{multithumb}Les tournées de groupes étrangers en France sont assez rares pour être soulignées, d'autant plus lorsque ceux-ci se voient accompagnés sur la totalité des dates par deux formations prometteuses et talentueuses. Rendez-vous était donc pris pour cette première journée de L'alien(n)ation fest' à St-André, petite commune située aux environs de Lille.
La soirée débute donc très tôt dans la MJC avoisinant la salle polyvalente où joueront plus tard les têtes d'affiches. Malheureusement Tronck et Costagravos, coincés dans les embouteillages, annulent presque à la dernière minute. Tri(balles), originaire de St-Omer, occupe donc le peu de spectateurs présents en cette fin d'après-midi avec son metal brutal et teinté de hardcore, à rapprocher d'un Black Bomb A sur lequel se serait greffé les percussions de Soulfly. Pour cause d'interview avec le frontman de (Hed)P.E., je ne saisie guère plus que quelques fort bons échos lors du retrait de mon pass, tout en imprimant dans un coin non occupé de mon encéphale de ne pas oublier de me renseigner sur ces activistes régionaux. Le temps que le public traverse le petit parc séparant les deux lieux, et Keishah monte sur scène pour baptiser le plancher de la salle polyvalente. Doté d'un nouveau line-up, le Keishah version 2.0 se veut radicalement différent, sans pour autant y perdre en qualité.
L'un des deux chanteurs, Fatt, a en effet quitté le groupe, et celui-ci n'étant pas remplacé, seulement deux anciens morceaux extraits de leur premier album ainsi que du maxi seront proposées ce soir (« Trip » et « Elle s'éveille »). Les nouvelles compositions s'orientent vers des sonorités nettement plus heavy, taillées pour la scène, domaine que Keishah semble posséder à la perfection. Les cinq musiciens débordent d'énergie, à l'image du nouveau batteur Julien qui met à mal son set de batterie, une cymbale dégringolant même du socle au cours de l'un des morceaux. Le second guitariste, Xavier, venu épauler Nico depuis le début de l'année, adopte quant à lui un jeu de scène délirant porté sur une danse plutôt étrange qui ne manquera pas de capter l'attention. Le public se montre peu réceptif, et pourtant chaque musicien y met tout son cœur, livrant une poignée d'excellents morceaux exécutés avec une totale maîtrise. Si Keishah avait déjà laissé un très bon souvenir avec son opus éponyme, la prochaine livraison risque bien de rester imprimée dans les mémoires pour un long moment.
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Sikh et Keishah partageant à peu de choses près le même matériel, le changement de plateau est effectué en dix minutes montre en main. On repart donc pour une seconde claque s'en s'être réellement remis de celle infligée par leurs prédécesseurs. N'importe quel individu ayant apprécié l'album et découvert le groupe sur scène par la suite pourra le confirmer : Sikh possède un charisme impressionnant ainsi qu'un son tout simplement énorme. Tout comme lors de leur premier passage dans la minuscule salle du Biplan à Lille, impossible de rester de marbre devant un tel ouragan sonore. L'assistance commence à se désinhiber, les niçois comptant quelques fans totalement dévoués qui lancent véritablement l'ambiance et reprennent les titres de bout en bout. « W.E.A.R.E », « I Can't Take This », « Ground Zero » ou encore le puissant « Malingo » donnent lieu à une bataille rangée de dreads entre Boz, Kal et Niko sur l'avant scène pendant que Gael martèle comme un dément en arrière plan. Titre figurant parmi les plus brutaux de l'album, « Kallaghan V.1.02 » est balancé en guise de conclusion avec un tact bulldozérien. Heureusement, cette déferlante d'uppercuts laisse place à une petite pause de trente minutes afin de procéder à l'installation d'Unswabbed.
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Représentants régionaux de la soirée, Unswabbed commence à se forger une bonne réputation en France suite à son second album Instinct, disponible depuis le début de l'année. Musicalement, la formation ne m'interesse que moyennement, mais force est de constater que les morceaux sont exécutés de fort belle manière et semblent toucher une grande partie de l'auditoire, tout particulièrement sur le single « Jusqu'à l'aube » porté par le soutien de radios comme Le Mouv' depuis la sortie du disque. Malgré les nombreux problèmes techniques (séquences venant déchirer les tympans le temps d'un morceau, voix quasi-imperceptible sur la conclusion du set), Unswabbed assure une prestation de qualité, au niveau instrumental comme vocal. Là où le bas blesse, c'est que le groupe a légèrement tendance à prendre des poses certes très photogéniques, mais plutôt clichées et énervantes sur la longueur. Enfin, on reste ici avant tout pour la musique, ce que Unswabbed fera très bien une heure durant.
Suite aux différents désagréments de son, les musiciens quittent la scène très énervés (en particulier le chanteur qui é
;clate son micro par terre) et laissent la place au quintet le plus attendu du moment. Il est 23h30, l'apéritif a déjà largement eu le temps d'être dégusté en loges, et c'est donc avec une bouteille de vodka a moitié vide que (Hed)P.E. se présente. Histoire de calmer un peu tout le monde, Jahred et ses acolytes lancent d'emblée un titre teinté de sonorités reggae extrait de Back To Base X, le nouvel album du groupe prévu pour le 6 juin (dont pas moins de quatre extraits seront proposés ce soir), avant de s'emballer pour « Represent » ainsi que l'énorme « Waiting to die », repris en cœur par la foule. Les shots de boisson fusent presque aussi vite que les fuck et autres déclarations complètement second degré de Jahred (« If you don't like my fucking band, get the fuck out ! »), le tout dans la bonne humeur et sans oublier de communiquer un maximum avec le public (le micro sera même tendu à un énervé du premier rang pour une déclaration dans la langue de Shakespeare totalement incompréhensible !).
DJ Product 1969 est probablement le membre le plus décalé de la troupe, courant dans tous les sens, vociférant ses backing vocals sur « Not Dead Yet » ou « The Truth » tout en adoptant parfois une danse proche du primate. Le show est asséné dans un pur esprit punk rock, le groupe évitant même de jouer ce que le public attend d'eux, à savoir les deux plus gros singles « Bartender » et « Blackout ». « Killing Time » sera néanmoins au programme, juste avant le clou du spectacle : une interprétation de « CBC » sur lequel viennent se rajouter Shob (bassiste de Keishah) et Kal (Chanteur de Sikh) au micro. Ce second, attifé en DJ Product 1969, imite son collègue avec un réalisme hilarant, scratchant dans le vent et dansant comme un pantin désarticulé, avant d'entamer une corrida avec son sosie en guise de conclusion !
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Le manque de spectateur laissait planer quelques doutes : voir des musiciens démotivés ou encore assister a un show écourté (d'autant plus compte tenu du retard accumulé au cours de l'avancement dans la soirée). C'était sans compter sur l'incroyable professionnalisme de ceux-ci, qui laissent les gens rentrer chez eux vers 1h du matin avec le sentiment d'avoir dépensé une poignée d'euros pour un concert qui en valait vraiment la peine. C'est bien connu : les absents ont toujours torts.
Merci à Mika (Versus), Kal, Gaël, Boz, Niko, Shob et Keishah, Jahred et (HED)PE, bravo à Mark pour ses progrès en Français, Ludwig et l'organisation de l'association Alien, Ludivine pour les photos.