Voir Ozzy Osbourne, prince des ténèbres du Heavy-Metal et Korn, héros de la mouvance néo-métal des années 1990, partager la même scène, c’est, au delà de la démarche commerciale pure visant à remplir Bercy, un trait d’union entre deux mondes qui peuvent se retrouver à l’occasion d’une soirée. Mais si l’ancien leader de Black Sabbath est bel est bien revenu des ténèbres, le combo de Bakersfield y va lui tout droit… Récit d’une soirée forte en émotions.
Les canadiens de Danko Jones ne subiront pas les feux de notre critique, la (rare) ponctualité des programmateurs de Bercy en ce début de soirée et la (faible) motivation a suivre la présentation de leur nouvel album, Below The Belt, ayant eu raison de nous… Néanmoins, pas de problème pour suivre le show des américains de Korn: Bercy n’étant qu’à moitié rempli à ce moment là, on se fraie facilement un chemin pour se rapprocher de la scène et on se dit que cette soirée commence bien, car de mémoire il n’a jamais été aussi facile d’être aussi près de Jonathan Davis et de ses compères… c’est là qu’on aurait dû se douter que quelque chose n’allait pas tourner rond. Les lumières s’éteignent et c’est avec bonheur que l’on entend les premières notes de l’intro de Issues, nostalgie de l’époque où Korn était venu ici-même défendre cet album génial de sincérité et de recherche musicale devant un Bercy à l’époque plein à craquer et dont la scène était ornée d’une reproduction d’un pénitencier où les membres du fan-club étaient enfermés, bijou de montage scénique représentatif d’une époque ou Korn s’était approprié les lieux. Brusque retour à la réalité de 2010, ni Head, ni David Silveria ne sont présents, après leurs départs du groupe et c’est Ray Luzier qui est maintenant derrière les fûts, très technique, maitrisant la double pédale comme personne… sauf que dans Korn, mettre de la double partout et des exploits techniques à chaque fin de couplet ne sert à rien, à part surcharger des titres qui détonnaient par leur efficacité. Mais n’accablons pas le pauvre Luzier, il ne sera pas le seul à massacrer les éternels « Got The Life », « Freak On a Leash » et « Blind »: Jonathan Davis lui-même s’en chargera, détruisant les refrains mythiques en chantant faux, qualité qu’on pensait pourtant réservée à un autre frontman mythique du néo, j’ai nommé Chino Moreno. Davis ne pouvant plus assurer correctement sur les refrains, il est maintenant accompagné de choeurs encore plus faux que lui… bref un bonheur vocal de tous les instants. Ajoutez à ça des titres joués à un rythme plus lent que sur les albums, un pitoyable second guitariste qui joue dans l’ombre, un DJ qui lance des samples pour remplacer les anciennes parties guitare du regretté Head, et vous obtenez une formidable prestation de huit titres et trente minutes (!) qui désespérera les inconditionnels du groupe, qui malgré des derniers albums pitoyables se rattrapaient avec les bonnes performances live du groupe… Korn meurt un peu plus à chaque fois, et c’est vraiment triste à voir.
Mais rassurons-nous, il y en a un autre qui est revenu de l’enfer mais avec de toutes autres intentions: Ozzy! Le diable annonce la couleur en commençant à chauffer la salle avec son micro avant que les musiciens arrivent sur scène… mais celle-ci n’a pas besoin d’être chauffée, et elle se remplit d’ailleurs, preuve que ceux qui sont là sont là pour lui et uniquement pour lui! Et il y en a des nostalgiques de l’âge d’or du heavy-métal, barbus aux vestes en jeans ou de cuir, bikers et autres Hell’s Angels qui ressemblent plus à des grands gamins, submergés par l’émotion à l’idée de voir ou revoir leur idole… et ils sont prêts à chanter et faire trembler Bercy comme au bon vieux temps. Le Prince des ténèbres arrive alors sur scène; la démarche est mal assurée, la voix tremblotante, mais le sourire jusqu’aux oreilles, Ozzy crie son bonheur d’être de retour et on le croit, car il est débordant de sincérité et de bonne volonté, passant son concert à arroser le public avec des seaux d’eau et une sorte de lance à incendie qui déverse de la bière ou un autre liquide mousseux dont il n’hésitera pas à s’asperger lui-même, le transformant en vieux sorcier bardé de mousse blanche avec des ailes dans le dos… Il faut le voir pour le croire et honnêtement, on n’y croyait pas. Ozzy donne tout ce qu’il a, et même s’il n’a plus beaucoup de voix, qu’on a mal pour lui quand il se déplace et qu’on soupçonne un playback mal dissimulé sur un ou deux morceaux, il réussit à faire chavirer Bercy de bonheur en reprenant les standards inoubliables de Black Sabbath, tels « Paranoid» ou « Iron Man » ou ceux de sa carrière solo comme le sublime « Suicide Solution ». Accompagné de quatre nouveaux très bons musiciens ravis d’être sur scène avec une légende comme Ozzy, dont Tommy Clufetos (Rob Zombie) qui nous gratifiera d’un vrai solo de batterie à l’ancienne, hallucinant de technique et de musicalité, Ozzy s’éclate et revit, prend de l’assurance au fur et à mesure du concert, abandonnant même sa marche boitillante au gré des morceaux, comme si la scène redonnait vie à ce suppôt de l’enfer, revenu d’outre-tombe…
« Vous savez que j’ai enregistré ce morceau à Paris? » demande-t il à la foule en délire. « Je me souviens pas exactement où, car une fois de plus, j’étais trop défoncé! » hurle-t-il en riant. « Mais maintenant c’est fini et je suis de retour! ». Et il nous l’a prouvé, avec presque deux heures de shows et des rappels à n’en plus finir, bien aidé par un son très correct pour Bercy et un public acquis à sa cause qu’il aura rendu heureux l’espace d’un voyage à travers le temps et les affres d’une vie qu’il aura, malgré ses atermoiements artificiels et ses prestations pathétiques de héros déglingué pour la trash-TV américaine, consacré à la musique et au développement d’un style dont bien des groupes actuels peuvent être fiers d’hériter. Touchés en plein coeur par la ballade « Mama, I’m coming Home » et les briquets allumés de toutes parts, symbole d’un autre temps, c’est avec une émotion incroyable que les supporters du Prince des ténèbres quittent son antre d’un soir, le coeur gros mais la tête pleine de ces hymnes intemporels qu’Ozzy Osbourne et ses musiciens ont su faire revivre.
.: Setlist :.
1. Bark At The Moon
2. Let Me Hear You Scream
3. Mr. Crowley
4. I Don’t Know
5. Fairies Wear Boots (Black Sabbath)
6. Suicide Solution
7. War Pigs (Black Sabbath)
8. Shot in the Dark
9. Rat Salad (Black Sabbath)
10. Iron Man (Black Sabbath)
11. Killer Of Giants
12. I Don’t Want to Change the World
13. Crazy Train
Rappel
14. Mama, I’m Coming Home
15. Paranoid (Black Sabbath)
16.Flying High Again
17. Into the Void (Black Sabbath)