Chronique : The Butcher’s Rodeo – Haine

Le public n’était plus tellement assuré de les retrouver un jour. La période est aussi dégueulasse qu’interminable pour la musique live, le groupe aura connu de multiples changements de line-up et les problèmes de santé de Vincent Peignart-Mancini – chant – laissaient presque planer le doute concernant sa capacité à remonter un sur scène dans un futur proche. Autant dire que les astres n’étaient pas vraiment alignés. AqME – l’autre groupe du frontman, ndlr – s’est de son côté éteint sans avoir la possibilité d’offrir son feu d’artifice final, le concert événement avec l’ensemble des musiciens passés dans ses rangs ayant malheureusement été annulé. The Butcher’s Rodeo fait pourtant preuve de résilience, et revient avec un bon gros uppercut de 12 titres. Et bordel, ça fait du bien de les retrouver.

L’équipe a tourné, mais qu’importe. The Butcher’s Rodeo est toujours là, et les mecs ont de l’énergie à revendre. S’il aurait été légitime que les galères décuplent la brutalité des compos, c’est pourtant un groupe légèrement moins rentre-dedans qui accouche de ce second opus. On pourrait rapidement qualifier la galette de plus « mature » histoire de s’affranchir du cliché habituel. Il y a peut-être un peu de ça. Le quintet a pris quelques années dans le buffet depuis la sortie de Backstabbers – 6 ans déjà – et inévitablement, les envies et l’approche de la composition changent. Vincent a surtout taillé un bon bout de chemin avec AqME, signant avec cette formation trois disques surprenants aux contrastes joliment marqués. C’est cette science des oppositions que l’on retrouve aujourd’hui dans ce Haine, album plus centré sur les émotions que son prédécesseur. Alors que TBO s’était jusqu’à présent profilé comme un combo hardcore’n’roll fou-fou et prioritairement axé sur les tempos qui tabassent à 200 à l’heure, ce dernier met ici un peu d’eau dans son vin et joue plus franchement avec les ruptures de tempos ainsi que d’ambiances. Pas question pour autant de mollir : The Butcher’s Rodeo upgrade sa formule mais ne bande pas mou pour autant.

Les parisiens restent garants d’un riffing furieux et bien speed. Si Etienne Sarthou – batteur et tête pensante d’AqME – prend place à la prod’, accompagné de Monsieur Magnus Lindberg de Cult of Luna pour le mastering, The Butcher’s Rodeo reste The Butcher’s Rodeo. Et les gars ne sont pas vraiment dans le rock accessible. Du moins pas encore. Ça blaste, ça charcle, ça beugle, mais avec un petit soupçon de finesse bienvenue. Les gratteux sont désormais plus prompts à jouer sur les mélodies – le single « Lâche », une tuerie –, choix qui permettent aux morceaux de respirer sans pour autant leur faire perdre en intensité. Le disque est à ce titre plus digeste que les précédents travaux du combo, Vincent ayant de son côté clairement gagné en confiance grâce à l’expérience AqME. Alors que ce dernier évoquait il y a une dizaine d’années l’écriture en français comme un défi de taille, il signe ici l’intégralité de ses textes dans sa langue natale. Un choix judicieux qui lui permet de signer un bon paquet de morceaux en forme d’exutoires libérateurs, le titre du disque étant à ce titre équivoque. Le gars rassure dès les premières secondes : il n’a rien perdu en puissance de feu, mais il a désormais clairement sa carte à jouer sur le terrain de la bipolarité vocale. Si le chant clair n’est pas toujours un passage obligé, il est utilisé à bon escient : avec parcimonie, justesse et souvent rugosité.

The Butcher’s Rodeo a la haine, c’est clair. Pas une haine sourde et imbécile contre les autres, mais plutôt un ressenti vénèr contre une situation à laquelle personne ne peut rien. Les temps changeront peut-être, il faut l’espérer. En attendant, ce second disque est un putain de défouloir articulé en montagnes russes hardcore-metal. Espérons que les parisiens n’auront pas besoin de six nouvelles années pour signer la suite, et qu’ils pourront aller balancer la purée sur scène le plus rapidement possible. Welcome back The Butcher’s Rodeo.