Bien qu'éloigné des schémas radiophoniques et vendeurs, Trivium se sera constitué en l’espace de trois albums une solide base de détracteurs. Le principal élément de critique avancé n’a pourtant rien d'une attitude foncièrement opportuniste, les musiciens ayant d’ailleurs évolués d’un metalcore parfois basique à des formules aux encornures thrashy de la grande époque. Là se posait l’éventuel mais néanmoins acceptable défaut de The Crusade, l’album ne brillant pas véritablement d’une grande personnalité et ce dernier lorgnant à de nombreuses occasions du côtés des inévitables Metallica. Inspiré (au moins dans la forme) de la culture japonaise, Shogun poursuit sur la même lancée d’adaptation d'un metal old-school à la sauce moderne.
Si The Crusade ne présentait qu’une originalité toute relative, les musiciens habillaient en guise de compensation leurs compositions d’une inébranlable efficacité ainsi que d’une technicité plus qu’affûtée. L’évolution restera ici minime en comparaison de la marche franchie entre les deux précédents opus, Trivium conservant néanmoins toute sa propension à composer des morceaux à la fois puissants et mélodiques (« The Calamity », « Into The Mouth Of Hell We March »). Shogun présente en effet le même principal atout que The Crusade : une plongée en apnée dans les glorieuses sphères métalliques de la fin des eighties, savoureux retour vers le passé se voyant accommodé d’une production claire et débordante de testostérone. Trivium possède et maîtrise clairement les codes du genre, les américains usant de riffs purement thrashisants (« Insurrection » n’est pas sans rappeler The Haunted), supportés par une section rythmique calibrée qui prend soin d’éviter la surenchère, notamment au niveau de la batterie de Travis Smith qui n’use de la double qu’avec parcimonie mais conserve néanmoins un tempo soutenu. Mais loin de se contenter d’un thrash mélodique aux riffs bêtes et méchants, le quatuor laisse librement les guitares s’exprimer sur des structures pouraux durées légèrement éloignées des standards, le quatuor témoignant une nouvelle fois d’un indiscutable talent technique.
Si le tout conserve une forme relativement basique de couplet / refrain / couplet (bien que la formation ne se fende d’un « Shogun » faisant preuve de changements rythmiques et d’ambiances surprenants sur près de onze minutes), les espaces de liberté permettent au tandem Heafy / Beaulieu de poser sur bandes quelques échappées mélodiques remarquables, celles-ci apportant à Shogun tout son cachet. L’art du solo n’est pas une simple valeur ajoutée de quelques secondes mains une véritable institution, tant les deux musiciens excellent dans le domaine et tapissent les tessitures instrumentales d’interventions épiques (« He Who Spawned And The Crucifix »). Le travail opéré sur les guitares se montre impressionnant de maîtrise, le quatuor signant quelques très belles introductions en forme d’efficaces montées en puissance (« Torn Between Scylla And Charybdis », « Throes Of Perdition ») et parvenant à transcender leurs morceaux de nombreux changements d’horizons. Enfin, et si d’un point de vue strictement instrumental Shogun s’inscrit dans la continuité de The Crusade, Matthew Heafy affiche pour sa part un ré-équilibrage des différents registres vocaux. Le chant clair soigné avec lequel il avait dépeint de facon quasi-intégrale ses précédents travaux reste majoritairement d’actualité, mais le frontman penche de nouveau dans des limbes plus virulentes à l’aide d’un retour des tirades hurlées. Sans véritablement y témoigner de l’insistance des débuts, les embardées permettent néanmoins l’instauration de reliefs plus saillants (l’excellent « Like Callisto To A Star In Heaven », « Kirisute Gomen »).
Tout en conservant sa ligne de conduite, le quatuor s’affirme et compose un disque surpassant sans peine les essais passés. Pas novateur pour un sou, puisque volontairement ancré dans ses acquis et désireux de moderniser des influences passées, Trivium se dresse définitivement comme le meilleur « jeune vieux groupe » de la scène américaine actuelle.
.: Tracklist :.
01. Kirisute Gomen
02. Torn Between Scylla And Charybdis
03. Down From The Sky
04. Insurrection
05. Into The Mouth Of Hell We march
06. Throes Of Perdition
07. He Who spawned The Furies
08. Of Prometheus And The Crucifix
09. The Calamity
10. Like Callisto To A Star In Heaven
11. Shogun