C’est dans le milieu des années 90 que Dexter Holland, chanteur de The Offspring, découvre et signe AFI sur son label Nitro Records. En 10 ans, le groupe californien est devenu une référence en matière de punk-rock. On ne parle pas ici d’un punk-rock qu’on pourrait qualifier de teenage mais d’une musique mature et sombre voire d’un punk oldschool aux relans gothiques. AFI (sigle de A Fire Inside) a su développer un style qui lui est propre avec des moments de pure violence et des instants de sensibilité à fleur de peau. Toute la carrière de AFI se joue donc sur ce diptyque qui auparavant penchait très fort du côté punk/hardcore instinctif mais qui s’oriente de plus en plus vers un juste équilibre.
Avec Sing the Sorrow, AFI passe sous le joug d’une major : Dreamworks. Une partie des fans de la première heure, dont ceux faisant partie de The Despair Faction (véritable fan-club mondial), se sont sentis trahis par ce passage. C’est toujours un moment critique et délicat pour les groupes indépendants que l’on traite parfois de « vendus ». Pourtant, quelle claque lors de la première écoute ! L’album est incroyablement bien construit. Chaque chanson est liée à la précédente et à la suivante mais sans qu’aucune ne ressemble aux autres. L’atmosphère est sombre et les mélodies nous plongent dans un univers mélancolique et désespéré où semble se complaire le groupe. Des reflets gothiques sont ainsi notables et quelques éléments électroniques pointent le bout de leur nez comme sur l’intro « Miseria Cantare (The Beginning) », magistralement orchestrée.
L’album est d’une richesse indéniable. Comment alors qualifier Sing The Sorrow ? Hardcore, romantique, punk-rock, pop ? C’est finalement un peu tout à la fois. « The Leaving Song Pt. 2 » et « Bleed Black » en sont de parfaits exemples. Les riffs assassins s’enchaînent, les chœurs s’entremêlent au chant tantôt hardcore, tantôt mélodique du chanteur (Davey Havok). La batterie est lourde et le rythme souvent soutenu (« Paper Airplanes (Makeshift Wings) »). Le guitariste sait aussi nous sortir des solos rares mais efficaces (« Dancing Through Sunday »). Seule la basse semble rester discrète mais elle participe de cette ambiance envoûtante.
L’album connaît certains moments d’accalmie comme le sublime « The Leaving Song » qui pourrait en faire pleurer plus d’un, tant l’atmosphère doucement mélancolique et romantique est obsédante. Mais ces moments pondérés sont parfois de courtes durées tant le rythme finit par s’accélérer et le chant s’énergiser (« The Great Disappointment »). Autre exemple « d’instants calmes » avec « Silver And Cold » et son intro au piano suivie par la voix langoureuse de Havok qui, appuyée des chœurs des autres membres du groupe, s’envole pour nous transporter. « Girl’s Not Grey » revêt des sonorités plus popisantes (c’est le single de l’album) tout comme « This Celluloid Dream ». Ces dernières ne font pourtant pas tomber Sing The Sorrow dans de la musique commerciale ou mainstream.
Le plus frappant chez AFI, c’est cette aisance vocale que possède Havok qui peut, dans une seule et même chanson, passer d’un chant hardcore à une voix aigue hautement perchée (« Death Of Season », « Dancing Through Sunday »). En ce sens, …But Home Is Nowhere est un pur exercice de style et constitue l’un des chefs d’œuvre du disque. La chanson commence en effet par un petit murmure qui s’emballe et qui vire vers un chant brutal puis c’est l’accalmie. Le rythme s’emporte à nouveau mais le calme finit par revenir etc. et ce, jusqu’à la fin où c’est l’explosion avec les chœurs, les cris, le chant haut perché et les effets électroniques. A ceci, fait suite une chanson cachée où une petite mélodie au piano s’immisce ; puis c’est autour des violons d’entrer en scène et enfin une douce voix qui sort progressivement du lointain pour atteindre le summum de l’émotion et nous achever en beauté.
Après une telle ébauche de talent, comment trouver le moindre faux pas ? Aucune chanson n’est de trop. Chacune est un mélange de toutes sortes de style qui se complètent merveilleusement et est un aboutissement en soit. Elles forment un tout d’une densité jamais atteinte par le groupe qui maîtrise son sujet de la plus belle des manières.
Dès lors, ce passage en major ne peut en aucun cas être qualifié de trahison. Il a au contraire permis au quatuor californien de prendre une nouvelle dimension et de devenir l’un des groupes les plus existants de la scène (punk) rock actuelle. D’autant que les prestations scéniques, toujours aussi énergiques, ne peuvent que confirmer la sincérité de ce groupe atypique.
.: Tracklist :.
01. Miseria Cantare (The Beginning)
02. The Leaving Song Pt. 2
03. Bleed Black
04. Silver And Cold
05. Dancing Through Sunday
06. Girl's Not Grey
07. Death Of Season
08. The Great Disappointment
09. Paper Airplanes (Makeshift Wings)
10. This Celluloid Dream
11. The Leaving Song
12. …But Home Is Nowher