Un an à peine après la sortie de Naphtaline, EZ3kiel remonte sur scène à l’occasion de la sortie de son dernier album, Battlefield. Résolument plus rock, mais non pas moins électronique, ce nouvel opus marque un tournant au sein de l’entité tourangelle : changement de direction musicale, intégration d’un quatrième membre… Retour sur la conception de cette machine de guerre avec Joan (claviers, machines, samples et guitares).
Après Naphtaline, EZ3kiel revient déjà avec un nouvel album. Pourquoi une si courte transition ?
Avec Naphtaline, on s’est arrêté de jouer et de faire des concerts pendant deux ans. On a pris le temps de faire cet album là tout en sachant que nous allions perdre notre intermittence. On a donc mis tout ce qu’on avait pu gagner dans ce projet. Comme on n’avait aucune rentrée d’argent, on s’est retrouvé dans l’obligation de sortir le plus vite possible un autre album. Au début on a eu une grosse panne d’inspiration, on n’avait pas envie de refaire un Barb4ry, un son catalogué dub-electro. Fin août, on n’avait toujours pas grand-chose. L’album a donc été fait dans l’urgence, avec une certaine pression. On avait posé un calendrier alors il fallait qu’on se dépêche pour sa finition. Battlefield a vraiment été composé de septembre à novembre. On est tout de même super content de cet album et de partir le défendre en tournée.
EZ3kiel est devenu aussi un quatuor : comment s’est passé l’intégration de Stéphane ?
On a décidé d’incorporer Stéphane, qui fait de la batterie et qui est un ami depuis sept/huit ans, suite à Naphtaline. Il a joué avec nous et comme musicalement on s’entendait bien avec lui, on a décidé de continuer ensemble. En plus, l’intégration d’un quatrième membre nous a permis de nous défaire de certaines séquences, surtout en live.
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Votre son est désormais plus abrupte, très orageux, avec des sonorités touchant au rock, à l’indus et au métal…
Battlefield a été composée dans une période de doute, un peu « noire ». Avec tout ce qui se passe autour de nous, on a voulu retranscrire sur cet album un climat assez violent. Naphtaline nous a permis de faire ressortir certains aspects de la musique d’EZ3kiel. Avec Battlefield, on a vraiment eu envie de développer un style plus violent, tout en gardant notre son à nous. A la base, le groupe s’est formé en 93 et ceux qui pouvaient nous influencer c’étaient les Bad Brains, Fishbone… On a voulu un peu revenir à tout ça. En plus, ça nous a aussi permis de nous libérer de certaines « bloquitudes », de souffrances…
Personnellement, je trouve que Battlefield dégage une certaine ambiance cinématographique. Est-ce qu’il y a un concept qui régit l’album ?
Comme on sait que Yann va poser des images sur notre musique en live, je pense qu’on est inspiré par une certaine dimension cinématographique. Au niveau sonore, on a développé une certaine harmonie qu’on peut retrouver dans des films : on peut citer Requiem for a Dream, David Lynch, Jim Jarmusch… toutes les influences qui nous sont communes à nous quatre. Après, il n’y a pas vraiment de concept autour de Battlefield. On n’en a pas eu le temps. Ce qu’on voulait faire depuis le début c’était un contraste entre des son violents et des sons très calmes.
Peux-tu me parler des différentes collaborations présentes sur l’album ?
Il y a quatre personnes qui font des cuivres et qui font partie d’un comité qui s’appelle La Compagnie du Coin : Toto au sax baryton, Cyril et Christian au trombone, Mouloud a la trompette. Y’a Blu Rum qui est un rappeur américain qu’on a rencontré par le biais de Reverse Engineering, qui est aussi sur Jarring Effects. Comme on avait un morceau hip-hop, on a pensé a lui. Ensuite il y a Narrow Terrence, qui est un groupe de paris qu’on adore. On leur a proposé de partager un morceau. Puis il y les DAAU avec qui ont fait une reprise de Prokofiev. Ce morceau là on le jouait sur la tournée qu’on avait avec eux pendant les rappels. Puis il y a Gérald, un pote qui fait de la guitare et qui vient de temps en temps dans notre local jouer sur des morceaux.
Vous leur avez laissé carte blanche ?
Pour les cuivres on avait tout écrit. DAAU c’était une reprise. Au niveau du chant on a laissé les invités faire ce qu’ils voulaient.
Comment est-ce que vous allez retranscrire les instrumentations et l’univers musical de Battlefield en live ? Je pense notamment aux cuivres…
On est en train d’y travailler en ce moment. On est à la bourre. Ca se passe plutôt pas mal, on avance. Y’a quelques passages de cuivres qu’on a samplé et qu’on va rejouer. Sinon il y en a beaucoup qu’on rejoue avec d’autres sons : la guitare par exemple, le vibra et le clavier. On essaye de faire passer un max de choses. On a aussi moins en moins de séquences, ça nous permet de faire tourner les morceaux comme on veut.
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Et concernant votre univers visuel, vous comptez projeter des images en rapport avec l’esthétique du livret du disque ?
Sur l’ancienne tournée on jouait que sur les images. Maintenant, grâce au CD-Rom qu’a développé Yann sur Naphtaline, c’est nous qui déclenchons des évènements au niveau des images. Par le biais de signalétiques, via un clavier, un pédalier midi, des capteurs, des pads de batterie, on envoie ces infos sur le logiciel qu’a créé Yann et puis lui le retraduit sur des animations. L’image est donc interactive.
Dernière question. Récemment, votre label, Jarring Effects, a mis en ligne sur son site un texte faisant référence au téléchargement massif de l’album sur le web. Qu’en penses-tu ?
Le téléchargement, je crois que c’est un problème d’éducation. Par exemple, si on pouvait avoir le choix de télécharger du pain gratuitement, tout le monde le ferait. C’est aux gens d’êtres assez responsables et de réfléchir à ce qu’il font. Quelque part, ça nous fait aussi de la pub. Après, j’suis assez loin de tout ça, je ne télécharge pas. J’ai pas cette démarche. Au niveau du groupe, on est partagé : c’est quand même bien de pouvoir télécharger de la musique afin de pouvoir découvrir des choses. Si certains intermédiaires dans le disque prenaient moins d’argent, proposaient les albums moins cher, les gens les achèteraient peut-être. Après, comment est-ce qu’on fait pour empêcher les gens de télécharger ? C’est ça le nerf de la guerre. Faudrait proposer quelque chose en contrepartie. Mais perso, j’ai pas de solution.
Un grand merci à Joan d’EZ3kiel pour avoir répondu à ces quelques questions, mais aussi à l’équipe de Jarring Effects pour l’organisation de l’interview.