Bien qu’ayant été de tous temps la cible privilégiée des détracteurs d’un mouvement Nowhere dont ils auront rapidement su se détacher, AqME reste pourtant l’un des candidats néo-rock les plus enclins à intégrer la notion d’évolution au sein de sa composition. Si le virage rock-stoner n’aura pas été des plus convaincants (le relativement pénible La Fin des Temps), Hérésie avait su remettre la formation parisienne sur le chemin de l’énergie et de la rage retrouvée. Un semi-retour aux sources qui aura en partie motivé le départ de Ben Rubin, le musicien aspirant désormais à se fendre d’un rock’n’roll plus gras et moins direct par le biais de son projet Die In Monday. Remplaçant de luxe, le jeune Julien Hekking (transfuge des fantastiques Lazy) apporte de ce fait un souffle nouveau au quartet, ce dernier livrant son talent de guitariste lead à un disque au potentiel inattendu.
Le vent du renouveau traverse En l’honneur de Jupiter. Si l’album se profile d’avantage dans la directe continuité de son prédécesseur que comme une révolution en profondeur, AqME parvient sur ce nouvel opus à conférer à son écriture une épaisseur inédite et à transcender des formats sortant des sentiers battus. Bien que la déstructuration des morceaux n’ait déjà été abordée sur La Fin des Temps, la formation parvient enfin à aborder des ossatures à rallonge avec la passion et le dynamisme qui faisaient cruellement défaut à ses précédentes tentatives. Sans jamais s’éloigner radicalement d’un refrain-couplet-refrain abordable et mémorisable, le quartet témoigne d’un travail poussé sur ses habillages, En l’honneur de Jupiter recelant de ponts, breaks, voire même de solos qui aèrent l’écriture du groupe et lui apportent une indiscutable variété. Respectueux du passif d’AqME mais tout aussi désireux d’incorporer à ce cinquième opus une dimension technique nettement plus marquante, Julien propulse le groupe vers des horizons résolument nouveaux, le guitariste donnant naissance à des incartades empruntant aussi bien au metal tonitruant qu’à un post-rock plus sensible bâti sur des harmonies atmosphériques (le break de « Guillotine », le pont de « Macabre Moderne », l’instrumental « Uppe Pa Berget »). Si cette seconde influence demeure au final plutôt sous-jacente, les passages en apesanteur apportent clairement des contrastes harmonieux à un disque plus percutant, strié d'envolées en lead passionnantes et évitant soigneusement l’écueil du démonstratif inutile (« Le Culte du Rien »). Malgré ses innovations instrumentales, En l’honneur de Jupiter se montre de plus respectueux du travail du groupe et en réplique avec soin les indispensables impératifs.
Furieux et bardé de saturation, le disque s’habille parallèlement de riffs efficaces, dopés par une rythmique furibonde. Sans abuser d’une double qui martèle pourtant avec bonheur les passages les plus virulents, le jeu de batterie d’Etienne frôle l’excellence et apporte aux guitares mutantes de Julien un soutien solide et effréné. Lourd, puissant, renforcé par une basse ronde et déboulonnante, En l’honneur de Jupiter se profile probablement l’album le plus metal d’AqME depuis Sombres Efforts, les réminiscences pop discrètes du passé n’atteignant qu'occasionnellement la surface. Ces quelques percées permettent à AqME de s’épanouir dans les mélodies sombres et mélancoliques (« Noel Noir », « Vivre à Nouveau »), envolées touchantes et matérialisées par un chant clair juste et cohérent. Aidé par des paroles plus travaillées, introspectives et intéressantes malgré quelques inévitables clichés (« Tout le monde est malheureux »), Thomas se fend d’un travail vocal authentique et envoutant. Ravageurs, les vocaux hurlés déroulent une force de frappe sismique, la production conférant au chant un cachet « arraché » qui sied à merveille à l’aspect très personnel de ce dernier (« Le Chaos », « Macabre Morderne »). Si le frontman ne se s'apparente pas à un virtuose, ce dernier aborde l’écriture comme une thérapie et parvient à greffer avec brio à son travail ses sombres émotions et opinions. Un talent plus qu’appréciable.
Loin de la simple déclinaison qu’était Hérésie, En l’honneur de Jupiter se présente clairement comme un nouveau départ. Indiscutablement aussi accrocheur que le remarquable Sombres Efforts, ce cinquième opus redresse la barre et oriente le quartet vers de nouveaux terrains de jeu, aussi noirs soient-ils.
.: Tracklist :.
01. Tout le Monde Est Malheureux
02. Guillotine
03. Les Matamores
04. Noel Noir
05. Macabre Moderne
06. Le Culte du Rien
07. Blaspheme
08. Stadium Complex
09. Question de Violence
10. Vivre a Nouveau
11. Le Chaos
12. Uppe pa Berget