Etonnante, cette lenteur rythmique qui s'insinue progressivement dans l'inspiration musicale de la nouvelle scène extrême. Les derniers All Shall Perish et Chimaira, par exemple, avaient surpris avec leurs mid-tempos presque permanents. La continuation en suite logique d'une tendance grandissante au beatdown, devenue passage obligé pour tout le monde? Voilà en tout cas Suicide Silence qui s'y met sur leur 2e album No Time To Bleed, dont on trouve pour le coup quelque chose à dire, contrairement à leur premier opus uniquement bon à remplir les bacs des disquaires d'occasion.
Attention, pas de révolution non plus au royaume du deathcore. Suicide Silence reste porté par l'utilisation de riffs typés death metal sur une batterie thrash ou en blast, contrastant avec des passages hachés pachydermiques renforcés par un accordage en La plus bas que terre, et l'alternance du chant criard et gutural. A ce petit jeu ô combien classique, les chevelus s'en sortent bien, sans briller pour autant de mille feux côté originalité technique. Les solos ne servent pour la plupart du temps à rien, mais les guitares s'éloignent enfin de l'avalanche de gros riffs et s'aventurent du côté des ambiances, dont on reparle plus bas. Mention spéciale tout de même au très tatoué Mitch Lucker et son chant véritablement impressionnant.
Mais par rapport à The Cleansing sorti en 2007, très rapide, linéaire et répétitif, un contraste est flagrant : le tempo. Dès le morceau d'ouverture « Wake Up », le blast n'est utilisé que comme pont de cassure rythmique au milieu de 3mn30 de lourde et lente progression. Pour la suite, on pourrait croire à un retour à la normale, avec la majorité des compos débutant sur des passages accélérés de deathcore somme toute efficaces, à mi-chemin entre le thrash-death, Slipknot et le punk-hardcore. Puis c'est la dégringolade rythmique, et l'arrivée d'épais breaks-beatdowns traînant la patte jusqu'à la piste suivante, sur des guitares accablantes de gravité et des vocaux qui ont du donner le goût de sang à la gorge du chanteur. Bien sur, les parties rapides reviennent souvent à la charge, sur des morceaux aux structures basiques "couplet-refrain", mais le plus marquant reste bien ces moments de pesanteur.
Cette conception stylistique, nouvelle pour les Américains qui n'en démordent pas pendant 37 minutes, se marie à merveille à l'ambiance film d'horreur de No Time To Bleed. C'est l'autre bon point de l'album, à savoir l'utilisation bien sentie de nappes de guitares et de samples faussement angoissants. Une bande originale parfaite pour des explosions d'hémoglobine de série Z, des serial killers et des jeunes filles en cris. Chaque morceau a son détail du genre, tels le strident crissement de « Smoke », la fin brouillée de « Suffer » et les extraits de dialogue sur l'instrumentale « …and then she bled ». Cette atmosphère a par ailleurs conditionné le visuel (qu'on dirait sorti de la série Dexter), les titres et les lyrics de l'album, ainsi que la vidéo de « Wake Up ». Question originalité on repassera, mais les amateurs apprécieront, et l'ensemble se tient.
Pas de révolution, donc, mais des évolutions assez intéressantes.
No Time To Bleed n'est clairement pas la sortie de l'année, ni même de l'été, mais a le mérite de faire bouger quelques lignes et d'attraper l'oreille avec un petit goût de revenez-y : choses qu'on attendait pas de Suicide Silence. A voir si ce début réussi d'originalité aura une suite.
.: Tracklist :.
01. Wake Up
02. Lifted
03. Smoke
04. Something Invisible
05. No Time to Bleed
06. Suffer
07. …And Then She Bled
08. Wasted
09. Your Creations
10. Genocide
11. Disengage