Si les très bons Bitterness The Star et A Snow Capped Romance avaient réussis à se démarquer avec brio d’une scène metalcore émergeante au moment de leurs sorties respectives, leur prédécesseur avait lui montré les limites du style 36 Crazyfists. Non pas que Rest Inside The Flames soit foncièrement bâclé, mais le groupe commençait à se mordre la queue, témoignant d’une certaine répétitivité ainsi que d’une désormais ennuyeuse et exacerbée similitude avec le mouvement enfanté par les vétérans de Killswitch Engage. Maintes fois repoussé, The Tide And Its Takers présente donc un objectif de taille : (re)conquérir le cœur d’un public chaque mois assailli d’une tripotée de clones sans âmes. Emancipé du label Roadrunner, le quatuor prend donc un nouveau départ sous l’égérie de Ferret Records.
S’il paraît impossible à 36 Crazyfists de se réinventer en profondeur sous peine de chambouler des fondations ayant depuis longtemps fait leurs preuves, The Tide And Its Takers représente néanmoins une bien meilleure cuvée que l’opus l’ayant précédé. Les constructions restent pourtant identiques à ce que le groupe a toujours fait, ce dernier déroulant du couplet / refrain / couplet sans dévier à un seul moment du schéma originel. Et si l’on ne s’attend désormais plus à se voir affliger la claque inhérente à la sortie de Bitterness The Star, force est de constater que 36 Crazyfists développe à nouveau un véritable talent de composition lorsque il s’agit de pondre du hit à la chaîne (« The All Night Lights », le très bon « Absent Are The Saint »), la musique du groupe se greffant désormais de manière indiscutable au phénomène de mode metalcore. A cheval entre ce dernier, émo et néo-metal à ses débuts, 36 Crazyfists semble en effet avoir définitivement fait ses choix, d’où un certain formatage des morceaux. Mais si le groupe y perd légèrement en originalité, l’intérêt reste pourtant bel et bien présent. Ces onze compositions s’avèrent même nettement plus efficaces et entraînantes, les quatre musiciens nous proposant des morceaux de bravoures ultra-catchy passant comme une lettre à la poste. Imparables, les refrains recèlent de riffs élastiques et rebondissant à souhait, 36 Crazyfists conservant intacte cette capacité à allier le calme et la tempête. A l’image d’un Killswitch Engage, le quatuor originaire de l’Alaska ne se démarque en effet pas dans la forme, extrêmement conventionnelle, mais plutôt de par une véritable maîtrise du genre et de ses codes. Les nombreuses parties les plus mélodiques de The Tide And Its Takers découlent logiquement (« We Gave It Hell », premier single fédérateur), effaçant tout sentiment d’opportunisme souvent rattaché à un chorus en chant clair tombant comme un cheveu sur la soupe suite à une déferlante d’électricité, même si la formation ne manque pas d’utiliser ce ressort sur chaque morceau.
Sans prétentions autres que celles de se loger dans la tête en a peine plus d’une écoute, les mélodies posées sur bandes par les quatre musiciens remplissent parfaitement leur rôle (« Nothern November », semi-ballade qui évite de sombrer dans des tirades acoustiques mielleuses), mais ne s’imposent sur ce nouvel opus qu’avec une plus grande parcimonie. 36 Crazyfists se fendra certes d’une ballade de fin de disque bien dispensable (« The Tide And Its Takers »), mais parvient pour le reste à ne pas rendre cette composante trop envahissante. Un bon point. Très réussi, le chant de Brock Lindow habille les instrumentations avec le même équilibre, oscillant constamment entre un chant clair parfaitement juste et hurlements arrachés. De mieux en mieux maîtrisé, son spectre perd malheureusement quelques points au niveau de l’émotion, mais couvre en contrepartie une plus large palette vocale. Le vocaliste s’adjoint par ailleurs les services de deux invités de luxe : le brailleur de Twelve Tribes qui teintera les couplets de « Clear The Cost » de son timbre puissamment hardcore, ainsi que Candace Kusculain (Walls Of Jericho) qui fait du rebondissant « Vast And Vague » le meilleur morceau de l’album, notamment grâce à un pré-refrain en chant clair absolument sublime.
Sans être révolutionnaire ni atteindre la qualité de ses premiers travaux, The Tide And Its Takers reste un très bon album. Du 36 Crazyfists pur jus, pour un disque qui se dresse sans peine dans le haut du panier metalcore. Si l’effet de surprise n’est définitivement plus au rendez-vous, le groupe redouble d’efforts pour nous servir un opus à l’efficacité renversante. Un disque taillé pour le live qui devrait prendre encore une toute autre dimension passé le cap de la scène.
.: Tracklist :.
01. The All Night Lights
02. We Gave It Hell
03. The Back Harlow Road
04. Clear The Coast
05. Waiting On A war
06. Only A Year Or So…
07. Absent Are The Saints
08. Vast And Vague
09. When Distance Is The Closest Reminder
10. Northern November
11. The Tide And Its Takers