« Il faut rester muet pour être écouté ». Voici en substance le message des Vulgaires Machins dans leur nouvel album, Requiem Pour Les Sourds. Un titre étrange, un message mystérieux hors-contexte. Les québécois ne changent décidément pas et quatre ans après le point culminant de leur discographie, Compter les Corps, les voici prêt à frapper encore une fois très fort. Depuis quelques mois dans leur belle contrée, et disponible à la fin du mois en France.
L’album précédent était un tournant. Plus exactement, Compter Les Corps concrétisait une évolution tangible depuis Aimer Le Mal. Plus que jamais, le groupe marquait les esprits avec un mélange de puissance, d’efficacité et avec une pointe de cynisme parfaitement aiguisée. Avec un tel niveau dans la composition, la concurrence (et notamment celle de France) était bel et bien renvoyée à ses études.
Après une telle réussite, l’attente aurait pu être trop grande. Autant le dire immédiatement, il n’en est rien. Ce qui n’est pas non plus étonnant, si on regarde comment les Vulgaires Machins savent garder la tête sur les épaules. Il ne rechignent pas à l’auto-critique, à la fois au niveau personnel et au niveau des dysfonctionnement de l’économie dont ils font pourtant partie : le marché du disque, comme sur « Parasites ». Cet album est ainsi très fidèle à ce qui a pu être fait juste avant.
Au rang des différences, peut-être qu’il est notable que les morceaux calmes et notamment les morceaux piano-voix avec Marie-Eve sont absents. Avec ironie, « Chanson Acoustique » revendique ce postulat simple : « mieux vaut que le ciel tombe que ralentir au cinquième disque ». Est-ce à dire qu’il n’y a pas de mélodie ? Tout au contraire. Un bon morceau des Vulgaires Machins, c’est toujours ce mélange entre le sens de la mélodie et la vitesse, l’oscillement entre le grave et l’aigu. C’est peut-être ce qui rend les dernières productions plus intéressantes. Le côté potache de certains morceaux (« Petit Patapon », « Triple Meurtre… »), plaisants il est vrai mais au mépris du rythme, a été mis de côté.
Oui, dans ce Requiem, les temps morts n’ont presque pas trouvé place, a plus forte raison avec une batterie qui est très mise en avant et matraque non-stop. Tout au plus, seul « Glace Noire » fait office de respiration en ce concentrant sur la mélodie.
Une chose n’est pas à oublier. La grosse saveur, dixit l’expression du rappeur Roi Heenok, des Vulgaires Machins, ce sont leurs textes. Personne ou presque n’échappe à leur diatribe. En vrac, les sujets abordent la malbouffe, la quête d’un bonheur personnel dans l’accumulation, les dérives politiques, les marées noires, la publicité qui s’impose dans les concerts et les festivals. Intransigeants avec tout le monde et à commencer à par eux-même donc, surtout que cela se fait sans naïveté, sans niaiserie, sans un discours (trop) simpliste. Bien au contraire, les phrases sont très souvent bien senties, avec quelques phrases chocs ; sans parler des refrains, terribles. Aucun titre n’échappe ici à la règle. C’est ce qui impressionne. On se croirait dans une manifestation. Les slogans sont légions et les manifestants semblent prêts à marteler leur message -et nous avec- pour être certains de se faire entendre.
Alors encore une fois, les Vulgaires Machins s’affirment comme le « band » québécois le plus excitant du moment. Toutefois, l’album devrait convaincre les amateurs avant les autres. Requiem Pour Les Sourds et Compter Les Corps forment en quelques sortes un dyptique à part dans la discographie des Vulgaires Machins. Il est sans aucun doute conseiller pour un novice de se pencher sur les deux albums à la fois. Et de se prendre en pleine face le meilleur groupe québécois au monde, pas moins.
.: Tracklist :.
01. Presque Complet
02. Le Mythe De La Démocratie
03. Parasites
04. Longer Les Murs
05. Texture Qui Se Mange
06. Prêts à Tomber
07. Glace Noire
08. Je m’excuse… Je t’aime !
09. Un Peu Plus Fort
10. Une Chanson Acoustique
11. L’escorte
12. Pointer l’Orage
13. Mourir Pour le Système