Rarement l’expression être en avance sur son temps n’a aussi bien été illustrée par un groupe, en l'occurrence Refused. Il est des jours comme ça où vous pensez que tout est comme d’habitude, vous vous apprêtez à mettre sur votre platine un CD qui ne paie pas de mine. Mais dès la première seconde, c’est la révélation. Votre vie ne sera plus jamais la même… C’est un peu le constat que l’on tire lorsque l’on découvre The Shape Of Punk To Come. Cet album n’est ni plus ni moins que la ligne directrice que le punk/hardcore doit désormais suivre. Et pour une fois ce ne sont pas des américains qui ont cette prétention mais des suédois straight edge ! Quatre petits vikings gringalets aux antipodes des clichés hardcore. Chez Refused, ni tatouages sur tout le corps, ni bodybuilding à outrance mais un look ultra classe, limite fils à papa. C’est justement ce décalage entre image et musique qui est tout simplement succulent.
Refused n’est pas qu’un simple groupe de hardcore ou de punk, il est bien plus que ça. Le quatuor fait preuve d’une ouverture d’esprit paradoxale dans ce milieu. On voit ainsi toute une palette d’intermèdes aux styles variés parsemant l’album comme l’instrumental « Pruitist Pome #5 » ou comme la fin électro/latino de « Worms Of The Senses / Faculties Of The Skull ». Violons, moments hardcore de folie et accordéons s’alternent sur « Tannhäuser / Derivè ». La contrebasse s’immisce en plein milieu de « The Deadly Rhythm » et les influences jazz sont omniprésentes sur tout l’album.
Les riffs sont acérés ; les rythmes, tantôt lents ou a contrario très rapides, sont d’une efficacité redoutable ; le chant est crié mais sait aussi être doux, étouffé allant même jusqu’au parlé (« The Apollo Program Was A Hoax »). Les paroles politisées et engagées sont aussi brûlantes que la musique. Le tout est pensé comme un concept album mais sans en être vraiment un.
« New Noise » est LA chanson culte par excellence. Une longue intro ultra léchée dominée par la guitare nous met dans l’ambiance, la tension monte… À 1’07 précisément, le monde s’arrête : « CAN I SCREAM?! », le chant complètement fou de Dennis Lyxzén provoque une déflagration irrémédiable qui résonne encore aujourd’hui.
« This is the beat of a new generation » tiré de « Refused Party Program » est bien la preuve que le quatuor semblait avoir conscience de ce qu’il était en train de créer, c'est-à-dire un monstre avec lequel toute une génération de groupes hardcore allait devoir vivre, suivre et jalouser.
C’est dans la douleur que ce chef d’œuvre a vu le jour et c’est dans l’incompréhension d’un milieu pas encore prêt pour LA révolution qu’il sortira en 1998. Ce testament d’un groupe détruit par l’ego de ses membres est aujourd’hui une référence pour de nombreux mouvements quel qu’en soit le style. Si la perfection n’est pas humaine alors ces suédois ne sont pas humains. The Shape Of Punk To Come est une oeuvre cultissime qu’il serait criminel de ne pas posséder.
.: Tracklist :.
01. Worms Of The Senses / Faculties Of The Skull
02. Liberation Frequency
03. The Deadly Rhythm
04. Summer Holidays Vs. Punk Routine
05. Pruitist Pome #5
06. New Noise
07. Refused Party Program
08. Protest Song ’68
09. Refused Are Fucking Dead
10. The Shape Of Punk To Come
11. Tannhäuser / Derivè
12. The Apollo Programme Was A Hoax