{multithumb thumb_width=500 thumb_height=274}Ceux qui n'avaient eu que les échos du désormais mythique concert des Deftones au Divan du Monde en 1997 en rêvaient depuis bien longtemps. Car si suite à un Bercy calamiteux en 2003, les californiens ont exercés leurs talents dans des salles plus raisonnables (le Zénith ou l'Olympia), rien ne pouvait laisser présager un passage par le minuscule Trabendo. Mais après tout, absolument personne ne s'en plaindra, pas même les membres du groupe. Car ce soir, le plaisir était bien au rendez-vous, d'un côté comme de l'autre des barrières de sécurité.
Etant donné le peu de places disponibles ainsi que le prix proprement hallucinant de celles-ci, le public se voit essentiellement constitué d'adultes abonnés aux concerts du quintet depuis déjà de nombreuses années. Pas de bières vidées et éclatées sans discrétion sur le parvis de la salle, aucun hurlement primal visant à démontrer que l'homme est bien l'animal le plus haut placé sur la chaîne alimentaire ni même de bruyantes et inutiles réclamations lorsque la salle se voit obligée de se coltiner la lambada, tout le monde attend patiemment l'heure de la baffe ultime. Les esprits s'échauffent lorsque l'introduction aux rythmiques technoïdes résonne sur un jeu de lumière épileptique, les minutes étant interminables mais largement récompensées par un enchaînement « Root » / « Nosebleed » survolté d'entrée de jeu. Faute d'absence de première partie, l'assistance ne semble pas tout de suite rentrer totalement dans le jeu. Probablement la faute à une réelle proximité avec les musiciens poussant les occupants des premiers rangs à garder les yeux grands ouverts sur tous les faits et gestes d'un Chino qui malgré les kilos se donne à fond, même si le bonhomme n'a plus rien du fringuant jeune homme qui ne pouvait s'empêcher de s'incruster dans la fosse il y a de ça une dizaine d'années. Car en cette veille de paques, les Deftones vont assurer une prestation à l'ancienne, sans artifices et surtout sans fioriture, remaniant pour ce faire totalement la set-list proposée dix jours plus tôt à l'Olympia afin d'avant tout se concentrer sur les trois premiers opus, aujourd'hui érigés au rang de classiques du mouvement metal.
Certains vieux morceaux malheureusement oubliés sur les dernières tournées (« Lhabia », l'inédit « Teething » ou encore « Feiticeira ») seront donc de nouveaux mis en avant et exécutés avec rage et justesse, quitte à occulter pour cette date exceptionnelle les deux derniers travaux en date puisque aucun extrait de l'album éponyme ne sera exécuté. Le plus surprenant arrivera néanmoins en milieu de show avec une version impeccable du superbe « Passenger », long voyage hypnotique et torturé qu'ils n'avaient pas même daignés jouer lors de la date à Bercy, alors que Maynard James Keenan s'était chargé de l'ouverture avec A Perfect Circle et que tout le monde attendait la réunion des deux frontmans pour un duo d'anthologie. Contrairement au Zénith en juin 2006 ou le quintet s'était concentré sur ses essais les plus mélodiques avant de balancer à la face de son public l'intégralité d' Adrenaline en guise de rappel, la set-list est de plus idéalement élaborée, proposant les pépites les plus reposantes et atmosphériques entre deux déflagrations sonores explosives. L'occasion pour les Deftones d'insérer les récents morceaux de Saturday Night Wrist (« Cherry Waves », « Hole In The Earth » ou encore « Beware »). Malgré quelques effets de reverb parfois agaçants, la voix de Chino parvient aisément à se hisser dans les plus hautes sphères, en particulier sur le traditionnellement massacré « Digital Bath », même si pour cette fois-ci Stephen Carpenter semble totalement à coté de la plaque. Rarement jouée, « Elite » ne manquera pas de faire trembler les murs, avant que le quintet ne se décharge d'un beau doublé « Bored » / « Back To School » fédérateur et sans surprise repris en choeur.
Le seul reproche pourrait concerner l'architecture même du Trabendo, car si niveau acoustique celle-ci s'avère bien plus appropriée à accueillir un concert que les grands parcs à bestiaux parisiens, la scène est difficilement perceptible depuis le fond, à tel point qu'il faudra se contenter des cheveux de certains musiciens (en particulier Abe à la batterie, qui livre pourtant une performance remarquable). Heureusement et comme à son habitude, Chino dispose d'un petit piédestal sur lequel il peut se hisser pour surplomber la foule. Stephen semble également un peu isolé, reclus sur la gauche et ne communiquant que très peu, témoignant dans son attitude des tensions probablement toujours aussi présentes au sein du groupe. Les problèmes techniques ne l'épargneront pas, ce qui contraint la formation à chambouler son rappel en le jouant à l'envers, terminant son show dans la douceur d'un « Changes » en place et lieu du nerveux « 7 Words » initialement prévu. Dommage. Pour le reste, on ne pourra que difficilement quitter le Trabendo d'humeur morose.