Il y a tout juste dix ans, deux adolescents peu motivés par leurs études décidaient de palier à leur ennui en montant un petit projet sans véritable ambition. Le recrutement va bon train et les nouveaux venus se succèderont, mais la formation profitera quelques années plus tard du phénomène metalcore initié par Killswitch Engage & co. pour se bâtir une solide réputation dans le milieu. Avec une première décennie au compteur, les cinq musiciens comptent bien s’engager dans une nouvelle voie, à peine plus de douze mois après un A Death-Grip On Yesterday qui leur avait ouvert les portes de l’Ozzfest et du billboard.
Atreyu a en effet décidé de miser sur l’évolution plutôt que livrer une copie conforme de son pourtant très bon précédent opus, entamant avec ces onze nouvelles compositions un virage plus mélodique, quitte à délaisser la formule usité jusque à la corde visant à appliquer le chant clair uniquement sur les refrains. Un changement qui ne signifie pas pour autant une remise en question radicale, mais qui suffira très certainement à certains pour leur coller une étiquette d’opportunistes avides de reconnaissance grand public. Malgré tout et pour peu que l’on daigne accorder à Lead Sails Paper Anchor un regard et une oreille dénués de préjugés, le travail livré par le quintet s’avère diablement appréciable. Non pas que ce nouvel essai se montre révolutionnaire, loin de là. Atreyu s’adapte parfaitement au standards pour lesquels la population adolescente se montre friande en s’appliquant à ne pas habiller sa musique d’une saturation trop oppressante ainsi qu’en intégrant aux compositions un esprit et des structures popisantes parfaitement labellisées FM (le piano langoureux parcourant « No One Cares »), mais accouche néanmoins d’une flopée de morceaux imparables qui n’effacent aucunement la technicité, et ce malgré la simplicité de leurs ossatures. Le leader Alex Varkatzas semble indiscutablement en être l’investigateur, tant le chanteur s’applique dans ses tirades à bannir le mot hargne de son vocabulaire. Rafraîchissantes, les parties vocales ne se voient donc construites quasiment que sur un chant clair très justement posé sur bandes (le nostalgique « Lose It »), celles-ci ne déviant qu’à de très rares occasions vers un registre hardcore plus viscéral (le pont de « When Two Are One »). Les backing vocals viennent à maintes reprises s’immiscer sur les refrains pour dynamiter l’ensemble, conférant presque à certains refrains par moment une dimension pop-punk (l’enjoué « Clean Sheets »).
Mais Atreyu évite avec brio les pièges si nombreux qu’incombe la présence d’un aspect mélodique plus poussé. La mièvrerie de la ballade insipide pour amoureux transis ou encore les mélodies redondantes n’ont ici pas lieu d’être. Malgré un arrière-goût plus que prononcé pour le mid-tempo, la formation démontre parallèlement que sa paire de guitaristes sait encore parcourir le manche avec une vitesse d’exécution plus qu’honorable. Dan Jacobs ainsi que son collègue Travis Miguel balancent du solo typé eighties qui cavale sans rechigner, celui-ci se profilant non pas comme une démonstration inutile mais comme une valeur ajoutée sachant se mettre en valeur aux moments opportuns (« When Two Are One »). Le groupe fait même preuve d’une véritable diversité, moulant certains morceaux dans un modèle metalcore / emocore bien connu (le titre d’ouverture « Doomsday ») avant de se fendre d’une composition habillée des émanations revigorantes du soleil californien ou d’embardées plus aventureuses laissant intervenir piano et trompettes (l’entraînant « Falling Down » construit sur une rythmique syncopée rebondissante teintée de rockabilly, « No One Cares », l’Hawaïen « Lead Sails And A Paper Anchor »).
Avec Lead Sails Paper Anchors, Atreyu livre un disque extrêmement facile d’accès et dans l’air du temps, tout en n’omettant pas d’y intégrer une véritable richesse musicale. Un fait assez rare pour être souligné à l’heure ou nombre de clones se fourvoient dans de pales copies sans véritable saveur ou personnalité.
.: Tracklist :.
01. Doomsday
02. Honor
03. Falling Down
04. Becoming the Bull
05. When Two Are One
06. Lose It
07. No One Cares
08. Can't Happen Here
09. Slow Burn
10. Blow
11. Lead Sails (And a Paper Anchor)
12. Clean Sheets