En ce troisième trimestre 2007, le label Relapse Records semble indiscutablement se profiler comme véritable rampe de lancement et dénicheur de nouveaux talents aussi novateurs que musicalement passionnants. Car parallèlement à la sortie de l’exceptionnel sixième opus d’Alchemist, ce The Red Album posé sur bandes par une formation américaine jusque ici totalement inconnue vient s’inscrire dans des sillons tortueux similaires. Un talent qui à su franchir les frontières, preuve de l’exceptionnel potentiel dont témoignent les musiciens de Baroness.
Si l’ensemble évoquera fortement et une nouvelle fois ces maîtres à penser que sont Isis, Neurosis ou Cult Of Luna, difficile pour autant d’apposer une étiquette postcore sur la musique diablement ingénieuse de ce quatuor résolument barré. Bien moins oppressantes que ses références, ces onze compositions s’apparenteraient plutôt à un patchwork d’influences metal comme rock’n’roll plus classique teinté d’un psychédélisme enivrant. La saturation écrasante et les atmosphères ténébreuses ne sont ici que relativement peu exploitées, les véritables envies de Baroness se dessinant au fil des morceaux comme nettement plus expérimentales. Le groupe n’hésite à aucun moment à brusquement changer de direction, agrippant en plein cours d’exécution les notes aiguës et planantes les plus inattendues (« Waiting Wintry Wind »), incrustant une incartade au tempo relevé uniquement menée par des superpositions de guitares acoustiques (« Wanderlust »), voire à amener la présence de claviers aux sonorités organiques (« O’appalachia », morceau de conclusion avant un « Untitled » constitué de douze minutes de silence débouchant sur quelques accords bluesy). Baroness témoigne dans la complexité de ses tissus instrumentaux d’un esprit très free jazz, à la limite de l’improvisation autour d’un unique gimmick de départ. Les points de repères sont en effet peu nombreux dans l’ossature même de chaque morceau, la notion de refrain ou de couplet complètement absente au profit d’une liberté instrumentale plus que prononcée. La construction des titres reste tout du long absolument imprévisible, les quatre musiciens pouvant se diriger vers de nouveaux horizons à chaque nouvelle mesure et aimant jouer des dissonances qui mises bout à bout parviennent pourtant à former d’intéressantes mélodies.
Aux tirades saturées d’électricité succèdent les ponts en apesanteurs rondement orchestrés par la présence d’une basse très marquée, à la violence salvatrice répondent les envolées subtiles et harmonies sublimement reposantes, chaque titre s’envole dans tous les sens tout en amenant une technicité irréprochable. La musique de Baroness est presque faites de contraires qui s’assemblent pourtant à la perfection et sans sentiment de cassure si l’on parvient à entrer de plein pied dans l’univers si particulier et unique de The Red Album. Le temps n’a presque plus d’importance, ni même la notion de plage, tant ce premier opus se vit comme un tout lancinant sur lequel chaque musicien vient faire preuve de son immense talent. Aucune restriction ne leur est donnée, chacun maîtrisant son art à la quasi-perfection et se voyant libre de le poser sur bandes sans restriction de tempo ou de genre musical. L’exemple le plus frappant demeure la batterie, qui se libère de tout carcan pour proposer un jeu riche qui, s’il pourra se révéler de prime abord parfois inapproprié, illustre à merveille toute la folie de ce projet hors normes. Quasi-intégralement instrumental, The Red Album voit néanmoins intervenir à quelques reprises un chant variant entre l’écorché et le haut perché, supplément de luxe rarissime qui viendra parfaitement habiller les passages les plus relevés.
The Red Album est un voyage ardu mais néanmoins impressionnant de maîtrise dans un paysage vierge de tout prédécesseur. Une ode prenante à la liberté artistique dans laquelle on se voit intégralement submergée pour peu que l’on souhaite en faire l’effort.
.: Tracklist :.
01. Rays On Pinion
02. The Birthing
03. Isak
04. Wailing Wintry Wind
05. Wanderlust
06. Cockroach En Fleur
07. Aleph
08. Teeth Of A Cogwheel
09. Grad
10. O'appalachia
11. Untitled