20 ans, acte 2. c'est après une courte nuit que l'auteur de ces lignes s'apprête à s'attaquer à la deuxième soirée de festivités de l'édition 2009 du Pont du Rock, maintenant arrivé à l'âge de raison, mais décidé à prouver au monde que la déconne, c'est pas fini. La veille : une soirée réussie, placée sous le signe du rock incisif. Ce samedi, lineup plus varié, voire plus contradictoire : du rock-folk, du trip-hop, du reggae, ça part plus dans tous les sens, pour le bonheur des fans de musiques avec un grand S. Le public breton, aussi exigeant qu'enclin à faire la fête, a répondu présent la veille, on peut imaginer qu'il en sera de même pour le samedi. Enfin bon, pour être sûr, on va quand même jeter un coup d'oeil…
Coming Soon, trio indie folk qui commence déjà à se tailler une bonne réputation, entame la soirée un poil tôt, c'est presque dommage pour un groupe de cette qualité. Les morceaux de leur futur album, à venir en septembre, passent très bien en live, les oiseaux de passage déjà présents dans l'enceinte du festival apprécieront, bien qu'ils soient assez peu nombreux. Ca se remplit avec Babylon Circus, dont la récente évolution stylistique ne provoque visiblement pas de réticences. Dans la grande tradition festive, le groupe livrera un set bon esprit et communicatif, le public appréciera. De la première partie de leur discographie, orientée ska/reggae/rock, toujours présente en concert, aux compos d'un La Belle Etoile orientée chanson (et pas ultra convaincant), il y a un grand pas, mais ça passe. « Marions-Nous Au Soleil » est jouée, ça prend, la rotation radio du single a fait son effet, mais le groupe reste comme il l'a toujours été durant sa carrière : Sincère. C'est sous l'ovation qu'ils quittent la scène, comblés, avant que Yodelice ne prenne le relais sur la petite scène. Y'a pas à dire : ce groupe, c'est la classe. L'élégant frontman, grimé à la 70's, semble possédé, son chant et son jeu de guitare n'en seront que plus prenants. Mélancolique, poétique, à la fois d'un autre temps et terriblement actuelle, la musique du groupe, perdue quelque part entre un rock aux accents psyché et un blues d'outre-tombe, avec une touche pop qui dilue juste assez l'ensemble, en envoûtera pas mal, mais d'autres resteront un peu indifférents, trop sérieux, trop « à écouter » peut être. En tout cas, au niveau talent, la barre est mise au plus haut.
Changement de registre, les californiens de Groundation entament les hostilités. On rentre ici sur les terres d'un reggae aux accents jazzy joué avec une classe folle, la bande étant menée par un Harrisson Stafford vivant comme d'habitude son expérience live à 100%. Le petit bonhomme barbu semble vivre sa musique physiquement, et sa voix si particulière envoûtera légitimement le public, quil soit venu en connaisseur ou en simple curieux. Here I Am sera présenté au public durant une bonne partie du concert, mais la disco du groupe, qui commence à se faire imposante, n'est cependant pas en reste. Groundation reste un groupe incontournable de la scène reggae, qui réussit le tour de force de conquérir un auditoire bien plus large que les simples afficionados du genre. On le savait déjà, mais à chaque fois, on se laisse surprendre. Chapeau. Bon, on repasse au punk avec ce cher Didier Wampas et sa bande, qui commencent à balancer des décibels. Bon, les Wampas, on aime ou on aime pas. Leur rock alternatif mâtiné de punk, et flanqué de paroles juvénilo-trash a tout de même un côté marrant, bien que la musique du combo peut s'avérer un peu faiblarde et simpliste. Mais bon, on sait bien que le public n'est pas venu chercher ça, et Didier, en leader charismatique, le sait aussi, et les gesticulations du bonhomme feront mouche. Ce concert des Wampas est-il la preuve que Dieu existe ? On sait pas trop, mais en tout cas, si on était pas au courant, on peut dire que le quintet maîtrise son sujet. Et puis bon, « Manu Chao », ça fait toujours marrer…
Après un peu d'attente, LA tête d'affiche du weekend débarque dans une ambiance aussi enfumée que fébrile. Tricky, c'est toute une histoire. Membre de Massive Attack, puis imposant des tribulations trip-hop en solo, le black de Bristol, maintenant quadra, aura réussi à s'imposer parmi les grands de la musique brittanique, et mondiale, et sa venue au Pont du Rock est un petit événement en soi. C'est peut être le trop plein d'exigences, mais forcément, on va repartir déçu. Tricky, s'il a l'air d'avoir de l'énergie à revendre, ne l'utilise pas forcément pour générer du son, et ses mouvements de transe frénétiques semblent vains tant le bonhomme ne s'emploie pas à faire de la musique. Il chantera sur un tiers des morceaux, n'étant pas forcément assidu tout le long de ses prestations vocales, et laissant à sa chanteuse et ses musiciens le loisir de structurer le concert. Tout ça est d'autant plus dommage que Tricky, bien qu'il ne s'applique pas à donner une représentation de qualité, dégage un certain charisme, qui, pour le coup, semble ne demander qu'à exploser… mais non. Bon, on est peut être un poil durs, y'avait quand même des morceaux qui valaient vraiment le détour, hypnotisants à souhait. Mais même le final et les montées successives du dernier morceaux sonnent comme un coup d'épée dans l'eau. Dommage, bien que pas inintéressant. La plupart de l'assistance ayant décidé que la soirée s'arrêterait ici, on assiste à une fonte de la foule devant le set des deux dernières formations de la soirée. Tout d'abord, The Craftmen Club, trio de wak n'woll guingampais, se démène pour imposer les compositions de leur dernier album, électriques comme l'orage, mais il faisait peut être un peu trop beau (un peu trop tard aussi) pour que la mayonnaise prenne vraiment, malgré les efforts du groupe. La clôture des festivités sera assurée par un groupe qui porte un nom adapté à son rôle : 8°6 Crew donne dans le reggae/ska, et a envie de faire bouger le popotin des derniers résistants de la fête encore présents. Bon, ce genre de musique, c'est pas fondamentalement notre tasse de thé, mais nous admettrons sans problème que le groupe réussira relativement bien sa mission, sa musique étant d'une efficacité remarquable, à défaut d'être vraiment novatrice. Les gens présents manifesteront leur enthousiasme, et se coucheront sur une bonne note pour cette deuxième et dernière journée.
Y'a pas à dire, une édition du Pont du Rock, ça casse. A priori, c'est plutôt bon signe, mais cette grande fête d'anniversaire a-t-elle été conforme à nos espéances ? La réponse est évidemment oui, aurait-il pu en être autrement ? Oui, si on prend conscience de la prise de risque stylistique des programmateurs, qui, au final, sera passée comme une lettre à la poste. Des choix cependant discutables du simple point de vue de l'adéquation des têtes d'affiche (du vendredi principalement) avec les goûts du jeune public de Malestroit, mais au final, et malgré quelques rares déceptions, tout le monde semble être reparti heureux, comme d'hab. Bon, maintenant, finie la déconne, hein les gars ? On espère que non.