Le 10 Avril dernier les Escape The Fate investissaient la modeste salle du Nouveau Casino pour leur tout premier concert sur le sol français. Un évènement donc pour les fans du combo et les jeune emokids, d'autant plus que la formation de Vegas avait l'occasion de présenter son nouveau chanteur au public français en la personne de Craig Mabbitt, ex frontman des emocoreux de Blessthefall, pour ceux qui s'en souviennent encore. Des années d'attente allaient finalement trouver récompense, ou pas, dans cette petite salle parisienne. Récit.
Se rendre à un concert de ce genre est toujours, humainement parlant, une épreuve assez traumatisante. Le public, majoritairement composé de jeunes emo à peine pubère mais déjà fortement alcoolisés, est venu en masse pour ce show qui affichait déjà complet quelques jours après la mise en vente des précieuses places. Les mèches oscilles, les rires retentissent, les anecdotes insignifiantes fusent, on hurle, on boit, on est adolescent quoi. Hop Hop Hop, quelques musiciens viennent frimer un peu dehors, photos, bisous, câlins se succèdent. Les Escape The Fate semblent très proche de leur fans, un détail certes, mais c'est quand même un bon point pour eux. Il est 19h30, l'heure de rentrer dans la salle et de retrouver les britanniques de Deaf Havana (image ci-dessus) sur scène, formation screamo / punk chargé d'ouvrir cette petite soirée costumée. Et ca commence fort. A mi-chemin entre le punk hardcore de Gallows et le métal brut et fédérateur de Everytime I Die, Deaf Havana séduit d'entrée. C'est puissant, musicalement, et vocalement, alternant entre screams punk et chant clair. Bien plus qu'une mise en bouche, une véritable révélation. Et comme je suis de ceux qui pensent qu'un bon concert implique forcément une bonne première partie, cette entame me met évidemment dans les meilleures dispositions.Une bonne demi-heure de décrassage en règle pour les oreilles donc et il est l'heure de retrouver sur scène les maîtres de la soirée.
D'entrée des jeux les américains balancent «The Flood», premier extrait de leur nouvel album propulsé sur Myspace et clipé dans la foulée. Après une arrivée très décontractée, sirènes de police et hymne du célèbre film Bad Boys en musique de fond, les Escape The Fate se mettent de suite le public dans la poche surtout grâce à la bonne humeur et la fougue communicative de son frontman Craig Mabbitt. Pourtant le choix de «The Flood» en introduction est loin d'être judicieux, c'est une cartouche assez importante dégainée peut-être un peu trop tôt. Le combo enchaîne avec «Reverse This Curse», extrait du premier album Dying is your latest Fashion, morceau composé à l'époque ou Ronnie Radke était encore le chanteur du groupe. Première grosse, très grosse, catastrophe. Sans énergie, sans âme, ce titre pourtant sublime est joué sans conviction, la mayonnaise ne prend pas. Et le déroulement du concert respectera cette alternance entre morceaux du dernier album et premières compos du groupe, entre bonnes vibes rock'n'roll et gamelles spectaculaires. Sur «Something» ou «Ashley», Craig Mabbitt assure le show et chante avec beaucoup de passion et de justesse, il n'y a rien à redire. Sur «The Guillotine ou «Not Good Enough…», le frontman et ses musiciens s'écroulent complètement.
Techniquement, les Escape The Fate sont loin d'être aussi à l'aise que le laissait suggérer l'habilité de leurs enregistrements. «There's No Sympathy for the Dead», titre phare de la formation d'origine est complètement massacré à grands coups d'approximations, «On to The Next One» est lui exécuté à la perfection, toujours selon cette disproportion entre derniers titres et toutes premières compositions. Le concert s'achève à un peu avant 22h sur «Situations», titre incontournable du combo qui nous laisse plutôt mal à l'aise tant le spectre de Ronnie se fait, dans nos têtes, insistant. Cinquante minutes de concert et de larmes achèvent de donner à cette soirée une orientation désespérément Teenage, il est l'heure pour les Kids de rejoindre le premier métro et d'aller au lit. Un petit passage par le stand Merchandising et chaque petit mécheux repart avec l'oeil qui pétille, des rêves pleins la tête.
Au final que retenir de ce concert ? Et bien paradoxalement beaucoup de choses. D'abord que le syndrome Ronnie Radke est bel et bien toujours présent au sein de la formation. Si les titres composés et initialement chantés par l'ex Escape The Fate et nouveau frontman des From Behind These Walls resteront des morceaux d'anthologie, leur dimension est telle que le groupe est incapable de les exécuter correctement sans leur ex-leader. En effet Craig Mabbitt peine à leur insuffler la magie et la vie que Ronnie leur avait jadis donnés et leur rendu live est presque cacophonique. Pourtant, l'ex Blessthefall (oui ça devient compliqué toutes ces histoires de famille), reste un personnage très charismatique, aussi talentueux qu'abordable. On ne peut lui retirer cette adresse dans l'interprétation des titres de This War is Ours et cette maîtrise des Gruik Gruik bien gras qu'il avait d'ailleurs coutume de nous balancer lorsqu'il roulait pour ses anciens camarades. Le plus surprenant, ou pas, dans cette histoire, c'est que la grande majorité des Kids présents dans la salle, semblent avoir vécu ce concert avec une insouciance presque exagérée, dévoilant à chaque nouveau titre un enthousiasme bruyant et grandissant et s'emerveillant de chaque note, chaque geste, chaque phrase entamé par les Escape The Fate.
Plus dément encore, Ronnie Radke semble avoir été complètement oublié, soit les Kids sont passés à autre chose, soit la démesure de leur fan attitude les empêche de raisonner correctement. Troisième explication et, je pense, la plus plausible : beaucoup des afficionados présent le 10 Avril sont fans depuis très très peu de temps. Attention, je ne suis pas en train de dire qu'il faille à tout prix être hostile à cette nouvelle configuration du combo, mais que les explosions de joie sur certains morceaux n'étaient pas véritablement indispensables. Forcément, tout cela me donne un peu le rôle du journaliste aigri et rabat-joie. Prestation mitigée donc, décevante par moment. Que faut-il attendre maintenant ? Et bien un nouvel opus pour ceux qui resteront scotchés. Une date et un premier album des From Behind These Walls pour ceux qui, comme moi, ont choisi après cette soirée d'enterrer Escape The Fate avec leurs souvenirs d'adolescence.