Martin !
Martin : Moi c’est un bout de mon nom de famille…
Antho : Voilà. Moi c’est parti d’une fois avec un pote on se cherchait des blases sur Internet, et vu qu’il est petit et que j’suis plus grand, on s’est donné les blases de Antho et Buzz. Ça sonne fun, ça passe bien ! Normalement on te donne un blase, mais nous on se l’est donné nous-mêmes.
Martin : Ouais c’est exactement comme dans le film avec Orelsan, les mecs se rencontrent et y’en a un qui demande comment l’autre s’appelle, il répond « Guillaume Tranchant ». L’autre dit « Nan, nan maintenant c’est Gringe, tu peux pas t’appeler Guillaume Tranchant quand t’es un rappeur, mec ! ».

C’est un mec que t’aimes bien, Orelsan ?

Martin : Ouais, j’ai écouté comme tout le monde, et j’aime bien ce qu’il fait. Après c’est sûr j’écoute pas que lui, mais je m’en défends pas.
Antho : Tu vois Orelsan, c’est un mec qui renvoie une image commerciale, du coup ça se dit pas que tu l’écoutes, faut plus l’écouter quand t’es un rappeur. Alors que le mec, ce qu’il fait c’est cool. Pour te situer, y’a plein de gens qui nous disent « J’aime pas le rap, mais vous j’aime bien. Vous avez pas des têtes de rappeurs. » Orelsan c’est pareil, d’emblée il a pas une tête de racaille tu vois, juste un mec normal. C’est cool, ça fait tomber un cliché qui permet d’ouvrir en quelques sortes les portes du rap aux mecs qui n’en écoutent pas, ou qui n’en écoutaient pas.
Martin : Ouais. Avant le rap moi je connaissais que le rap US, qui était cool parce que j’étais jeune et je comprenais pas les paroles. Et quand le rap français est arrivé, c’est pas si jeune mais quand même, tu vois des mecs qui racontent « ouais j’ai des guns, des putes et de la drogue » et ça m’intéressait pas du tout en vrai. Je trouvais ça pourri. Nous on a pas flingues (rires) ! Pour revenir sur le sujet, Orelsan lui il est arrivé en mode il parle de sa vie de tous les jours, ses cuites dans les bars, quand il se fait larguer par une meuf… Des thèmes banals mais originaux quelque part, déjà parce que personne ne faisait vraiment ça. En plus il a une bonne écriture, des bonnes punchlines, et ça m’a réconcilié avec le genre quoi.
Antho : Y’a pas mal de story-telling dans ses morceaux, c’est plus accessible qu’un enchaînement de phrases choc.

C’est quelque chose d’émergent ça, raconter des tranches de vie dans ses textes ?

Antho : Ouais un peu. Enfin avant y’avait une scène assez fouillée de ce qu’on appelait le rap alternatif, souvent menée par des mecs comme Fuzati, le Klub des Loosers, TTC, pour citer les plus connus. Tous ces trucs-là avaient un truc de nouveau, ils mélangeaient le rap à l’électro et ils parlaient de soirées, des relations avec les meufs, etc. Les Svinkels c’était ça aussi. Et cette génération-là s’est un peu cassée la gueule. Si tu veux mieux comprendre y’a un super documentaire qui s’appelle « Un jour peut-être », tu peux le trouver sur Youtube. Bref tu verras. Du coup Orelsan a redonné un souffle à cette génération-là. Et c’est de plus en plus accessible à produire soi-même. Pas besoin d’instrus, d’amplis, de batteries ou de guitares. Bref des mecs qui racontent leur vie, leur vraie, en tout cas pas une fausse, ça plait. C’est aussi un nouveau public, comme nous. On a pas connu la cité avec tout que ça peut impliquer, on est des mecs issus de classe moyenne, on a fait des études, du coup ça parle à d’autres mecs comme nous quoi. Même qu’à la base, nous on écoutait du rock, du metal, du punk, donc rien à voir finalement.
Y’a une autre anecdote. Tout aurait commencé un soir où moi je me suis fait larguer par une meuf, et je suis allé me consoler chez Martin, dans sa cave où on faisait nos répet’ de gratt. Ce soir là on a écouté le tout premier album de 1995, on l’a écouté à fond et on s’est dit « allez vas-y on prend chacun une feuille, on se prend une instru et dans dix minutes on rappe un truc chacun ».

Parlons un peu de 232K. Quel chemin depuis votre premier EP « Bande à part » ?

232KMartin : « Bande à part », c’est surtout un regroupement d’impros qu’on s’est envoyées par textos (rires) ! Mais c’est vrai, d’ailleurs le premier morceau s’appelle « SMS », parce qu’on écrivait et on s’écrivait comme ça. 232K ça veut dire 232 kilomètres, c’est la distance qui nous sépare aujourd’hui puisque maintenant moi je vis à Paris. Pour Polaroïd, c’est complètement différent. On a vraiment écrit nos textes autour de thèmes bien précis, s’entendre tous les deux sur ce qu’on veut en matière de prod, de tempo, vraiment bosser à deux et pondre des trucs cohérents. C’est un truc beaucoup plus construit et travaillé. On s’est ouvert à d’autres rappeurs pour trouver de l’inspiration sur les flows, le rythme, y’a plein de nouvelles choses.
Antho : C’est comme si avec « Bande à part », on avait ouvert une porte sur une salle qui a plein d’autres portes.
Martin : Merci Jean-Michel Métaphore !
Antho : N’empêche c’est vrai (rires), on a fait des trucs vraiment nouveaux pour nous. On s’est essayé à pas mal de choses différentes, ça donne de la richesse à cet album. Surtout des nouvelles approches aussi. Par exemple, dans « Les beautés qui s’ignorent », on fait pas comme on peut trouver dans tous les styles de musiques, que ce soit du rock, de la pop tout ce que tu veux. On parle des nanas qui s’ignorent dans leur beauté, qui ne savent pas qu’elles sont belles. D’ailleurs quand on a écrit nos textes et qu’on se les est envoyés après, on a vu qu’on se répondait pas mal finalement, même dans la différence de nos styles.

Putain, c’est beau.

Antho : On est presque un couple avec Martin ! (rires)

Vous avez des différences quand même entre vous ?

Antho : Ouais, Martin est clairement beaucoup plus positif que moi. Y’a qu’à écouter le morceau « l’heure tourne », qui reflète totalement nos différentes façons d’écrire. On parle du temps qui passe, Martin aborde ce thème avec beaucoup de légèreté, et moi de façon assez dépressive. On a creusé un peu nos personnages d’ailleurs dans cet album. Le fait qu’on raconte nos vies, c’est un peu s’exposer tu vois, on raconte quand même des trucs intimes.
Martin : Moi je joue pas forcément un personnage, je rappe et je raconte qui je suis au fond. Y’a pas vraiment de frontière entre mon rap et moi.
Antho : Alors que moi, comme plein d’autres, je mets un peu en scène une sorte d’alter-égo, parce que je peux pas non plus me dévoiler entièrement, je préfère qu’on se pose la question de savoir si c’est moi ou mon personnage qui parle à certains moments. J’ai pas envie que ma nana ou ma famille me posent des questions tu vois.

Comment vous travaillez ?

Antho : comme tout le monde, je crois. Quand je marche dans la rue, quand je suis avec des potes, y’a des trucs qui me viennent à l’esprit, et je les note. Mon téléphone est rempli de textes comme ça, des sortes de brouillons, de post-it. Ensuite quand je suis posé, je les reprends, je vois ce que je peux en faire, je modifie, j’enlève, je rajoute, etc. Y’a probablement pas une seule journée où on s’écrit pas avec Martin, où on s’envoie nos trucs, nos idées, nos textes.
Martin : Je rajouterai quand même que par rapport à toi Antho, je reste plus de temps à perfectionner mes textes, quitte à mettre deux heures à fignoler une seule phrase, à attendre assis à fumer des clopes jusqu’à ce que je sois content de mon boulot. Je m’enferme plus facilement, quitte à pas me rendre compte qu’il fait déjà noir ou que j’ai oublié de bouffer.
Antho : Ça c’est surement à cause de ton parcours scolaire, t’as pris des cours, t’as fait une fac de musicologie… Moi je l’ai toujours fait de façon plus instinctive. Ça se voit dans nos textes, parfois je dis des trucs qui riment même pas vraiment, mais entrainés dans le flow ça passe (rires) !

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C’est quoi la suite pour vous là du coup ?

Martin : On va essayer de faire des concerts ! le truc c’est que Damien, notre producteur va pas pouvoir s’investir dans des concerts, il a aussi son métier et ses autres projets. En fait on avait pas vraiment de DJ. Mais on a un copain, Antoine, qui était en étude de musico avec moi à Rennes et il va remonter du sud pour bosser avec nous. Il était déjà venu pour un concert au festival Cubi de Rosé en Normandie. Il a bien fait le taff alors qu’on l’avait vraiment pris au dépourvu ! Du coup on recommence.
Antho : Pour l’instant on peut pas donner de dates, on était trop occupé. Martin a son job à côté, moi j’avais du temps avant parce que j’étais au chômage. Mais déjà, le fait de tout faire de A à Z dans l’album, la promo, la prod, la compo etc., ça m’a pris tout mon temps. Donc on pouvait pas organiser notre tournée pendant ce temps-là. Y’a au moins quelques petits concerts qui vont se faire à Caen, mais on aimerait bien préparer l’été aussi, faire quelques petits festivals. Martin étant prof, et moi ayant repris des études, on a tous les deux de grandes vacances. On va pouvoir y aller à fond.

Martin : moi je profite beaucoup d’être sur Paris pour faire des open-mic. Petit-à-petit, je me fais un réseau. J’essaye de me montrer un peu plus. Ça me fait marrer d’arriver avec ma tronche de pas rappeur, les gens croient que j’suis un mec de passage qui vient et qui regarde, souvent ils s’attendent pas du tout à ce que je monte sur scène et que je rappe.
Antho : ça m’énerve ça, les gens qui disent qu’on a pas une gueule de rappeur.

Y’a des codes dans le rap à ce niveau-là ?

Antho : Ouais. Je sais pas si c’est à cause des gens ou si c’est le rap qui veut ça, j’espère pas ça m’énerverait encore plus. C’est comme les gens qui disent « j’aime pas le rap, mais vous j’aime bien ». Les gens s’attendent à voir certains codes/clichés avant le reste. Ils cherchent pas à se renseigner plus que ça finalement. En France, c’est le style N°1, et on continue à la TV avec ces conneries-là. Genre Nekfeu, le mec arrive à la TV et les journalistes à deux balles se ramènent et disent « bah vous faites du rap et vous lisez des livres ? C’est pas banal ça » ou alors « vous êtes pas en jogging ? ça change c’est bien ».

Comme le metal, on s’attend forcément à ce qu’un métaleux ait les cheveux longs (s’il a des cheveux), des habits noirs et une grosse barbe. On me dit souvent ça : « t’as pas l’air satanique »… C’est très couillon.

Antho : exactement ! comme l’autre débile de je ne sais plus quelle commune en Loire-Atlantique qui dit ne pas cautionner le Hellfest parce que c’est de l’incitation à la violence etc. Mais les mecs là-bas c’est juste des bisounours. C’est comme les gars de FFCrew aussi, on les a rencontrés, les mecs c’est des gars qui sont allés étudier à la Sorbonne en philo ou autres. Enfin y’a une esthétique dans le rap qui fait partie du truc. Mais moi voilà, les jogging/basket c’est pas vraiment mon truc. Pour le reste, c’est des guerres de chapelle. Bah comme le metal, les mecs disent « toi t’es plutôt heavy, moi j’suis prog, lui il est death, machin il écoute du hardcore… », dans le rap c’est pareil. En ce moment c’est la trap, qui vient des US. Y’en a qui vont dire que trap et rap, c’est même plus la même discipline.
Martin : Pour faire simple, le rap on va dire que c’est généralement du 90 bpm. Le hip hop par exemple, tout ce qui prend ses origines dans la musique funk. Bref, la trap, c’est un temp nettement plus bas, genre 60-70. C’est beaucoup plus lent, c’est avec des gros sons très lourds, des sub graves, avec au-dessus des petites mélodies assez contrastées, entêtantes, enivrantes et parfois expressément pas tout le temps agréables.
Antho : du coup leurs mesures durent plus longtemps, mais ils disent trois fois moins de choses ! ca reste un style très jeune et ça manque encore de variété. C’est un style qui se veut violent dans l’approche et dans les textes. C’est assez fermé pour le moment, difficile de crosser avec d’autres styles, faudrait des gars qui maîtrisent hyper bien les deux pour y arriver. Bref, du coup c’est pas la même chose, mais de là à dire que c’est une discipline à part faut pas abuser. Même si c’est vrai que les rappeurs old school ne s’y essayent pas. Ça doit être pareil entre le heavy et le death chez les métaleux non ? Plus une question de génération qu’autre chose, mais tu peux pas affirmer avec des arguments valables que c’est pas de la même famille quoi, parce que ça existe pas des arguments comme ça.
Martin : après la trap ça se veut bad-ass mais y’a que ce côté-là qui est médiatisé. Ça peut être aussi hyper cool, chaleureux, positif. Faut chercher un tout petit peu et t’en trouves.
Antho : ce style est jeune et pour exister et s’affirmer, il a besoin de se démarquer, pour ça surement que les fans veulent détacher ça du rap.

Avant de se quitter, je veux savoir qui est le coupable pour « J’emmerde la pub » ?

Martin : C’est moi ! (rires).

Et t’es fier ?!

Martin : Oui, oui, très ! T’en as pensé quoi ?

C’est la track que je connais par cœur, bizarrement… C’est le petit morceau rigolo qui vient rythmer l’album, et finalement ça reflète bien une partie de l’album, cette capacité à faire un flow sur un bout de rien du tout. et voilà, c’est entêtant, ça fait rire, ça marche bien, ça vous va bien !

Martin : En fait le truc de cette chanson, c’est vraiment l’histoire de ma vie, vraiment, mais vraiment, j’emmerde la pub ! elle est partout, elle me fait chier, j’en peux plus, je la déteste! Tu lances une vidéo en streaming, t’inquiètes que la pub marche toujours, mais ta vidéo tu sais pas. Des fois tu recharges ta vidéo, mais tu te retapes une pub de merde. Et putain c’était pas cette vidéo que tu cherchais, alors tu recommences. Sur Internet, j’emmerde la pub, celle sur mon pare-brise, de la TV, des journaux aussi. J’ai eu envie d’en parler, voilà. Je trouvais ça marrant, je voulais juste la caler comme ça quelque part dans un texte, puis finalement je me suis dit « allez vas-y je m’emmerde même pas j’en fais un morceau ». D’ailleurs, on va faire des stickers « J’emmerde la pub », et on va en donner aux gens qui ont participé au financement sur Ulule, pour le pressage. Puis aussi pour en filer pendant les concerts. Mais j’ai pas écrit ça pour que ça devienne un hymne ! Même si ça peut devenir virulent, puis c’est paradoxal, on fait notre pub en disant « j’emmerde la pub », je trouvais ça drôle.

Bien ouej. Bon merci les gars! Ravi d’avoir discuté avec vous, Vacarm vous exprime ses plus belles pensées pour ce nouvel album, et cette nouvelle année!

Martin : Ca marche! A plus mec, vive Vacarm!
Antho : La même l’ami!

Maintenant, place à l’écoute !

 

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