De sorties mineures (le contestable Results May Vary en 2003) en revirements de line-up (les allers-retours du trublion Wes Borland), Limp Bizkit semblait désormais peu emprunt à côtoyer de nouveau les hautes sphères d’un mouvement néo-metal mort et enterré. Détestés pour l’attitude parfois mégalo de leur leader Fred Durst, les cinq musiciens n’en restent pas moins les idoles d’une partie de la génération 90, qui s’était regroupée ce dimanche 05 juin dans la fosse d’un Zénith quasi-comble. L’occasion de constater à quel point la composante Borland demeure indispensable à la machinerie Limp Bizkit, tant la formation avait peinée à remplir ne serait-ce que la moitié de cette même salle quelques années auparavant. A l’orée de la sortie d’un nouvel opus attendu, le quintet a pourtant retrouvé sa fouge d’antan pour livrer un set explosif. En un peu plus d’une heure trente de spectacle, Limp Bizkit a conjugué fournaise et nostalgie, le temps d’une nuit d’été mémorable et annonciatrice d’une probable seconde vie pour le groupe.
Annoncée quelques jours avant le concert, la venue de Mass Hysteria en ouverture du biscuit américain avait de quoi enchanter la foule massée devant la scène du Zénith. Bien que le groupe n’ait pas souhaité dévoiler d’avant-goût de son futur album Failles programmé pour la rentrée prochaine, le quintet à livré un set furieux et compact, à l’image de la puissance et la cohésion retrouvée sur son dernier essai discographique (Une Somme de Détails). En quarante minutes, Mass Hysteria tourne le temps imparti à son avantage et propose une set-list intégralement axée autour de ses deux premiers opus ainsi que de ses plus récents travaux, omettant comme sur l’intégralité de la tournée les divagations plus mélodiques expérimentées sur deux albums, De Cercle en Cercle et Mass Hysteria. Des disques pourtant pas exempts de qualités mais néanmoins moins adaptés aux éructions scéniques.
Il suffira d’un unique titre, le redoutable « Contraddiction », pour rallier le public à la cause Mass Hysteria. Loin des premières parties n’arrachant qu’un bâillement et renforçant encore d’avantage l’attente concernant la tête d’affiche, les Mass envoient un set ultra-carré et sans temps mort, à grands renforts d’imparables pépites. L’excellent « Attracteurs Etranges », « Babylone », « Zion » ou le classique « Knowledge Is Power », chaque morceau érige un véritable mur de guitares couplé à une section rythmique très présente, presque trop. Si l’acoustique des lieux se montre convenable, le niveau sonore demeure en effet très élevé et présente une certaine tendance à gommer les petits éléments, à commencer par des samples difficilement audibles (dommage pour le pont très groovy de l’entrainant « Killing The Hype »). Mass Hysteria s’en sort cependant très bien grâce à une véritable présence scénique ainsi que d’un Mouss infatigable qui n’aura cesse d’encourager l’assistance à péter les plombs. Malgré un chant clair parfois approximatif et lésé par l’acoustique du Zénith, le frontman est d’ailleurs en voix et ne cache pas son bonheur d’ouvrir pour Limp Bizkit, encourageant l’assistance à un soutien de tous les instants au « vrai » rock’n’roll avant de lancer un « Killing The Hype » aux paroles assassines.
La fin de prestation laisse Mass Hysteria dégainer ses meilleurs cartouches. Du old-school « Respect To The Dance-Floor », le groupe embraille sur l’hymne « Furia », point culminant du set. Mouss demande au public le traditionnel braveheart, qui s’inscrira probablement comme l’un des plus impressionnants de la tournée Une Somme de Détails. Yann plaque ses derniers accords de guitare à quelques centimètres des premiers rangs, avant que les cinq musiciens ne quittent les planches le sourire aux lèvres. La fosse fusionne et termine le show sur les rotules, rivés aux lèvres d’un Mouss qui ne manquera pas d’annoncer l’arrivée prochaine d’un Failles qui se présente définitivement sous les meilleurs auspices. Entre le Zénith et l’ouverture pour Metallica quelques jours plus tard, Mass Hysteria pose un point final dantesque à sa tournée. Rendez-vous à la rentrée.
Introduit par une ouverture de luxe, Limp Bizkit n’entrera en scène qu’une grosse demi-heure plus tard. Entre-temps, les roadies s’activent derrière le rideau et semblent rencontrer quelques problèmes techniques avec une console. Les lumières se tamisent cependant aux alentours de 20h30 pour laisser place à l’introduction du show. Les diodes de la basse de Sam Rivers se baladent derrière l’immense rideau de scène, la voix nasillarde de Durst se fait entendre dans le lointain. A l’instar de la tournée des festivals, c’est sur le hit « My Generation » que Limp Bizkit entre en scène, déclenchant en seulement quelques accords une explosion de la fosse. En un morceau au titre évocateur, le quintet prouve de son influence sur une génération entière, le public bondissant d’un seul homme et reprenant l’intégralité des dires d’un Durst intenable et haranguant sans ménagement son auditoire. Mais l’événement de ce Limp Bizkit version 2009 est bien le retour de l’indispensable Wes Borland, grimé pour cette dernière date en squelette, camouflage qui n’est pas sans rappeler la bonne époque Chocolate Starfish And The Hot-Dog Flavored Water.
C’est justement à cet opus que le quintet va se référer en priorité, livrant pas moins de sept interprétations qui harassent un Zénith déjà mis à rude épreuve par Mass Hysteria. Les excellents « Livin’It Up », « Hot Dog » ou encore « Boiler » remportent tous les suffrages, ces derniers se voyant interprétés par cinq musiciens qui ne tiennent pas en place, à commencer par un Borland opérant d’incessants allers-retours sur le piédestal de John Otto, impressionnant derrière une immense batterie qui masque presque totalement l’homme. Bien loin de la reformation purement alimentaire, le groupe semble avoir retrouvé l’alchimie des premiers jours, les rapports houleux Durst / Borland sonnant définitivement comme de l’histoire ancienne. Le chanteur, casquette vissé sur la tête et lunettes noires de circonstance, encourage d’ailleurs les fans à acclamer le retour du lutin diabolique, qui arbore une guitare différente à chaque nouveau titre. Des appels du pied qui amèneront sans surprise des pics au niveau de l’applaudimètre, prouvant ainsi du statut emblématique du guitariste déjanté accompagnant la bande en baggys.
L’aura magique dont bénéfie Borland n’écclipse cependant pas totalement ses collègues de jeu, qui donnent tout ce qu’ils peuvent sur les burrinés « Show Me What You Got », « Break Stuff » ou « Eat You Alive », rare bastonnade nu-metal d’un Results May Vary inégal. Lethal encourage le public à exprimer sa joie, parcours la scène en dressant un drapeau français qui terminera sa course dans l’assistance, et habille de samples des incartades cependant trop nombreuses. Ce sera l’unique point faible de la prestation, la formation témoignant d’une certaine difficulté à véritablement enchainer les morceaux. Dommage, tant l’intensité demeure palpable lorsque le groupe rappelle à notre bon souvenir à quel point leurs compositions ont été essentielles au cours de l’adolescence de bon nombre d’éternels teenagers présents dans la salle.
Le show gagne d’ailleurs une tout autre dimension lorsque la fosse réclame le mythique « Pollution », requête à laquelle le Bizkit répondra favorablement. Le temps de demander à ses comparses s’ils s’en sentent capables, et Durst lance ce qui restera probablement comme le point fort de ce concert de fin de tournée. Malgré un flow parfois approximatif, le groupe s’en sort de plus avec les honneurs. Heureux et surpris de l’accueil, Fred Durst avouera n’avoir jamais pensé rejouer un jour ce morceau sur scène, qualifiant au passage d’un « fucking awesome » le public parisien. « My Way », « Nookie » et « Faith » concluront ce copieux plat de résistance dans l’euphorie générale, Limp Bizkit laissant place à la danse d’un alien tout droit échappé de l’artwork de Chocolate Starfish And The Hot-Dog Flavored Water. Bien conscient des critiques formulées à l'encontre du côté mainstream de sa formation d’origine, Wes Borland reviendra sur scène avec une grappe de tomates afin de distribuer ces dernières aux premiers rangs. Une démarche plutôt osée avant un « Behind Blue Eyes » détesté de la majorité des fans du biscuit, et d’autant plus décevant que l’instrumentation se limitera à un sample lancé par Lethal. Comme si le titre restait propre à un Fred Durst à qui le morceau semble définitivement tenir à cœur, et sur lequel il fait preuve d’une relative justesse dans l’exécution du chant.
Le reste de la formation l’épaulera sur les deux derniers titres, plus représentatifs du côté grandiloquent du Bizkit. Repris en intégralité par le public, le furieux « Rollin » déchaine les passions alors que le cultissime « Take A Look Around » ferme la marche. L’occasion pour Durst et sa bande de faire asseoir la fosse, qui explose à une dernière occasion lorsque résonne avec fracas le riff ultime du morceau afin de conclure une introduction sur laquelle la pression sera montée crescendo. Se confondant en remerciements, le quintet peut quitter la scène avec l’assurance d’avoir opéré un retour plus que concluant. Comme l’exposent fièrement le merchandising de cette tournée Unicorns n’ Rainbows, « Limp Bizkit Forever ».
Photos : Géraldine. Un grand merci pour la disponibilité à la dernière minute.
Merci à Carine chez Universal.