Lorsque AqME annonce une année sans actualité, c’est douze mois et guère plus. Au final, même si les parisiens se sont accordés une première pause méritée avant la sortie de ce quatrième album, celui-ci arrive au final dans le délai légitime des deux années suivant son prédécesseur. Mais le succès critique et public n’est cette fois néanmoins pas acquis d’avance, tant La Fin des Temps, album certes audacieux mais parfois bancal, avait divisé les opinions. Le retour au Dug Out Studio auprès de l’incontournable Daniel Bergstrand aura-t-il permis au quatuor de reprendre la direction qu’il n’aurait jamais du perdre de vue ? Réponse en douze titres.
Les quelques secondes suivant l’introduction « Hérésie » suffiront à se convaincre de la teneur de ce nouvel opus. Exit les compositions à rallonge s’égarant dans des travers inutiles et redondants, AqME se recentre sur des morceaux concis et surtout ultra-catchy, ramenant au goût du jour les traditionnelles et sans fioritures structures à base de couplet / refrain / couplet. Avec en moyenne trois minutes trente au compteur, les compositions d’Hérésie ne visent donc plus l’originalité à tout prix mais remplissent parallèlement leur objectif premier, à savoir proposer un cocktail détonnant de rock metal pesant et habité (le désenchanté « Triskaidekaphobie »). En douze titres saturés d’une électricité lourde et ponctuée à quelques rares occasions d’accalmies salvatrices mélancoliques (le mid-tempo « Romance Mathématique », animé par des refrains envolés marquant la cassure avec ses couplets dépouillés, « A.M. : Un Jour de Pluie »), AqME livre enfin le véritable successeur à son très bon Polaroïds & Pornographie. Car si Hérésie reprend presque au mot la formule de base du groupe, les musiciens y insufflent par ailleurs quelques éléments absents de ses premiers essais, à commencer une envie de faire dans une virulence plus exacerbée ainsi que la présence de quelques solos déjà intégrés sur l’opus précédent (« Un Goût Amer »). Des incartades qui sans faire preuve d’une technicité bluffante ne desservent nullement une belle brochette d’uppercuts aux riffs explosifs, morceaux dopés par une section rythmique sortant enfin de la mollesse dans laquelle elle semblait parfois confinée sur La Fin des Temps (l’enchaînement de haute volée « Casser / Détruire » / « 312 »).
Hérésie est par ailleurs fantastiquement mis en exergue par le son concocté par Daniel Berstrand, véritable artisan qui parvient à rétablir toute la puissance nécessaire aux morceaux d’AqME sans pour autant le lisser (à l’image des deux premiers opus), et ce même sur les titres les moins détonants (le très bon single « Karma & Nicotine »). Une production qui sied définitivement plus au quatuor que l’enregistrement rock’n’roll cradingue et sans relief de La Fin des Temps. La partie la moins accessible d’Hérésie résidera en fait dans les lignes de chant de Thomas, qui risquent bien une nouvelle fois de partager les opinions, malgré des progrès facilement décelables vers un chant plus juste que par le passé (« Romance Mathématique ») ainsi qu’une aisance toujours aussi décapante dans le registre hurlé (« 312 »). Le frontman n’est en effet pas le meilleur chanteur du moment, ni même un parolier d’exception (« Les Enfers » ainsi que « En Saga Om Livet » en témoigneront), mais celui-ci parvient néanmoins à habiller les compositions du groupe avec une honnêteté touchante. Thomas expose son vécu et ses sentiments avec ses mots et même si ceux-ci paraitront à quelques occasions maladroits, celui-ci évite de se cacher derrière la barrière du langage. Un atout non négligeable.
Hérésie marque le retour d’un AqME que l’on aurait presque pensé révolu, celui qui se montrait capable de pondre à la chaîne des séries de morceaux aussi entraînants que fédérateurs. Une réussite qui passe aussi par le détail de l’artwork, magnifique dans sa version digipack. Puissent-ils désormais continuer dans la même direction.
.: Tracklist :.
01. Hérésie
02. Uniformes
03. Lourd sacrifice
04. Un goût amer
05. Karma & nicotine
06. Les enfers
07. En saga om livet
08. Romance mathématique
09. Casser/détruire
10. 312
11. A.M : un jour de pluie
12. Triskaïdékaphobie