Loin de la mode slam-varièt qui s’est développée ces dernières années, mais aussi de la scène hip-hop/électro à laquelle certains l’ont souvent rattaché, Psykick Lyrikah projette à travers sa musique un savant mélange de rap, de rock et de machines. Pour 2008, ce projet atypique (orchestré comme toujours par l’incroyable Arm) donne naissance à Vu d’Ici, un troisième album très personnel et hors des sentiers battus. Après l’étonnant Des Lumières sous les Pluies et le fort spontané Acte, Psykick Lyrikah revient donc sublimer à nouveau les paysages enlisés du hip-hop français.
Véritable conte moderne et allégorique, Vu d’Ici emmène ses auditeurs visiter le fin fond sonore d’un quotidien sombre et réaliste. Avec « Nulle part », l’introspection démarre sur une avancée instrumentale, lente et mélopée, aux doux accents cinématographiques. La douceur rêveuse de cette introduction est néanmoins vite submergée par l’acidité des morceaux suivants, que ce soit au niveau des orchestrations ou des mots. « Souvent l’absence se lit dans nos quêtes […] Regarde, vu d’ici, seul le feu nous atteint » (« Vu d’Ici »). La virée poétique dans laquelle est plongée l’écoute sillonne alors plusieurs textes mélancoliques, mais non moins empreints de vérité, sur fond d’électro aigue et de beats hip-hop lancinants. Sur le très contrasté « Un point dans la foule », Arm s’associe même avec Dominique A pour exprimer ses métaphores cinglantes : « De l’alcool dans le sang et plein les cieux […] Rien n’a bougé d’un fil, juste un point dans la foule ». La tension redescend enfin pour une escale groovy, distante et soutenue par la basse voilée de Robert le Magnifique (« Le premier soir »).
Pour la suite, « De plein fouet » repart vers un son plus rock, teinté de quelques structures jazzy. Les déflagrations de guitares accompagnent ainsi les paroles abrasives d’Arm sur une image de la réalité perturbée : « Des colonnes de flammes s’élèvent et dispersent la foule, on murmure le chaos sous nos yeux. Prend la rue en plein fouet sous les rouages d’un monde agile ». Sous l’impulsion de cette explosion sonore, les riffs s’allègent, tirent vers le blues (l’interlude « Anonyme ») et se font aussi éthérés (« Ne regarde pas »). Ils s’effacent ensuite progressivement et font place à la voix d’Iris, invitée à l’occasion d’un duo percutant (« Comptez les heures »), pour revenir discrètement détailler plusieurs titres prenants (« Le chant d’une nuit », « Toutes lumières éteintes » et « Une étoile »). Ils atteignent finalement une apogée sur la montée post-rock de « L’éclair » et clôturent majestueusement une ballade onirique, « L’aube, enfin ».
Avec Vu d’Ici, Psykick Lyrikah prouve la qualité et l’exigence de sa musique. Au-delà des styles, mais toujours cohérent, ce projet exceptionnel continue d’illuminer le paysage sonore français au gré de ses sorties.
.: Tracklist :.
01. Nulle part
02. Vu d’ici
03. Un point dans la foule (avec Dominique A)
04. Le premier soir
05. De plein fouet
06. Anonyme
07. Ne regarde pas
08. Comptez les heures (avec Iris)
09. Le chant d’une nuit
10. Toutes lumières éteintes
11. Une étoile
12. L’éclair
13. L’aube, enfin