Le 14 juin, Madeleine, chanteuse du groupe de metal mélodique finistérien Tungs10, a répondu à nos questions, à l’occasion de la sortie du deuxième album du groupe, « The Lost Manuscript »
Line-up du groupe : Madeleine (chant), Pierre-Yves (guitare), Cedric (chant, guitare), Charles (batterie), Seb (basse)
Une petite présentation du groupe pour les lecteurs de Vacarm qui ne vous connaissent pas ?
On s’appelle Tungs10 comme le tungstène. On est pas mal de scientifiques dans le groupe, on avait envie de trouver un nom de metal se trouvant dans le tableau périodique des éléments. On a passé en revue les différents métaux et trouvé que tungstène c’était cool, avec un petit côté nostalgique, les vieilles ampoules au tungstène qu’on n’a plus le droit d’utiliser. Ça vient tout bêtement de là et on l’a juste arrangé graphiquement avec le 10 pour que ça fasse un peu plus nom de groupe et pour avoir un logo sympa. Le groupe est né l’été 2015, à l’initiative de Cédric, notre leader absolu. Il avait déjà quelques chansons en stock, écrites depuis un petit moment, on a commencé à les travailler et très rapidement on a voulu monter sur scène. En octobre 2015 on faisait déjà notre premier concert. Cédric a mis un bon coup de boost et écrit plein de chansons, on a eu un set de 45 minutes, on s’est dit que de toutes façons on n’était pas un groupe de studio mais un groupe de scène et c’était parti. C’est allé très vite au début, on a joué dans des bars locaux et on s’est dit que pour avoir une visibilité il fallait absolument faire un clip, c’est indispensable maintenant, il faut avoir un visuel sur youtube. En décembre 2015, on tournait notre premier clip, sorti en mars 2016. On avait fait appel à Nicolas Hervoches, un vidéaste de la région brestoise qui réalise, entre autres, des clips pour Merzhin. Il nous a fait un super premier clip dont on était très contents. Dans la foulée, on a fait un album financé par une campagne ulule pour laquelle on a gentiment harcelé tous nos proches mais on a eu aussi quelques inconnus. On avait déjà fait une dizaine de concerts dans la grande région morléso-brestoise, on a été très vite aidés par l’association Destrock qui nous a vraiment donné un gros coup de pouce pour avoir de la visibilité et un soutien moral aussi. Il étaient toujours là pour nous encourager et nous donner des contacts, à l’échelle locale certes, mais c’est énorme pour un petit groupe qui débute et de fil en aiguille on a commencé à tourner un peu plus même si pour l’instant hélas c’est encore limité à la Bretagne. On a joué pas mal dans notre région et on a vraiment envie de conquérir le reste de la France progressivement.
C’est
le même line up depuis le début ?
Presque. Dans la config actuelle, qui j’espère sincèrement va perdurer parce
que j’ai l’impression qu’on tient le bon bout, Cédric est le fondateur, ensuite
je suis arrivée très rapidement et Pierre-Yves nous a rejoints assez vite. Pour
la batterie on a un peu galéré et on a trouvé une perle rare dont on est ravis
et je crois qu’il est content d’être avec nous aussi. On a ce line-up depuis un
an et demi et je crois que ça marche bien, en tout cas humainement ça marche
super bien et même sur scène on est beaucoup plus à l’aise je crois maintenant
qu’on est dans cette configuration qui nous parait stable. Je sens qu’on peut
vraiment se reposer les uns sur les autres donc ça c’est chouette.
Compte tenu des influences de chacun, black metal, hardcore, pourquoi ce choix du metal melodique comme mode d’expression ?
Dans le black metal, ce que j’aimais bien c’était cette opposition entre des choses très mélodiques, assez épiques, et un truc complètement brutal, brut de décoffrage sur ce fond très mélodieux. Après c’est Cédric qui compose donc il est vraiment initiateur de chaque étape du projet. Par contre nous à chaque fois on repasse tout à la moulinette. Pour The Lost Manuscript on a eu deux, trois mois durant lesquels c’était essentiellement Cédric qui écrivait les paroles et la musique et après 6 mois de re-travail en groupe. On a refait les arrangements, réorchestré, moi je suis repassée sur les paroles pour arranger deux, trois trucs, on a été sur un travail très collectif où chacun apportait son expertise et on a finalement trouvé cette patte un petit peu industrielle, très mélodique et à côté très brutale dans des rythmes très syncopés. Je pense qu’on peut considérer qu’on a une rythmique assez lourde sur ce fond un peu aérien.
Pourquoi ce choix de l’histoire de Frankestein comme thème de l’album ?
C’est parti de notre inspiration visuelle. On était assez d’accord sur le style visuel qu’on voulait se donner. Moi je suis assez passionnée par le steampunk et le post-apocalyptique et on m’a vite rejoint dans ce mouvement là. Il y avait déjà des touches qui apparaissaient chez les uns chez les autres et ça a inspiré cet album. On a cherché à faire un petit bond dans les années 1850 et on trouvait que l’histoire de Frankestein s’ancrait bien dans cette période, ça correspondait bien à cet univers un peu glauque, rétro futuriste. Cédric a très vite proposé ce thème, posé le schéma. C’est donc l’histoire de cet homme qui voit sa compagne dépérir, elle va mourir d’une maladie étrange et incurable et il va être tellement désespéré qu’il va chercher à la faire revivre. Pour ça il va faire sa petite quête d’Indiana Jones et aller chercher un manuscrit mystérieux qui peut faire revivre les morts et bien sûr les choses ne se passent pas comme prévu. Il va réussir à la faire revivre mais est-ce que le corps qui revit est son esprit ? Il va être poursuivi par ses démons et ça finit mal. Il va finir par la sacrifier et se sacrifier lui aussi parce qu’il a échoué. On imagine derrière une espèce de confrérie secrète gardienne de ce manuscrit qu’il a volé qui va venir le récupérer pour préserver le secret qui fait partie de ceux qu’il ne fallait pas dévoiler parce que justement tu ne sais pas ce que tu vas réveiller.
Sur scène comment arrivez-vous à recréer l’atmosphère de l’album ? Vous avez des visuels ?
On ne raconte pas l’histoire sur scène parce que l’ordre des chansons n’est pas le même que sur l’album et puis on intègre des morceaux du premier album. Pour le set du Hellfest off à Clisson, on a décidé de n’interpréter que des titres du dernier album. Les gens qui seront là ne nous connaissent probablement pas, autant leur présenter notre nouvelle mouture parce qu’on a évolué en terme de style aussi, les orchestrations sont un peu différentes. Même si on ne raconte pas l’histoire, on a gardé l’univers visuel. On a du décor de scène rappelant un peu ce qui se passe dans l’album, avec des symboles alchimiques un peu mystérieux. On est donc quand même dans l’esprit de ce manuscrit perdu.
Qui
s’occupe de la création de vos décors, de vos visuels ?
C’est
Cédric qui fait le gros travail, monsieur est un véritable couteau suisse ! Il
fabrique ses guitares, enregistre l’album, fait le mixage, fabrique pas mal de
décors de scène, fait aussi toute la partie infographie. J’ai mis ma petite
patte au niveau de quelques griffonnages, on a chacun mis des petites touches
mais c’est lui qui fait le gros de la post production.
Vous avez fait appel à un financement participatif pour financer l’album. Qui a participé ? Les mêmes contributeurs que pour le premier album ?
On n’a pas fait de stats mais peut-être une moitié des participants du premier album. On a eu de très bonnes surprises, des commandes au Japon, aux Etats-Unis. Je crois que les gens nous ont connus par les clips, par Facebook, on a été relayés par des pages, parfois des petites pages mais il suffit que des gens suivent, qu’ils accrochent. Quand on regarde un peu les stats Youtube on a pas mal d’auditeurs de l’Europe et même parfois des Amériques et du Japon ce qui était une très grande et chouette surprise.
Quel est l’avantage de ce type de financement ?
Le financement participatif permet de faire un circuit court. Et la société en général aujourd’hui est quand même un peu dans cette mouvance. J’ai l’impression qu’on se rapproche de plus en plus du circuit court. Je ne vois pas ça comme un financement mais comme de la prévente. Ça implique aussi dans la communauté. J’ai l’impression que ça ne suffit plus d’avoir des fans, maintenant ça se passe sur la communauté, surtout quand on n’est encore pas “gigantesque” on peut se permettre de répondre à tous les gens qui nous écrivent, parler à tous les gens qui viennent nous voir en concert et le financement participatif permet d’avoir cet échange. On donne tout ce qu’on a à donner, toute notre énergie, on va créer un album et les gens nous apportent leur soutien financier mais aussi moral. Le financement participatif est un modèle qui permet tout simplement de faire des choses. Un label j’ai l’impression que ça coute très cher et je ne sais pas ce que ça peut nous apporter là aujourd’hui, peut-être que ça nous aiderait beaucoup mais on se concentre d’abord sur la promo d’où l’attaché de presse. Le label viendra plus tard, quand on sera plus mûrs, peut-être plus demandeurs aussi d’un soutien financier plus important parce qu’au final cette histoire de production c’est des gens qui prennent des risques pour nous. Pour l’instant on essaie de ne pas prendre de risques démesurés et ça marche bien.
Quelle
évolution entre le premier album et celui-ci ?
Le premier album c’était notre première carte de visite. Comme tout premier
album, c’était un assemblage de ce qu’on a fait. Celui-ci est plus réfléchi,
plus construit et je pense qu’il y a une plus grande unité. J’espère qu’on a
réussi à faire quelque chose de plus abouti.
Quelle est la plus grande difficulté dans la création et la sortie d’un album ?
Je pense que le plus difficile, en tout cas pour le chant, c’est l’enregistrement proprement dit parce qu’il faut rester dans une forme de neutralité. J’ai eu la chance en quelque sorte de ne pas avoir encore interprété les titres en live avant de les avoir enregistrés, donc je n’avais pas de variations qui me venaient particulièrement, ils étaient assez bruts de décoffrage, je pouvais rester un peu neutre et j’étais plus encline à respecter ce métronome impitoyable qui te dit qu’il faut vraiment que tu chantes sur le temps, ne pas commencer à faire du style parce que c’est un album, il faut que ce soit très carré, c’est peut-être un peu froid mais l’album c’est cette chose un peu propre. C’est une bonne référence mais venez nous voir en concert parce que là l’énergie n’est pas la même. En concert je me permets beaucoup plus de choses, c’est vraiment à l’intuition, en plus je bouge énormément sur scène, je suis une pile électrique, je danse, je saute, j’ai une gueule de possédée sur scène !
Tu alternes chant clair et saturé, tu as une préférence ?
J’aime bien le chant clair parce qu’il est quand même plus naturel et j’aime bien le chant grawlé parce que les gens ne s’y attendent pas. J’aime le côté surprise. Je suis plurielle sur scène et j’aime bien ce côté un peu schizophrène, je peux me lâcher, ça me permet d’exprimer d’autres choses et ça donne de l’énergie
Le mot de la fin ?
Merci beaucoup pour cette interview et merci aussi à tous les gens qui nous suivent. Aux futures personnes qui nous suivront aussi, venez nous découvrir, venez nous écouter, venez nous parler après les concerts, on est toujours prêts à accueillir les gens qui veulent nous faire un petit coucou et ça nous fait très très plaisir d’avoir le retour en direct des gens qui viennent nous voir donc n’hésitez pas.